Non, l’annulation du contrat des BPC russes n’a pas incité l’Inde à renoncer au Rafale

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Cette annulation de la livraison de Bâtiments de projection et de commandement (BPC) commandés par la Russie fait perdre le sens commun à de nombreux commentateurs. Ainsi, plusieurs articles (comme ici ou ici), largement repris sur les réseaux sociaux, avancent que cette affaire a conduit l’Inde à annuler une « commande » de 126 Rafale et à choisir à la place des avions russes. Qu’en est-il vraiment?

1- New Delhi n’a jamais passé une commande portant sur 126 Rafale. Elle a sélectionné, en janvier 2012, l’avion de Dassault Aviation dans le cadre de l’appel d’offres appelé M-MRCA (Medium Multi-Role Combat Aircraft), lequel prévoyait l’assemblage de 108 exemplaires en Inde, grâce à d’importants transferts de technologie.

2- En avril dernier, et alors que le président Hollande avait suspendu « jusqu’à nouvel ordre » la livraison des BPC à la Russie, le Premier ministre indien, Narendra Modi, a annoncé l’intention de son pays de commander 36 Rafale « clé en main » lors d’une visite officielle à Paris.

Pourquoi? Les négociations concernant le contrat M-MRCA, compte tenu de leurs difficultés (montage industriel, transferts de technologie, capacités du constructeur aéronautique local, garanties, lourdeurs bureaucratiques, etc…) ont pris trop de temps alors que l’Indian Air Force a un besoin urgent d’avions de combat multi-rôles.

Dès lors que l’intention de New Delhi de passer par une procédure de gouvernement à gouvernement était connue, l’on pouvait nourrir des doutes sur la poursuite de la procédure M-MRCA. Et cela même si certaines déclarations d’officiels français laissaient alors penser le contraire.

3- Ces doutes ont été confirmés par l’annonce officielle de l’abandon de l’appel d’offres M-MRCA, faite fin juillet. Cela n’a donc pas été une surprise, d’autant plus que le ministre indien de la Défense, Manohar Parrikar, l’avait clairement laissé entendre à la mi-avril.

« Au lieu de passer par un appel d’offres, qui a entraîné confusion et chaos, il a été décidé que nous passerions par le G2G [de gré à gré] (…) Une décision devait être prise pour briser ce vortex afin de répondre aux exigences opérationnelles de l’IAF », avait-il affirmé.

4- Les besoins exprimés par l’IAF sont d’au moins 80 avions multirôles. Il s’agit pour l’aviation indienne d’être en mesure d’honorer son contrat opérationnel, chose qui lui est actuellement impossible.

5- Pour le moment, donc, on est certain que l’appel d’offres – et non le contrat – M-MRCA a été annulé et que des négociations sont en cours entre Paris et New Delhi sur les modalités concernant l’acquisition de 36 Rafale, tous fabriqués en France.

6- S’il devait y a voir une alternative au Rafale, elle serait probablement locale, avec le HAL Tejas, en cours de développement depuis… 30 ans. Le même ministre indien a d’ailleurs évoqué cette hypothèse en mai dernier. Quant à la version Mk2 de cet appareil, elle ne sera pas opérationnelle avant… 2022.

7- Si l’Inde devait se tourner vers la Russie pour trouver une autre alternative au Rafale, logiquement, ce serait pour commander des MiG-35. C’est à dire un avion qui a été recalé lors des évalutions menées dans le cadre de l’appel d’offres M-MRCA. Curieusement, dans un papier qui aligne les erreurs factuelles comme on enfile des perles, New Delhi achèterait non pas 126 mais 128 appareils à Moscou. D’où vient ce chiffre?

8- Selon le quotidien Times of India, il serait question de relancer la procédure M-MRCA – qui vient donc juste d’être annulée – pour 90 avions. Aucun confirmation officielle de ce qui est, pour le moment, une rumeur, n’a été faite. C’est pour cette raison que Zone Militaire n’en a pas parlé jusqu’à présent. Il faut bien avoir à l’esprit que cette information a été publiée en pleine discussion sur le contrat portant sur les 36 Rafale. Une façon comme une autre de mettre un coup de pression sur la délégation française?

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