Les troublants contacts entre la diplomatie saoudienne et le réseau terroriste afghan Haqqani

Le réseau Haqqani a été créé au moment de l’intervention soviétique en Afghanistan, dans les années 1980. C’est ainsi qu’il a bénéficié de soutiens, que ce soit de la part des États-Unis, du Pakistan et de l’Arabie Saoudite. Son fondateur, Jalaluddin Haqqani, aura même été le premier à reprendre une ville aux communistes, à savoir celle de Khost.

Dans les colonnes du Wall Street Journal, l’ancien président pakistana, Pervez Musharraf, ira même jusqu’à admettre que le réseau Haqqani était le « champion de l’insurrection contre l’Union soviétique ».

À l’époque, déjà, Jalaluddin Haqqani n’était pas connu pour avoir les idées larges (son premier appel à la « guerre sainte » remonte en 1973…). Après le départ de l’Armée rouge, les États-Unis ont arrêté leur soutien. Seulement, le Pakistan et l’Arabie Saoudite ont continué à être bienveillants à l’égard du réseau Haqqani.

En 1992, après la chute de Kaboul, Jalaluddin Haqqani devient ministre le Justice avant de se retourner contre le président afgan Burhanuddin Rabbani et de s’allier avec le mouvement taleb 4 ans plus tard. Grâce à son aura, il est nommé ministre des Frontières, c’est à dire à un poste purement honorifique. Dans le même temps, le clan Haqqani noue des relations avec Oussama Ben Laden et al-Qaïda.

En 2001, au moment de l’intervention emmenée par les États-Unis en riposte aux attentats du 11 septembre, le réseau Haqqani part trouver refuge de l’autre côté de la ligne Durand, dans les zones tribales pakistanaises, plus précisément dans le Waziristan du Nord. À partir de là, il va mener des opérations contre les troupes de la Force d’assistance à la sécurité (ISAF), déployée en Afghanistan sous l’autorité de l’Otan. En outre, ses camps accueillent de nombreux jihadistes, y compris étrangers, tout en continuant à bénéficier du soutien de l’ISI, les services de renseignement pakistanais, qui voient en lui un moyen de reprendre la main à Kaboul.

Cette position d’Isalamabad à l’égard du clan Haqqani a même fait sortir de ses gonds l’amiral Mike Muellen, alors chef d’état-major des forces armées américaines en septembre 2011. « Le réseau Haqqani agit comme le véritable bras de l’ISI pakistanais », accuse-t-il alors, après deux attaques meutrières en plein Kaboul.

Mais l’amiral américain aurait pu avoir aussi quelques mots à l’égard de l’Arabie Saoudite… dont les dépêches diplomatiques sont diffusées depuis la fin juin par WikiLeaks. Précaution d’usage, Riyad a affirmé que les câbles publiés « ne sont pas authentiques »… On se défend comme on peut…

Quoi qu’il en soit, dans la masse des documents disponibles, l’un d’eux, daté du 15 février 2012 et estampillé « confidentiel », fait état d’une rencontre entre l’ambassadeur d’Arabie Saoudite au Pakistan, qui était alors, Abdul Aziz Ibrahim Saleh Al Ghadir, et Nasiruddin Haqqani, l’un des fils de Jalaluddin Haqqani et principal financier du réseau.

Si le lieu de la rencontre n’est pas mentionné, on en connaît la teneur. Ainsi, Nasiruddin Haqqani a demandé au roi Abdallah de faire admettre son père dans un hôpital saoudien pour soigner une maladie non précisée. Toutefois, il fut affirmé, à l’époque, qu’Haqqani père souffrait du Lupus ou était atteint par la maladie de Parkinson. En outre, l’on apprend par la même occasion que ce dernier possédait un passeport saoudien. A-t-il obtenu satisfaction? Il est difficile de le savoir…

Cela étant, ce contact n’a pu se faire, selon le journal pakistanais Dawn, que dans l’enclave diplomatique d’Islamabad, fortement gardée, étant donné que l’ambassadeur saoudien « tient habituellement ses réunions soit à l’ambassade, soit à sa résidence », qui y sont toutes deux situées.

Depuis, le réseau Haqqani a été placé sur la liste américaine des organisations terroristes internationales en septembre 2012, soit 7 mois avant la rencontre entre l’ambassadeur et le fils Haqqani. Ce dernier sera assassiné en novembre 2013 dans des circonstances bien mystérieuses, alors qu’il se trouvait dans la banlieue d’Islamabad.

Enfin, en 2014, et alors que l’Otan était en train de se retirer d’Afghanistan, l’armée pakistanaise a enfin lancé une offensive dans le Waziristan du Nord [ndlr, opération Zarb-e-Azb] contre les groupes jihadistes qui s’y étaient retranchés, dont celui du clan Haqqani.

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