Une suite d’erreurs humaines et techniques pour expliquer une frappe américaine sur un hôpital à Kunduz

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Le 3 octobre, alors que les taliban et leurs alliés venaient de prendre brièvement le contrôle de Kunduz, dans le nord de l’Afghanistan, un avion AC-130 Gunship des forces américaines a bombardé un hôpital administré par Médecins sans Frontières (MSF), ce qui a fait 30 tués par les patients et le personnel.

Étant donné que l’organisation non gouvernementale (ONG) avait communiqué les coordonnées GPS de cet hôpital, ses responsables ont évoqué un possible « crime de guerre », estimant que l’établissement avait été délibérément pris pour cible.

Pour ajouter de la confusion à cette affaire, les autorités afghanes ont affirmé que des taliban attaquaient leurs troupes depuis l’enceinte de cet hôpital, ce qui a justifié, selon elles, la demande d’appui aérien à l’AC-130 Gunship américain.

Plus de six semaines, le général John Campbell, le commandant de la mission « Resolute Support », menée sous l’égide de l’Otan, a livré les conclusions d’une enquête ouverte après cet incident. Déjà, ce dernier avait pointé, lors d’une audition devant le comité des Forces armées du Sénat américain, en octobre, une « erreur » dans la chaîne de commandement et un non respect des règles d’engagement.

Et c’est ce qu’a mis en lumière l’enquête en question. Lors d’une conférence de presse donnée le 26 novembre, le général Campbell a ainsi avancé que cet incident « tragique mais évitable » a été « causé avant tout par l’erreur humaine ». Et d’expliquer que l’hôpital avait été « confondu » avec une autre cible, située à environ 400 mètres plus loin et où une activité hostile avait été détectée.

L’équipage de l’AC-130 Gunship, par ailleurs « épuisé » par cinq jours de combat, n’a pas pris tous les renseignements utiles avant de mener, dans l’urgence, sa mission à Kunduz.

Dans le même temps, l’appareil a connu une série de dysfonctionnements de ses systèmes de navigation, de ciblage par GPS et de communication puis a été contraint de faire une manoeuvre d’évitement, ce qui a « désorienté » l’équipage.

Ce dernier a donc repéré un bâtiment correspondant « à peu près » à celui qu’il devait bombarder, en se fiant une « description approximative » donnée par les troupes afghanes. Et, « la nuit, il n’a pas pu identifier les marques signalant le statut protégé de l’hôpital ».

Une minute avant d’ouvrir le feu, l’équipage a contacté son état-major, à Bagram pour lui transmettre les coordonnées de la cible qu’il s’apprêtait à bombarder. Mais là encore, personne n’a remarqué que l’hôpital figurait sur la liste des bâtiments protégés. « La confusion a été accentuée par le fait que les communications électroniques et vidéo avec l’appareil ne fonctionnaient pas », a indiqué le général Campbell.

« Les enquêteurs n’ont trouvé aucune preuve que les personnels impliqués savaient qu’ils attaquaient un hôpital. Ils ont envoyé les coordonnées de leur cible au siège à Bagram Air Field, elles n’ont apparemment pas été vérifiées sur la liste des bâtiments protégés », a-t-il résumé.

« Les personnels qui ont demandé la frappe et ceux qui l’ont exécutée n’ont pas pris les mesures appropriées pour vérifier que l’établissement était une cible militaire légitime », a encore insisté le chef de Resolute Support.

En conséquence, « les personnels les plus étroitement associés à cet incident », c’est à dire les pilotes de l’AC-130 et des officiers du commandement américain des opérations spéciales en Afghanistan, ont été « suspendus de leurs fonctions, en attendant l’examen de sanctions administratives et disciplinaires », a assuré le général John Campbell.

Cela étant, les résultats de cette première enquête – deux autres sont en cours – sont encore loin de satisfaire MSF. L’un de ses responsables, Christopher Stokes, a estimé qu’elle « apporte plus de questions que de réponses ». Et d’ajouter : « Cette succession effrayante d’erreurs relève de la négligence grave. Il s’agit d’une violation du droit humanitaire qui n’est pas le fait d’erreurs individuelles. »

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