Le général de Villiers s’explique sur la raison d’être de l’opération intérieure Sentinelle

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Lancée au lendemain des attentats commis en janvier à Paris, l’opération intérieure (OPINT) Sentinelle mobilise actuellement 7.000 militaires, pouvant être renforcés par 3.000 de leurs camarades si nécessaire. Mais un tel déploiement de forces, dans la durée, suscite des interrogations, voire des critiques, notamment au sujet de son utilité.

Ainsi, le général Vincent Desportes, qui publie aux Éditions Gallimard « La dernière bataille de France: Lettre aux Français qui croient encore être défendus« , s’il admet qu’il y a un « continuum entre sécurité et défense », est très critique à l’égard de cette opération intérieure.

« Il y a des choix à faire : de la présence sous la Tour Eiffel, ou de l’efficacité opérationnelle en Syrie et au Sahel? Les 7.000 soldats français déployés dans le cadre de l’opération Sentinelle n’ont qu’une plus-value très limitée au regard des inconvénients majeurs de ce déploiement avant tout politique », a-t-il confié au quotidien Les Echos.

« Employer un soldat, dont la formation est très onéreuse, dans le rôle d’un employé de société de gardiennage est un véritable gâchis, au plan opérationnel et au plan budgétaire. Impôts dilapidés, dégradation continuelle des capacités opérationnelles individuelles et collectives… Sentinelle casse un outil qu’on regrettera très vite. Il est tout à fait légitime d’utiliser les soldats français pour la protection du territoire national, mais à condition de tirer le meilleur parti de leurs compétences spécifiques. L’armée n’est pas un stock de vigiles à déployer devant les lieux de culte! », a encore insisté le général Desportes.

Pour autant, s’il ne fait pas mystère des difficultés que cette OPINT génère, le général Pierre de Villiers, le chef d’état-major des armées, a un avis plus nuancé (cela dit, le contraire aurait été surprenant) et a en partie répondu aux observations du général Desportes, lors de son audition par les députés de la commission « Défense », dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2016.

Reconnaissant que la question du rôle des forces armées sur le territoire national est « légitime », le général de Villiers considère toutefois que « la mission des armées, en temps de crise comme en temps de paix, est de protéger tous les Français, où qu’ils se trouvent, à l’étranger, outre-Mer ou en métropole ». Et d’ajouter : « Je ne vois pas ce que le président de la République aurait pu faire d’autre pour protéger les Français et les rassurer ».

Cependant, pour le CEMA, Sentinelle ne doit « pas être une excroissance durable de Vigipirate » car on « ne peut pas demander durablement aux soldats français d’aider, de remplacer, de suppléer des forces de sécurité intérieure qui ne seraient pas assez nombreuses ».  Et d’insister sur ce point. Le général de Villiers estime en effet que Sentinelle est « loin d’être une sorte de Vigipirate bis » dans la mesure où cette opération « répond à une rupture stratégique ».

« Nous considérons que la situation n’est plus la même qu’il y a un an et que le niveau de menace est tel en France que les forces de sécurité intérieure ont besoin du renfort substantiel et durable des forces armées. Mais plutôt que de suppléer les forces de sécurité, les armées doivent apporter des savoir-faire complémentaires », a souligné le CEMA devant les députés.

D’où la réflexion actuelle, menée sous la tutelle du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, sur la doctrine à appliquer. « La relation à l’autorité civile est une dimension particulière de la sécurité intérieure », a-t-il fait valoir.

« Vous pouvez considérer que le dispositif actuel dure un peu trop longtemps, que ce n’est pas aux soldats français de garder par exemple un lieu de culte. Pour notre part, nous cherchons à créer un dispositif cohérent, dans lequel nous apporterons nos compétences car nous avons affaire à un adversaire qui utilise des mêmes modes d’action que nous affrontons en opérations extérieures. Voilà le phénomène nouveau qu’il faut comprendre », a encore expliqué le général de Villiers.

Comme, selon ses mots, un « soldat n’est pas formé pour rester en garde fixe au pied d’un lieu jugé (…) sensible », le dispositif Sentinelle « va donc évoluer ».

« Nous allons faire autre chose, autrement », a en effet indiqué le CEMA. « Nous pouvons être plus mobiles, opérer de nuit, utiliser des équipements et des techniques que nous sommes les seuls à avoir, faire appel aux réservistes », a-t-il dit, avant de faire remarquer que Sentinelle « n’est que l’un des aspects de la défense du territoire », laquelle englobe aussi d’autres domaines, comme le « flux de migrants », les « survols de drones » ou encore les « cyberattaques ».

« Nous ne devons pas céder à une tendance naturelle qui est de raisonner sur la situation d’aujourd’hui à partir du contexte d’hier. Pour conseiller le Gouvernement, je m’efforce d’anticiper et j’en viens à cette analyse : puisque nous avons affaire aux mêmes terroristes, nous devons pouvoir recourir, le cas échéant, à des modes d’action à l’intérieur qui s’inspirent de ceux utilisés à l’extérieur du territoire national », a plaidé le général de Villiers.

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