Les propos de l’ambassadeur russe en Pologne font polémique

pologne-20150928 Les relations entre la Russie et la Pologne sont compliquées et souvent teintées de méfiance, voire de défiance. Et cela, en raison du poids du passé. Ainsi, au XVIIIe siècle, le territoire polonais fut partagé entre la Russie, l’Autriche et la Prusse. Ce n’est qu’après la Première Guerre Mondiale que la Pologne redevint un État indépendant. Pas pour longtemps… En septembre 1939, elle fut de nouveau envahie par l’Allemagne nazie avant d’être poignardée dans le dos par l’Union soviétique. Quelques jours plus tôt, Berlin avait proposé à Moscou de signer un pacte de non-agression sous le prétexte de mettre fin aux « provocations de la Pologne ». Signé par Ribbentrop et Vyatcheslav Molotov, le texte prévoyait, via des protocoles alors tenus secrets, le partage de la Pologne en zones d’influences allemandes et soviétiques. Ainsi, pour l’URSS, il s’agissait d’écarter la menace que représentait alors l’Allemagne nazie tout en étendant son influence en Europe de l’Est. La Pologne fut donc prise entre deux feux… Et plus de 200.000 de ses soldats furent faits prisonniers par l’Armée rouge, puis déportés en URSS ou renvoyés sur des territoires occupés par l’armée allemande. En outre, 22.000 officiers polonais furent massacrés à Katyn par les Soviétiques. Plus de 75 ans après, les propos tenus par Sergueï Andreev, l’ambassadeur russe en poste à Varsovie, sur cette période, ont suscité une vive polémique en Pologne. Ainsi, lors d’un entretien diffusé par la chaîne de télévision polonaise TVN24, le diplomate russe a accusé la Pologne « d’avoir bloqué la création d’une coalition contre l’Allemagne nazie » et donc, d’être « co-responsable de la catastrophe de septembre 1939 ». D’où sa justification de l’invasion soviétique, cette dernière ayant été rendue nécessaire, selon lui, pour « garantir la sécurité de l’URSS ». Quant à la répression de la résistance polonaise à la fin de la guerre, elles étaient motivées, toujours d’après lui, « par la volonté d’avoir un pays ami à ses frontières ». Il n’en fallait pas plus pour déclencher un tollé au sein des autorités polonaises, qui ont convoqué l’ambassadeur russe, ce 28 septembre, pour avoir des explications. « Les propos présentés par le plus haut représentant de l’Etat russe en Pologne mettent en question la vérité historique et renouent avec les interprétations des évènements les plus mensongères de l’époque stalinienne et communiste », a ainsi réagi le ministère polonais des Affaires étrangères. Et d’ajouter : « Nous protestons fermement contre les propos de l’ambassadeur qui relativisent et justifient les actions anti-polonaises des ‘libérateurs’ soviétiques consistant à arrêter, déporter et exécuter les Polonais, ». « Nous sommes en 2015 et je suis convaincu qu’on ne peut plus dire des choses qui nous font revenir à l’époque où la diplomatie russe, ou plutôt soviétique, était menée par Viatcheslav Molotov », a enchéri Grzegorz Schetyna, le chef de la diplomatie polonaise. À sa sortie du ministère polonais des Affaires étrangères, où il s’est vu opposer une « ferme » protestation pour ses déclarations, M. Andreev a dit regretter d’avoir « offensé la nation polonaise » et de « ne pas avoir été précis », ce qui « a conduit à des interprétations erronées concernant la coresponsabilité de la 2e guerre mondiale ». Pour autant, il a maintenu le fond de son propos, en s’appuyant sur des déclarations faites par le président Poutine, en mai dernier, selon lesquelles la politique polonaise menée dans les années 1930 « avait conduit à la catastrophe en 1939 ». « Nous avons des conceptions divergentes de notre histoire commune. Il faut l’accepter et ne pas se fâcher », s’est-il justifié. Quoi qu’il en soit, cette affaire n’est pas faite pour améliorer les relations entre la Pologne et la Russie, passablement dégradées depuis l’annexion de la Crimée et le soutien de Moscou aux séparatistes du sud-est ukrainien. Lors d’une récente audition devant les députés de la commission « Défense », l’ambassadeur de Pologne en France, son Excellence M. Andrzej Byrt, a longuement évoqué les menaces éventuelles de la Russie contre son pays. En premier lieu, et c’est ce qui explique l’importance, pour Varsovie, de se doter d’une défense antimissile, il y a le déploiement, dans l’enclave de Kaliningrad, de missiles Iskander. « Ils [ndlr, les Russes] ont déclaré qu’ils installeraient probablement des Iskander munis de têtes nucléaires. Ceux-ci peuvent atteindre des villes et centres polonais », a avancé le diplomate. En outre, a-t-il ajouté, les « forces russes font régulièrement des manœuvres dans la région de Kaliningrad », comme par exemple ceux appelées « Zapad » (Ouest), dont « l’objectif final affiché officiellement était de frapper Varsovie avec l’arme nucléaire » dans le but de « tester la réaction » des alliés de l’Otan. À cela, il faut encore ajouter les « actions d’intimidation de la part de l’armée russe, en particulier de vols d’avions russes le long des frontières, dans la Manche, au large de la Norvège et, surtout, dans la mer Baltique ». Enfin, « la Russie et la Biélorussie parlent de l’installation de nouvelles bases militaires russes en Biélorussie, à proximité de la frontière de l’Otan », a encore souligné M. Byrt. « Ils vont probablement le mettre en œuvre en prétendant que l’Otan est l’ennemi numéro un de la Russie dont ils doivent se défendre. Ce n’est pas vrai, mais telle est la rhétorique qui domine les débats stratégiques aujourd’hui en Russie », a-t-il conclu. Photo : La cavalerie polonaise en 1939

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