La Cour des comptes veut des économies sur les repas servis aux militaires

Photo brève Facebook du mess.

En 2013, environ 52 millions de repas ont été servis aux militaires, dont 40 millions sur le territoire national, 7 millions en opérations extérieures et 5 millions à bord des navires de la Marine nationale. Aussi, la Cour des comptes a voulu savoir s’il n’y avait pas là matière à faire des économies : 1 euros de gagné sur le rata, c’est 40 millions qui ne sont pas dépensés comme aurait dit M. de La Palice.

D’où son référé qu’elle vient de publier à ce sujet le 4 septembre. N’ayant pas été en mesure de déterminer par elle-même le coût des repas servis dans les mess, la Cour des comptes a pris les estimations données par le ministère de la Défense.

Ainsi, ce dernier a indiqué que le coût d’un repas servi sur le territoire national est de 15,60 euros. Et cela, avancent les magistrats de la rue Cambon, « sans que soit intégrée dans ce prix la rémunération des personnels employés dans les fonctions ‘support’, estimés à 570 personnes, qui devrait venir le majorer ». Et d’ajouter : « Ce prix de revient devrait d’autant plus être maîtrisé que de très nombreux militaires bénéficient de la gratuité des repas, sur des bases juridiques dont la Cour a déjà eu l’occasion de souligner la fragilité ».

Aussi, la Cour des comptes estime ce coût beaucoup trop élevé par rapport à celui des repas facturés à 9,70 euros « dans le cadre d’une externalisation auprès d’un prestataire privé ».

Pour les magistrats, cet écart s’explique par un nombre trop important de personnels employés par la restauration militaire par rapport au privé.
« Un restaurant relevant du secteur de la restauration collective privée compte en moyenne de 5 à 9,5 employés, tandis qu’ils sont en moyenne plus de 20 par restaurant dans les armées. Chaque agent des restaurants externalisés par le ministère de la défense prépare et sert 51,9 couverts par jour alors que les restaurants militaires en régie n’atteignent que 23, 1 repas par jour par agent », relève l’étude de la Cour des comptes, qui plaide donc pour davantage de productivité.

Le problème est qu’il s’agit d’une moyenne… Et que, pour des raisons de service (il faut bien nourrir les personnels de permanence) un mess (ou un ordinaire) est ouvert tous les jours alors que l’affluence pendant les week-ends y est beaucoup moindre qu’en semaine.
En outre, la Cour des comptes estime que « la configuration des locaux et les usages locaux conduisent à pratiquer encore, dans certains restaurants militaires, un service à la place qu’il conviendrait de faire disparaître progressivement ».

Enfin, les magistrats ont également fait valoir que le « dimensionnement » du personnel de cuisine sous statut militaire doit être « bien paramétré », étant donné que 7,5% des effectifs de la fonction « restauration, hôtellerie et loisirs » ont été déployés en opérations extérieures en 2013. Et cela alors qu’ils ont relevé que, sur plusieurs théâtres, « les armées ont eu recours à des prestataires extérieurs pour assurer la restauration des militaires déployés, suivant en cela les pratiques de nombreuses armées étrangères, en particulier américaine et britannique ».

« Si ces contraintes peuvent expliquer, en partie, l’écart de près de 60 % relevé par le ministère de la défense entre le coût moyen d’un repas produit en régie et celui produit dans un restaurant externalisé, elles ne sauraient en justifier l’ampleur dans un domaine où chaque euro gagné par repas conduit à une économie récurrente d’au moins 40 M€ pour les seuls repas servis sur le territoire national », fait valoir la Cour des comptes, avant d’estimer que le ministère de la Défense devrait viser rapidement un prix de revient moyen du repas proche de 10 €, en fixant, en fonction des situations locales, à chaque gestionnaire de cercle et mess un objectif de prix à atteindre dans un calendrier déterminé, tout en respectant les normes alimentaires communes ».

Dans sa réponse à ce référé, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, n’a pas contesté l’utilité d’une meilleure connaissance des coûts de la fonction restauration puisque des mesures allant dans ce sens sont d’ores et déjà en vigueur depuis le début de cette année.

En revanche, il a fermement contesté le constat de la Cour des comptes sur le prix des repas. Et pour cause : une étude sur l’externalisation de la fonction restauration a déjà été menée par le ministère de la Défense. Et si ces conclusions donnent effectivement un avantage économique à l’externalisation, l’écart n’est pas aussi important que ça puisqu’il serait « seulement de 21 % en régime stabilisé hors coûts de transition et de 13 % en coût total ».

En outre, M. Le Drian a souligné que le prix donné en référence par les magistrats correspond à des restaurants servant 200.000 repas par an alors que ceux des armées, en moyenne en préparent annuellement chacun 115.000. « Le coût du repas externalisé pris en compte par la Cour devrait donc être ajusté à la hausse pour prendre en compte les effets d’échelle », a tâclé le ministre, avant de souligner que la comparaison du référé « ne tient pas suffisamment compte des particularités de la défense ».

« La fonction restauration doit notamment lorsqu’elle s’exerce en milieu militaire, contribuer au contrat opérationnel, ce qui se traduit par : les contraintes de service du personnel militaire, qui doit effectuer d’autres activités militaires, à côté de son activité liée à la restauration; les plages horaires élargies des points de restauration, notamment le soir et les jours non ouvrés pour le personnel de service ou d’astreinte, auxquelles ne sont généralement pas soumis les restaurants collectifs privés; la nécessité de maintenir, pour permettre un soutien de proximité des unités, des restaurants de taille parfois inférieure à la taille critique », a détaillé M. Le Drian.

Aussi, pour toutes ces raisons, le ministre a répondu à la Cour des comptes que les économies possibles qu’elle a mises en avant lui paraissent « largement surévaluées ». Mais il a quand même tenu à rassurer les magistrats : son « ministère n’en reste pas moins mobilisé par la recherche de gains budgétaires et de réductions de coût sur la fonction restauration ».

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