L’extraordinaire destin d’Alain Romans, héros discret de la Seconde Guerre Mondiale

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Si vous êtes cinéphile et amateur des films de Jacques Tati, le nom d’Alain Romans vous dit sans doute quelque chose puisqu’il a été le compositeur de la musique des « Vacances de Mr Hulot ». Mais avant d’en arriver là, ce pianiste de jazz a connu l’un des destins les plus extraordinaires de la Seconde Guerre Mondiale.

Né à Czestochowa (Pologne) en 1905, Alain Romans, dont la famille s’est établie en France, passe une partie de sa jeunesse à étudier la musique en Allemagne. Quand vient la période de la « Drôle de guerre », il est un artiste connu et reconnu. Âgé de 35 ans, il est mobilisé au 46e Régiment d’Infanterie. Les armées françaises défaites, il se retrouve dans les Landes en juin 1940.

A-t-il entendu l’appel du général de Gaulle? Toujours est-il qu’il se décide à rejoindre l’Angleterre. Pour cela, il se fait faire un faux passeport au nom de « Jean Duval », puis passe en Espagne et finit par arriver à Gibraltar, d’où il embarque à bord d’un cargo britannique à destination de Liverpool, d’où il part ensuite pour Londres.

Après être passé, pour se renseigner, au quartier général de la France Libre, Alain Romans est approché par les services britanniques. Il faut dire que son profil les intéresse particulièrement : il parle le polonais, l’allemand et le français! Finalement, devant la promesse d’action immédiate, le musicien se laisse tenter et il se retrouve à suivre un stage commando avec une trentaine de recrues.

Puis, vient le moment de passer à l’action. Fin 1940, il est désigné avec 5 autres commandos pour être parachuté sur l’île de Batz afin d’y surveiller les mouvements de la Kriegsmarine. Seulement, le pilote de l’avion qui emmène le groupe commet une erreur grossière de navigation : les 6 hommes ont touché le sol à Saint-Servan, près de Saint-Malo.

Après avoir caché le poste-émetteur et les équipements compromettants, les commandos distinguent une masse imposante dans l’obscurité et ils en prennent le chemin. Pas de chance : il s’agit du fort d’Aleth, transformé en citadelle allemande! S’étant jetés dans la gueule du loup, ils sont immédiatement faits prisonniers. En tout, ils n’auront pas passé une heure en liberté sur le sol français.

Les jours suivants sont particulièrement éprouvants. Privés de nourriture et d’eau, les 6 prisonniers subissent interrogatoires et tortures, l’occupant ayant, entre-temps, retrouvé les parachutes, les armes et le poste-émetteurs. Pire même : au 5e jour, ils sont conduits devant un peloton d’exécution… Mais ce n’est qu’un simulacre pour les forcer à parler. Ce qu’aucun des commandos ne fera.

Puis, le commandant de la garnison allemande décide d’en finir. Le 6e jour, les commandos, qui ne sont plus que 5, sont une nouvelle fois menés devant un peloton d’exécution. Et cette fois, ce n’est pas un simulacre. L’ordre fuse et les parachutistes sont fauchés par les balles. Puis l’officier de la Kriegsmarine, par ailleurs distrait par le passage d’un avion sans doute britannique, leur donne le coup de grâce.

Les cadavres sont confiés à des pêcheurs bretons, qui devront les mettre dans des caisses lestées avant de les jeter à la mer. Et c’est là que le miracle se produit. L’un d’eux remarque qu’un corps bouge encore : c’est celui d’Alain Romans. La balle du coup de grâce, tirée par l’officier allemand distrait par le bruit d’un avion, a été déviée et n’a pas pénétré le cerveau du musicien.

Alors, Alain Romans est discrètement transporté à Dinan, où il est confiéà un chirurgien de la ville. Guéri après plusieurs mois de soins, Alain Romans veut retrouver l’Angleterre. Pour cela, il doit être pris en charge par un réseau à Nantes. Seulement, il tombe de nouveau aux mains de l’occupant après avoir été « raflé » dans un café de la ville. Cette fois, il ne cherche pas à cacher son identité (et puis Alain Duval est officiellement « mort »). D’origine juive, il est déporté à Treblinka puis à Kaunas, en Lituanie.

Profitant d’un relâchement de la surveillance (l’Allemagne est en pleine offensive contre l’URSS), Alain Romans réussit à s’évader et à rejoindre les lignes soviétiques. Et après quelques difficultés, il embarque à Mourmansk à destination de Liverpool sur un navire britannique, où le médecin du bord le prend en charge.

Par la suite, Alain Romans reprend ses missions pour le compte de l’Intelligence Service. Puis, il finit par s’engager au sein de la France Libre alors qu’il se trouve à Alger. Ayant, comme on l’a vu, le don des langues, il est affecté à l’état-major du général Monsabert, alors commandant de la 3e DIA, en qualité d’officier interprète et de liaison. C’est ainsi qu’il va prendre part à la campagne d’Italie, au débarquement de Provence (à Saint-Tropez), aux combats de la Libération, etc… Son périple se terminera à Sigmaringen.

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Au passage, il se verra décerner, sur le front des troupes, la Légion d’Honneur. Puis, plus tard, le maréchal de Lattre de Tassigny lui remettra la rosette d’officier de la Légion d’Honneur, dans la cour des Invalides.

Après la guerre, Alain Romans, qui s’est éteint en 1988, n’évoquera pratiquement jamais ce qu’il a vécu pour une raison simple : étant musicien, il ne voulait pas que son histoire serve à faire de la publicité. Lors d’une émission télévisée, il dira, en 1971 : « Si chacun faisait le bilan, le soir, du mal qu’il a fait et du bien qu’il aurait pu faire, peut-être que les jours suivants seraient meilleurs pour tous ».

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