1515 : Marignan!

marignan-20150913-1Comme Charles VIII avant lui, le roi Louis XII lorgnait sur les territoires qui constituent aujourd’hui l’Italie. À commencer par le royaume de Naples et le duché de Milan.

Pour le premier, la succession était de longue date revendiquée par la seconde maison d’Anjou, dont les droits furent transmis aux rois de France après la mort de son dernier représentant. Quant au second, Louis XII en revendiquait la possession en faisant valoir l’héritage de sa grand-mère, fille du dernier duc de Milan de la dynastie des Visconti.

C’est ainsi que, après s’être assuré du soutien des Borgia et du pape Alexandre VI, Louis XII lance une campagne militaire victorieuse en Italie à partir de 1499. Seulement, à la fin de son règne, les revers s’accumulent : les armées françaises sont chassées de Naples, puis de Milan. Et la défaite de Novare, en 1513, scelle la fin des ambitions italiennes du roi et marque le retour de Massimiliano Sforza à la tête du duché, bien aidé par les soldats suisses.

À l’origine de ces défaites, on trouve le pape Jules II, qui a succédé, en 1503, à Alexandre VI. Or, adversaire résolu des Borgia, il n’a qu’un but : chasser les Français d’Italie afin de faire de l’État pontifical une grande puissance. Pour cela, il crée la Sainte Ligue (ou « Ligue catholique) et s’allie avec le cardinal de Sion, Matthaüs Schiner, qui entraîne avec lui les cantons suisses.

En janvier 1515, Louis XII meurt. Lui succède son gendre, François Ier. Jeune, plein d’allant, nourri de récits de chevalerie, le nouveau roi de France reprend italienne la politique de son prédécesseur et affirme ses prétentions notamment sur le duché de Milan. Ce qui passe par une nouvelle campagne militaire en Italie.

Après s’être assuré que le roi d’Angleterre ne bougera pas, tout comme l’archiduc Charles de Habsbourg (futur Charles Quint) alors seigneur des Pays-Bas, et noué une alliance avec la Sérénissime république de Venise,  François Ier se lance à la conquête de la région milanaise en juillet, avec une armée forte de 40.000 à 45.000 combattants – ce qui est considérable à l’époque – et une artillerie conséquente, avec 56 couleuvrines, commandée par Jacques Galiot de Genouillac. En outre, il peut s’appuyer sur 23.000 lansquenets, recrutés en Allemagne et 8.000 arbalétriers gascons.

Cependant, les soldats des cantons suisses au service de Sforza et de la Sainte Ligue attendent l’armée française de pied ferme et prennent position dans les cols alpins du Mont-Cenis et du Montgenèvre pour interdire l’accès au Milanais. Pas de chance : François Ier prend la décision de prendre le chemin par lequel ses adversaires ne l’attendaient pas parce que trop difficile, c’est à dire celui passant par le col de Larche.

Du coup, l’avant-garde française, après une traversée « héroïque », réussit à surprendre les troupes florentines et napolitaines commandées par le général Prosper Colonna. Se voyant débordés par leur gauche, les Suisses se replient en direction de Milan. Quant à la cavalerie milanaise, elle est capturée par quelques centaines d’hommes sous les ordres du maréchal La Palice à Villanfranca.

La progression de l’armée française est rapide. Le 20 août, François Ier entre à Turin. « Bien conseillé, le roi exploite son avantage et prend soin de ne pas fermer la porte à la négociation. Action politique et action militaire sont parfaitement intégrées l’une à l’autre. Il talonne ses ennemis, sans les acculer à la bataille », explique la revue spécialisée « L’Histoire » (*)

Le fait est : François Ier va chercher à désunir les cantons suisses, certains étant plus favorables au royaume de France (comme les cités-États de Fribourg, Soleure et de Berne) que les autres.

Le 8 septembre, les capitaines de 11 cantons sur 13 finissent par signer le traité de Gallarate, qui prévoit une alliance des Suisses avec les Français en échange d’un million d’écus d’or. Après ça, le duché de Milan pouvait revenir à la couronne de France sans un seul coup de canon.

Seulement, le cardinal Schiner s’oppose à cet accord et finit par convaincre plusieurs cantons de ne pas abandonner Sforza. Seuls ceux de Fribourg, Soleure et Berne font sécession et renvoient leurs troupes en Suisse. Mais, l’affrontement est inéluctable.

Le 13 septembre, l’armée française a installé son camp à Marignan, à 13 km de Milan. Et la plupart des villes du duché lui font un bon accueil tandis que la révolte gronde dans la capitale ducale. Aussi, les Suisses du cardinal Schiner n’ont plus le choix : ils doivent impérativement livrer combat et l’emporter.

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En fin d’après-midi,  25 à 30.000 soldats suisses se lancent à l’assaut des rangs français. Et malgré les ravages de l’artillerie de Galiot de Genouillac, ils progressent. Au crépuscule, la cavalerie de François Ier charge à son tour. S’ensuit une mêlée indescriptible qui se prolonge jusqu’au milieu de la nuit.

« Les Suisses se logèrent bien près de nous, si bien qu’il n’y avait qu’un fossé entre nous deux. Toute la nuit, nous demeurâmes le cul sur la selle, la lance au poing (…) Nous avons été 28 heures sans boire ni manger », écrira François Ier, qui aurait son casque traversé par un coup de pique.

Les combats reprennent à la pointe du jour alors que, pendant la mini-trêve, les Français ont creusé des tranchées et déplacé leur artillerie. Aussi, harcelés par les arbalétriers gascons, les  mercenaires suisses ne s’en remettront d’autant pas que l’armée française reçoit l’appui de quelques centaines de cavaliers vénitiens, alliés de François Ier et commandés par Bartolomeo d’Alviano. Il s’agit de leur première défaite depuis 2 siècle! « Ces dompteurs de princes furent enfin domptés par ce roy »,  écrira plus tard le seigneur de Brantôme.

Le bilan humain de la bataille de Marignan est difficile à établir avec certitude. Les sources parlent de 2.000 à 5.000 tués dans les rangs français et avancent 8.000 à 12.000 pour les Suisses. Mais elle aura plusieurs conséquences notables, dont le concordat de 1516 qui établit un nouveau statut de l’Église de France (le roi a le pouvoir de nommer lui-même sa hiérarchie) et le traité de paix perpétuelle avec les Suisses, qui, signé à Fribourg, engagent ces derniers à ne plus jamais se mettre au service d’une puissance étrangère contre le royaume de France. Mieux : par la suite, ils serviront, en nombre, dans les armées françaises jusqu’à la Révolution.

Pour François Ier, cette victoire lui donnera une image de roi guerrier et courageux ainsi qu’un certain prestige, alors que les circonstances de son sacre avaient été discutées… Et bien que cela soit contesté par certains historiens, il a en outre été rapporté que Pierre Terrail, seigneur de Bayard, « sans peur et sans reproches », l’adouba chevalier sur le champ de bataille.

Cependant, les gains territoriaux de la victoire de Marignan ne tiendront pas longtemps : en 1525, l’armée française, après plusieurs déconvenues, sera battue à Pavie après s’être laissée surprendre… Et François Ier sera fait prisonnier. Si les soldats de ce dernier avaient un avantage technologique 10 ans plus tôt avec leur artillerie, ils l’ont perdu face aux troupes italiennes et espagnoles, qui avaient adopté les premières armes à feu individuelles.

(*) Les collections de l’Histoire n°68 – « La renaissance de François Ier »

Photo n°2 : La bataille de Marignan ; bas-relief du tombeau de François 1er à Saint-Denis, château de Chambord, via Olibac

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