L’achat de nouveaux avions de combat est un enjeu électoral au Canada

f35-20140423

En 2010, afin de remplacer ses CF-18 Hornet, le Canada annonçait sa décision d’acquérir 65 avions dits de 5e génération F-35A Lightning II auprès de Lockheed-Martin. Et cela, sans passer par un appel d’offres. Dans le fond, il n’y avait rien de très surprenant étant donné que l’industrie aéronautique canadienne était alors impliquée ce programme américain, par ailleurs financé à hauteur de 168 millions de dollars par Ottawa.

Cinq ans plus tard, ce dossier n’a pas avancé d’un pouce. Et pour cause : la décision prise par le gouvernement conduit par le conservateur Stephen Harper a suscité une vaste opposition, alimentée par un rapport très critique du vérificateur général du Canada qui, en avril 2012, démontra que les coûts d’acquisition et de maintien en condition opérationelle des F-35A avaient été sous-estimés tout en regrettant l’absence d’appel d’offres.

Début 2013, et suite à une étude du cabinet KPMG qui confirma les conclusions du vérificateur général, le ministère canadien des Travaux publics, en charge de ce dossier, demanda des informations à 5 industriels, dont Lockheed-Martin (F-35), Boeing (F/A-18 Super Hornet), Eurofighter (Typhoon), Saab (JAS-39 Gripen E/F) et Dassault Aviation (Rafale).

Et depuis, plus rien… « Nous aurions voulu un peu plus de retour sur les informations que nous avons fournies au gouvernement il y a deux ans (…). Selon moi, il n’y aura pas de compétition ouverte avant les élections. S’ils l’avaient voulu, ils auraient eu amplement l’occasion de le faire. Quant à ce qui se passera après les élections, personne ne le sait », affirmait, en juin dernier, Yves Robins, un haut responsable de Dassault Aviation.

Justement, la campagne pour les prochaines élections fédérales bat son plein en ce moment. L’enjeu sera de savoir si les conservateurs de Stephen Harper se maintiendront au pouvoir – qu’ils occupent depuis 2006 – face aux libéraux emmenés par Justin Trudeau et au Nouveau parti démocratique (NPD).

Et, parmi les sujets de friction entre les deux camps, l’on trouve l’acquisition des nouveaux avions de combat. Ainsi, lors d’une réunion électoral, M. Trudeau a fait savoir qu’en cas de victoire, il « lancera un appel d’offres ouvert et transparent pour remplacer les F-18 » car « nous n’achèterons pas de chasseurs-bombardiers furtifs F-35 ». Cette procédure ne serait donc pas si « transparente » que ça si au moins des concurrents est écarté d’entrée…

Quoi qu’il en soit, pour le chef de file des libéraux, il s’agira d’acquérir des avions moins coûteux que l’avion de Lockheed-Martin afin de réinvestir l’argent ainsi épargné au profit de la marine et des chantiers navals d’Halifax. Faut dire qu’il y aurait sans doute de quoi faire : selon les évaluations, le maintien en service de 65 F-35 coûterait 44 milliards de dollars sur 40 ans.

« Les chantiers maritimes de Halifax et de la côte Ouest ont besoin qu’on leur garantisse qu’on continuera d’investir », a plaidé M. Trudeau. « Nous construirons ces navires. Nous empêcherons les retards dans les embauches, la formation et les investissements afin de s’assurer que ces navires soient livrés dans les délais, tout en respectant les budgets. C’est sur quoi les libéraux se concentrent et nous allons y parvenir », a-t-il dit. Et de préciser que, en cas de victoire, il déciderait le retrait des avions canadiens actuellement engagés au sein de la coalition anti-État islamique (EI ou Daesh) mais qu’il maintiendrait la contribution d’Ottawa à la formation des forces irakiennes.

Le patron du NPD, Tom Mulcair, ne s’est pas montré aussi catégorique au sujet du F-35. Si ce n’est que, comme M. Trudeau, il veut une procédure « équitable » et « transparente » pour sélectionner le futur avion de l’Aviation royale canadienne.

Pour Stephen Harper, les propos tenu par son rival libéral montrent qu’il ne prend « pas la question de la sécurité des Canadiens au sérieux », estimant que l’aviation canadenne a besoin du F-35 et de ses capacités.

« Permettez-moi d’être clair : nous n’abandonnerons pas notre lutte contre l’État islamique, nous n’abandonnerons pas nos alliés, nous n’abandonnerons pas la population de cette région, nous n’abandonnerons pas les capacités de notre force aérienne et nous n’abandonnerons pas notre industrie aérospatiale », a-t-il lancé

Chez Dassault Aviation (mais cela doit aussi le cas chez les autres avionneurs, en particulier Boeing), on attend le lancement de cet appel d’offres de pied ferme. « Malheureusement, malgré les surcoûts, peu de pays vont annuler leur commande de JSF. Notre seul espoir, c’est le Canada. S’ils abandonnent le JSF, le Rafale a de bonnes chances », confiait, en mars 2014, Éric Trappier, le Pdg de l’industriel français.

Et pour remporter le marché, ce dernier est prêt à faire beaucoup de concessions. « Nous proposons de transférer l’intégrité de l’entretien, de la maintenance, de la modernisation de l’avion ici au Canada auprès des industries canadiennes, avec les droits de propriétés intellectuelles et tous les transferts de technologie pour lesquels nous avons l’autorisation du gouvernement français, sans aucune restriction. (…) Non seulement nous sommes prêts à transférer l’assemblage final de l’avion ici, au Canada, mais nous sommes également prêts à associer l’industrie aéronautique canadienne à la production de certains éléments de cet avion », avait avancé, à l’époque, Yves Robins, lors d’un entretien accordé à Radio Canada.

Selon un sondage publié au début du mois, le NPD faisait la course en tête, avec 30,4% des intentions de vote, suivi par les convervateurs (29,5%) et les libéraux (27,7%).

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]