Pas de contradiction entre les opérations militaires françaises contre l’EI et le traitement judiciaire des jihadistes

Étant donné que les activités liées au terrorisme relèvent du droit pénal, la question de la légalité des frappes aériennes françaises en Syrie et en Irak a été posée dans la mesure où elles sont susceptibles de tuer des jihadistes partis de France pour rejoindre l’État islamique (EI ou Daesh) ou le Front al-Nosra.

En effet, pour certains juristes, la mort possible de jihadistes français lors d’un de ces raids aériens peut être assimilée à une sorte d' »exécution extra-judiciaire », ce qui est de nature à ouvrir la voie à des plaintes de leurs familles.

Cette hypothèse n’est pas saugrenue : en juin 2012, le père de Mohamed Merah, le tueur de Toulouse et de Montauban, tué lors de l’assaut mené par le RAID contre l’appartement dans lequel il s’était retranché, avait en effet déposé une plainte contre X pour « meurtre avec circonstances aggravantes ».

Mais pour le procureur de Paris, François Molins, qui est intervenu à l’occasion du colloque « Droit et opérations extérieures » organisé à Paris par le ministère de la Défense, ces frappes françaises sont parfaitement légales.

« Juridiquement je ne vois pas de contradiction », a ainsi affirmé le procureur de Paris. « Daesh est une organisation terroriste et ceux qui la rejoignent sont des terroristes qui peuvent donc être poursuivis et condamnés pour association de malfaiteurs terroriste », a-t-il rappelé.

Mais, « le fait que des combattants de Daesh fassent l’objet de poursuites pour terrorisme ne change rien au fait qu’en Syrie ils sont membres d’un conflit armé et donc susceptibles d’être ciblés militairement dans le respect des principes de distinction, précaution et proportionnalité », a-t-il expliqué.

« On ne peut pas découper l’activité des gens qui partent là-bas », a encore insisté François Molins.

Cela étant, et comme l’a souligné Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, les forces armées « sont confrontées à des problématiques de ciblage, de capture et de rétention de personnes, y compris désormais dans le champ nouveau du contre-terrorisme militaire. »

Et, a continué le ministre, « cela impose de réfléchir sur les concepts, l’encadrement, la formation et l’équipement nécessaires, mais aussi de repenser le cadre juridique de nos décisions et de nos actions politico-militaires » car « si l’on veut éviter que le doute s’installe chez ceux qui sont appelés à intervenir et à faire usage de la force létale, il est indispensable de placer leur action dans un cadre politique et juridique qui soit à la fois clair et robuste ».

Quoi qu’il en soit, la marge de manoeuvre de familles de jihadistes  tués par une frappe française qui auraient l’intention de porter plainte est des plus réduites, surtout depuis certaines dispositions votées dans le cadre de la Loi de programmation militaire 2014-2019.

Ainsi, seul le Parquet a, désormais, le pouvoir de déclencher l’action publique en cas de délit ou de crime commis par un soldat français lors d’une opération. Cette disposition vise à éviter une « judiciarisation inutile de l’action militaire » (pour reprendre l’expression du président Hollande)…. Mais pas seulement.

« Je le dis clairement, nos adversaires savent user de toutes les armes, et le recours au juge aurait pu devenir entre leurs mains un instrument potentiel de déstabilisation de notre action militaire », a expliqué M. Le Drian, au sujet de cette mesure.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]