Les passeurs de migrants sont prévenus : l’opération EUNAVFOR MED passera à l’action le 7 octobre

« Ça prendra le temps qu’il faudra ». C’est ce que répond généralement un reponsable à la presse (généraliste) qui évoque le spectre de l’enlisement deux semaines après le début d’une intervention militaire. Et quoi qu’on en pense, il a bien raison même si ça fait « langue de bois ».

Parce que la tendance, depuis peu, est de voir des dirigeants politiques donner des échéances aux opérations en cours. C’est ainsi que la fin de la mission de combat de l’Otan en Afghanistan a été donné 2 ou 3 ans avant qu’elle ne soit effective. Même chose en Irak pour les troupes américaines, même s’il y avait un peu de suspense sur la signature ou pas d’un accord avec Bagdad sur leur éventuel maintien dans un format plus réduit. Du coup, l’adversaire s’en trouve galvanisé tout en ayant plus qu’à attendre le départ annoncé de ceux qu’il combat.

Mais Mme le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, a innové, le 23 septembre, lors d’une visite au quartier général d’EUNAVFOR MED, l’opération européenne lancée pour casser le modèle économique des passeurs de migrants en Méditerranée.

On le sait, l’UE a décidé de passer à la phase 2 de cette opération, laquelle autorise les forces navales engagées à arraisonner les embarcations suspectes et à interpeller les trafiquants dans les eaux internationales, au large de l’Afrique du Nord et plus particulièrement de la Libye.

On ignorait quand cette phase 2 serait lancée. Et dans le fond, ce n’était pas plus mal : cela ménageait un effet de surprise dont les trafiquants auraient fait les frais. Las… On sait désormais, grâce à Mme Mogherini, que les actions coercitives contre les passeurs commenceront dans exactement 2 semaines.

« La phase deux de l’opération européenne contre les trafiquants de migrants débutera le 7 octobre », a-t-elle en effet déclaré à la presse. En outre, Mme Mogherini a précisé que l’opération Eunavfor Med – qui, au passage, devrait s’appeler Sophia, comme une petite fille de migrants née à bord d’une frégate allemande en août – aurait pu intervenir contre 20 bateaux (17 libyens et 3 égyptiens) identifiés comme étant utilisés par les passeurs pour accompagner les embarcations de migrants.

« L’un des systèmes que les trafiquants utilisent est celui consistant à escorter les migrants, ce sera donc plus difficile pour eux de le faire », a-t-elle lancé. Sauf que maintenant, ils sont prévenus!

« Nous avons beaucoup à faire en haute mer, et en attendant, nous continuons à travailler sur le cadre juridique qui pourrait le nous permettre d’intervenir également dans les eaux territoriales libyennes », a encore expliqué Mme Mogherini. Sur ce point, qui correspond à la phase 3 de l’opération, en revanche, il y a une incertitude.

En effet, un projet de résolution sous chapitre 7 [ndlr, qui autorise le recours à la force] présenté au Conseil de sécurité des Nations unies par le Royaume-Uni est en cours de négociation avec l’espoir qu’il soit adopté d’ici la fin de ce mois. Or, il ne mentionne pas la possibilité pour l’opération européenne d’intervenir dans les eaux libyennes.

Ce texte vise ainsi à autoriser la force navale européennes à « inspecter en haute mer au-delà des côtes de la Libye des navires qu’elle soupçonnerait d’être utilisés » par les passeurs. Si les soupçons sont confirmés, alors il serait possible de les arraisonner et de les rendre inutilisables, voire de les détruire. Quant aux migrants, ils seraient bien évidemment secourus et conduits en Italie, où leurs demandes d’asiles seraient examinées.

Quoi qu’il en soit, l’efficacité de cette opération « Sophia » pourrait être limitée. C’est ce que pense Franco Roberti, le procureur national anti-mafia italien qui enquête actuellement sur les réseaux de passeurs.

Ce qu’il faut faire, a-t-il confié à l’AFP, « ce n’est pas tant d’arrêter les passeurs, car ils sont le dernier maillon de la chaîne, mais de combattre le trafic d’êtres humains, les organisateurs de ces trafics, les organisations criminelle derrière tout ça, ceux qui sont à leur tête, ceux qui ont l’argent ». Et d’ajouter : « C’est pourquoi la coopération est indispensable avec les pays d’Afrique du Nord et surtout l’Egypte. Car c’est d’Egypte que viennent les bateaux, l’appui logistique, les organisateurs de ce trafic, ainsi que de Turquie ».

En outre, la voie passant par la Libye ou l’Égypte  n’est pas celle qui est la plus utilisée par les migrants. La tendance actuellement observée montre une hausse très significatives des passages via la Turquie, la Grèce et les Balkans. Cet afflux explique les mesures controversées prises par la Hongrie, qui a encore vu arriver plus de 10.000 personnes pour la seule journée du 24 septembre.

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