M. Le Drian va-t-il finalement quitter le ministère de la Défense l’an prochain?

En politique, il y a des répliques qui font mouche, du genre « M. Mitterrand, vous n’avez pas le monopole du coeur » ou encore « vous avez tendance à reprendre le refrain d’il y a 7 ans ‘l’homme du passé’. C’est quand même ennuyeux que dans l’intervalle vous soyez devenu l’homme du passif ». Et puis il y a des répliques qui finissent par se retourner contre celui (ou celle) qui les a prononcées.

Lors du débat de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle de 2012, le candidat François Hollande a lancé une anaphore désormais célèbre au cours de laquelle il a affirmé : « Moi, président de la République, moi président de la République, les ministres ne pourront pas cumuler leurs fonctions avec un mandat local, parce que je considèrent qu’ils devraient se consacrer pleinement à leur tâche ».

Une fois à l’Élysée, cet engagement s’est traduit par une charte de déontologie qu’ont dû signer tous les membres du gouvernements. C’est pourquoi François Rebsamen a été contraint de laisser le ministère du Travail pour retrouver la mairie de Dijon et que Carole Delga a abandonné sa fonction de secrétaire d’État au Commerce pour se présenter aux prochaines élections locales dans la région Midi-Pyrénées Languedoc-Roussillon.

Seulement, rien n’interdit de cumuler le poste de ministre – qui est une fonction – et un mandat local. Et cette limite fixée par le président Hollande met désormais le gouvernement dans l’embarras, puisqu’elle pourrait le contraindre à se séparer d’un de ses ministres parmi les plus efficaces et les plus populaires.

En effet, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, dont l’action est la plus appréciée par l’opinion publique, si l’on en croit un sondage récemment publié par Sud Ouest, a décidé d’être candidat à la présidence de la région Bretagne lors des élections régionales de décembre, lesquelles s’annoncent très compliquée pour le Parti socialiste (PS) dont il est membre.

« Le président de la République m’a demandé, eu égard aux circonstances exceptionnelles que vous connaissez tous, de rester pleinement ministre de la Défense pendant le temps de la campagne électorale. J’accomplirai mon devoir », a toutefois affirmé M. Le Drian, ce 16 octobre, à Lorient.

« Quant à mon mandat ministériel, si je suis élu, je connais les règles relatives au cumul. J’assume mes responsabilités et il reviendra au président de la République de prendre le moment venu les décisions qui conviennent », a ajouté le ministre de la Défense.

Pourant, il y a encore peu, des élus proches de la majorité gouvernementale avaient assuré que M. Le Drian resterait, quoi qu’il arrive, au ministère de la Défense. « Je pense qu’ils sont prêts à faire une entorse aux règles pour qu’il reste au gouvernement. Dans la situation actuelle, on a besoin de lui et il est incontournable », avait affirmé, en septembre, le député socialiste Christophe Caresche.

Et, récemment encore, Marylise Lebranchu, ministre de la Fonction publique, a encouragé M. Le Drian à cumuler ses fonctions aux ministères de la Défense et le mandat de président de région. « Il y a une telle demande que je ne vois pas comment Jean-Yves ne peut pas y aller quitte à réfléchir à comment on gère la situation. Je pense que tout est possible, à une condition claire qu’on dise la vérité aux citoyens », a-t-elle affirmé.

D’ailleurs, l’intéressé lui-même a livré ce que l’on croyait être des indices sur ses intentions, comme lors de l’université d’été de la Défense. « Je dois dire que depuis 2012 je crains de faire à chaque fois un discours un peu plus long et je ne vous dis pas l’année prochaine », avait-il lancé. Ou encore comme lors de son audition par les députés de la commission de la Défense, le 30 septembre. Là, il avait affirmé qu’il irait constater l’installation de la 13e Demi Brigade de la Légion étrangère (DBLE) sur le plateau du Larzac, laquelle doit commencer en… 2016.

Quoi qu’il en soit, l’opposition attend le gouvernement – et surtout M. Le Drian – au tournant. Sans attendre la décision de ce dernier, le chef de file des députés « Les Républicains », Christian Jacob, a estimé, le 14 octobre, que l’on « ne peut pas sérieusement être ministre de la Défense, dans les circonstances où nous sommes aujourd’hui, et en même temps être candidat aux régionales ». Et d’insister : « Ce n’est pas sérieux ». (Enfin, ce sera toujours plus sérieux que de nommer à cette fonction quelqu’un qui connaît plus les chevaux que affaires militaires)

En tout cas, dans l’hypothèse d’une victoire de la liste socialiste en Bretagne (qui n’est pas encore acquise), le départ de M. Le Drian du ministère de la Défense, s’il est décidé par le président Hollande (mais comme son Premier ministre, Manuel Valls, ne cesse de répéter que la règle de non-cumul lui sera appliquée) se fera à un moment particulièrement délicat.

Les opérations actuellement en cours (Barkhane, Chammal, Sentinelle) ne suffisent à plaider pour un maintien de M. Le Drian à la Défense étant donné que, de toutes façons, elles devraient continuer après 2017.

En revanche, le ministre a su défendre son budget face à Bercy…. Budget qui n’est pas gravé dans le marbre, quoi qu’on en dise puisque, par exemple, aucune solution n’a été avancée pour financer les opérations intérieures comme Sentinelle. En outre, d’importants contrats d’armement sont en cours de négociation (Inde, Arabie Saoudite, Émirats). Et à ce jeu-là, le bilan de M. Le Drian est des plus éloquents.

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