Washington sanctionne un homme d’affaires syrien accusé d’acheter du pétrole à Daesh

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a catégoriquement nié, le 26 novembre, que la Turquie bénéficiait des ventes de pétroles de l’État islamique (EI ou Daesh), comme l’a affirmé Moscou.

« Ceux qui nous accusent d’acheter du pétrole à Daesh ont l’obligation de prouver leurs allégations. Sinon, vous êtes des calomniateurs », a ainsi affirmé M. Erdogan, lors d’une réunion avec des élus locaux. « Daesh vend le pétrole qu’il extrait à Assad, parlez de ça avec Assad que vous soutenez », a-t-il ajouté, à l’adresse des Russes.

Cependant, en juillet dernier, le quotidien britannique The Guardian a révélé que le « ministre du pétrole » de Daesh, le Tunisien Abu Sayaf, tué lors d’un raid des forces spéciales américaines, entretenait des rapports « très clairs » et « indéniables » avec des responsables turcs.

Pour Daesh, la vente de pétrole, exploité essentiellement dans la région de Deir ez-Zor, lui rapporte entre un quart et un tiers de ses revenus, sur la base de 20.000 et 40.000 barils par jour (une goutte d’eau dans la production mondiale, qui est de 90 millions de barils/jour).

Pour écouler sa production, l’organisation jihadiste passe par des réseaux clandestins déjà utilisés quand le pétrole irakien était sous embargo (programme « Pétrole contre nourriture », mis en place dans les années 1990), qui l’achemine en Turquie et en Jordanie mais aussi dans le reste du territoire syrien.

Aussi, le régime de Damas achète du pétrole auprès de Daesh, via l’entremise d’un certain George Haswani, un homme d’affaires proche du clan Assad et actionnaire de l’entreprise Huesco, laquelle maintient des facilités de production d’énergie dans les territoires contrôlés par l’organisation jihadiste en Syrie.

C’est du moins ce qu’affirme le Trésor américain, qui, le 25 novembre, a pris des sanctions à son égard ainsi qu’à l’encontre de plusieurs autres personnalités et entreprises syriennes et russes, accusées de soutenir financièrement le régime de Bachar el-Assad.

« Le gouvernement syrien est responsable de violences et brutalités envers son propre peuple. Les Etats-Unis continueront de cibler les finances de tous ceux qui permettent à Assad de continuer à infliger cette violence au peuple syrien », a expliqué Adam J. Szubin, le sous-secrétaire américain au Trésor responsable de la lutte contre le terrorisme.

Cela étant, les autorités américaines ont un train de retard par rapport à l’Union européenne (UE), qui a pris une mesure similaire contre George Hawani le 6 mars dernier.

« Important homme d’affaires syrien, copropriétaire de HESCO Engineering and Construction Company, importante société d’ingénierie et de construction en Syrie. Il entretient des liens étroits avec le régime syrien. George Haswani soutient le régime et en tire avantage grâce à son rôle d’intermédiaire dans le cadre de transactions relatives à l’achat de pétrole à l’EIIL (Daesh) par le régime syrien. Il tire également avantage du régime grâce au traitement favorable dont il bénéficie, notamment un marché conclu (en tant que sous-traitant) avec Stroytransgaz, une grande compagnie pétrolière russe », fait valoir la décision du Conseil européen, publiée par le Journal officiel de l’UE du 7 mars 2015.

Quoi qu’il en soit, priver Daesh de ses recettes pétrolières est une priorité. Pour autant, il n’est pas question, du moins pour la coalition emmenée par les États-Unis, de détruire les infrastructures liées à la production, étant donné que cela serait contre-productif vis-à-vis de la population vivant sous le joug de l’organisation jihadiste.

D’où la modification récente des règles d’engagement et le lancement de l’opération Tidal Wave II qui vise le transport du pétrole exploité par Daesh, comme l’a expliqué Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, après les attentats du 13 novembre.

« L’assouplissement de certaines règles d’engagement américaines qui rend possible l’activation de cibles auparavant négligées. Je vous avais parlé, en commission de la Défense, des files de camions attendant de se charger en pétrole pour aller le vendre au marché noir, que personne n’était autorisé à frapper en raison du risque de dégâts collatéraux. On pouvait pourtant suivre des principes de bon sens : par exemple, envoyer des tracts prévenant la population, puis frapper. Les nouvelles règles autorisent désormais l’armée américaine à le faire », a-t-il dit aux députés.

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