Pour le général de Villiers, le domaine de l’influence constitue un « nouveau champ d’action »

cema-20151127En février 2015, Le Monde et Europe1 révélaient que le Centre interarmées d’actions dans l’environnement (CIAE) avait reçu pour mission d’infiltrer les sites Internet jihadistes en opérant sous fausses identités. Et cela, afin de recueillir des renseignements, de comprendre les mécanismes d’embrigadement, voire d’empêcher les recrutements en « déconstruisant » la propagande de Daesh (État islamique ou EI) ou d’al-Qaïda.

Pour le quotidien du soir, l’armée française renouait ainsi avec des « pratiques ultrasensibles », en soulignant que les « dernières opérations de contre-propagande massive » avaient été « déployées pendant la guerre d’Algérie ».

Seulement, cette information fut démentie par l’État-major des armées. « Ce n’est pas dans notre périmètre » de compétence, assurait alors son porte-parole, le colonel Gilles Jaron, dont les propos furent rapportés, à l’époque, par L’Opinion.

En réalité, explique Jean-Dominique Merchet, le rôle du CIAE se limiterait à faire de la « veille » et de la « surveillance » de la « jihadosphère ». Les renseignements ainsi obtenus sont ensuite envoyés au commandement opérationnelle de la cyberdéfense, puis au Centre de planification et de commandement des opérations (CPCO). À aucun moment il n’est question de faire de la contre-propagande ou de monter des opérations psychologiques (PSYOPS).

Mais cela va-t-il sans doute changer. Lors d’une allocution prononcée en conclusion du « séminaire de la communauté militaire des opérations », le 12 janvier, le général Pierre de Villiers, le chef d’état-major des armées (CEMA), a évoqué les enjeux et les menaces auxquels les forces françaises doivent faire face.

« L’évolution récente de la situation sécuritaire – et sa dégradation – montre que les menaces émergentes ne se substituent pas aux anciennes : chaque nouvelle menace s’ajoute aux précédentes. Chaque nouveau théâtre s’ajoute aux précédents et maintenant le territoire national fait partie intégrante de ce paysage », a ainsi affirmé le CEMA.

Après avoir rappelé la nécessité de combattre dans les zones en crise, le général de Villiers a estimé, que, aux zones d’intervention géographiques « traditionnelles », il fallait ajouter « deux nouveaux théâtres d’engagement ».

Le premier est donc le territoire national (TN). « Cet engagement contre des terroristes, à l’intérieur de nos frontières, est d’une nature nouvelle par rapport à ce que nous faisions avec Vigipirate : les armées n’agissent plus dans une logique d’appoint ponctuel, mais de celle d’une contribution importante à la protection du TN face à une menace terroriste, durable, militarisée et manœuvrière », a-t-il dit.

Quant au deuxième « nouveau champ d’action », il s’agit de celui de « l’influence et des perceptions ». En clair, de la contre-propagande et des opérations psychologiques.

« De façon plus large, c’est l’ensemble des domaines – dont le cyber espace – qui permet de porter la guerre pour, par et contre l’information. Ce champ de bataille, qui n’est pas lié à une géographie physique, offre de nouvelles possibilités pour la connaissance et l’anticipation, ainsi qu’un champ d’action pour modifier la perception et la volonté de l’adversaire. Il permet par ailleurs de s’attaquer à la disponibilité et à l’intégrité de tous les systèmes et réseaux de fonctionnement des Etats et de leurs armées », a expliqué le général de Villiers.

Et d’ajouter : « N’oublions pas qu’une partie importante des combattants étrangers se recrute sur les réseaux sociaux. Ce fait, ainsi que l’influence des médias sur les opinions publiques, doit nous inciter à mener cette bataille des perceptions. Nous sommes présents sur ces deux fronts de la défense de l’information et de la cyberguerre. »

Pour rappel, le mode opératoire des opérations militaires d’influence (OMI) françaises est décrit dans le document le DIA – 3.10.1 publié en mars 2008 par le Centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations (CICDE). Certaines ont été menées en Afghanistan, avec, par exemple, la création d’une station de radio dont l’objectif était de contrer la propagande des taliban.

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