Le général de Villiers nuance le rapprochement franco-russe sur la lutte contre Daesh en Syrie

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Le 19 novembre, le général Pierre de Villiers, le chef d’état-major des armées (CEMA) et son homologue russe, le général Valeri Guerassimov, ont eu un entretien téléphonique pour évoquer la situation en Syrie.

Selon le compte-rendu qui en a été fait par le ministère russe de la Défense, les deux chefs militaires auraient « discuté de la manière d’accomplir la mission fixée par les présidents français et russe pour unifier les forces engagées dans la lutte contre le terrorisme international ».

Une tournure de phrase qui laissait alors entendre une coordination éventuelle entre forces russes et françaises. Et cela d’autant plus que, auparavant, le Kremlin a fait savoir que le président russe avait « ordonné » aux navires russes croisant au large de la Syrie d’établir « un contact direct avec les Français » et de « travailler avec eux comme avec des alliés », alors que venait d’appareiller le groupe aéronaval constitué autour du porte-avions Charles de Gaulle pour un déploiement en Méditerranée orientale.

Dans un entretien publié ce 22 novembre par le Journal du Dimanche, le général de Villiers a donné des précisions sur la teneur de cet échange et nuancé ce rapprochement « franco-russe » dont il est tant question ces derniers jours.

« J’ai parlé jeudi à mon homologue russe, le général Guerassimov, pendant 30 minutes au téléphone. Nous nous sommes présentés nos condoléances mutuelles suite à l’attentat qui a frappé les ressortissants russes au-dessus du Sinaï et aux attentats de Paris, et on a discuté des moyens techniques à mettre en oeuvre pour éviter que nos bâtiments se ‘tamponnent’ au large de la Syrie », a affirmé le général de Villiers, en souligant le ton cordial et professionnel de la conversation.

Reste que, à l’heure actuelle, il n’est nullement question de coordonner des frappes contre l’EI (État islamique ou Daesh) avec les forces russes. Et les Rafale M et Super Étendard Modernisés (SEM) du Charles-de-Gaulle opéreront en Syrie dans le cadre du mémorandum d’entente entre les États-Unis et la Russie concernant l’espace aérien syrien.

« C’est un système qui fonctionne et qu’il faut garder parce qu’il permet d’éviter que les avions se télescopent dans le ciel de la Syrie », a fait valoir le général de Villiers. Et d’ajouter : « Nous n’avons pas, à ce stade, de coordination de frappes ou d’identification de cibles en concertation avec les Russes, même si nous avons le même ennemi, Daesh ».

Par ailleurs, le général de Villiers a estimé qu’il n’y aura « pas de victoire militaire contre Daesh à court terme » et que la solution ne pourra pas être qu’uniquement militaire.

« Nous, les militaires, nous sommes habitués au temps long. Mais nos sociétés vivent dans le temps court et veulent des résultats tout de suite. En Syrie et en Irak, nous sommes au coeur de ce paradoxe », a affirmé le CEMA. « Tout le monde sait au final que ce conflit sera réglé par la voie diplomatique et politique », a-t-il continué.

S’agissant de la mise en place d’une vaste coalition internationale, qui engloberait donc les Russes, le général de Villiers a estimé que « si on veut que les choses avancent, il faut qu’on soit tous d’accord pour frapper Daesh avant qu’il ne continue à étendre ses métastases ». Et de poursuivre : « Nous sommes en guerre contre un terrorisme abject d’une violence inouïe. Tout le reste passe après ». Cela veut dire que le sort de Bachar el-Assad n’est pas la priorité du CEMA.

Quant à l’intensification des frappes aériennes menées contre Daesh à Raqqa par les Rafale et les Mirage 2000D/N, le général de Villiers affirme qu’elles « leur [les jihadistes] ont fait sérieusement mal », au vu du renseignement recueilli après. Pour rappel, 6 objectifs (camps d’entraînement et centre de commandement) ont été détruit.

Ces raids visent avant tout à affaiblir l’organisation jihadiste, notamment en s’en prenant aux infrastuctures pétrolières dont elle se sert pour se financer. Mais ils ne peuvent pas non plus être l’alpha et l’oméga de la campagne militaire en cours. « On ne détruit pas un ennemi par des bombardement aériens, mais au sol, avec l’appui des actions aériennes », a fait valoir le CEMA, qui a en outre insisté sur la précision des frappes afin d’éviter les dommages collatéraux. « Quand vous frappez un innocent, vous créez de l’insurrection supplémentaire. C’est contre-productif », a-t-il expliqué.

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