L’État islamique et al-Qaïda se font la guerre

« Les ennemis de mes ennemis sont mes amis », dit-on. Sauf que cela ne se vérifie pas toujours… Ainsi, cette semaine, Akhtar Mohammed Mansour, numéro deux du mouvement taleb afghan, allié à al-Qaïda, a écrit à Abu Bakr al-Baghdadi, le chef de l’État islamique (EI) pour le prier de ne pas chercher à s’implanter en Afghanistan, où « le jihad contre les Américains et leurs alliés doit être mené sous une bannière et une direction uniques ». Cette lettre faisait suite à de violents accrochages entre partisans des deux groupes dans la province de Nangharar.

Plus tôt, selon IHS Janes, le Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), c’est à dire le mouvement taleb pakistanais, également proche d’al-Qaïda, avait lui aussi envoyé une mise en garde, en diffusant, via les réseaux sociaux, un document de 91 pages afin de dénoncer les actions de l’EI à l’égard des chiites et contester la validité du califat établi par al-Baghdadi à cheval entre la Syrie et l’Irak.

Il s’agit ainsi pour les talibans afghans et pakistanais ainsi que pour le noyau d’al-Qaïda de contrer l’influence grandissante de l’EI, qu’ils considèrent comme une menace. Au cours de ces derniers mois, plusieurs commandants dissidents du TTP ont prêté allégeance à al-Baghdadi. De même que des taliban afghans, qui n’acceptent pas de négocier avec les autorités de Kaboul. En outre, il a été signalé, à plusieurs reprises, la présence de drapeaux de l’EI dans l’État indien de Jammu et Cachemire.

Selon le dernier rapport du Pentagone sur la situation en Afghanistan, le recrutement de l’EI serait pour l’instant limité. « Quelques individus, autrefois affiliés à d’autres organisations, disent maintenant appartenir à la ‘Province du Khorasan’ de l’État islamique », affirme le document, pour qui l’organisation jihadiste est « en phase d’exploration » dans le pays.

En attendant, sur Internet, la bascule est faite. En Asie du Sud, « les taliban et al-Qaida ont presque été effacés du paysage (internet) », indique Omar Hamid, chef de l’analyse Asie chez IHS Country Risk. « Pour l’heure, la campagne de propagande menée par l’EI sur les réseaux sociaux n’a pas encore été suivie d’effet sur le terrain mais elle a permis d’agglomérer des groupes dissidents autour de l’EI », explique-t-il à Reuters.

En outre, l’annonce de la création, en septembre dernier, d' »al-Qaïda en guerre sainte dans le sous-continent indien » pour tenter de contrer l’influence de l’EI, ne semble pas avoir de conséquences notables…

Quoi qu’il en soit, l’EI s’est déjà implanté en Afrique du Nord, au Nigéria (avec l’allégeance de Boko Haram) et tente de le faire au Yémen. Comme en Syrie, au Pakistan et en Afghanistan, cela suscite quelques frictions, réglées par les armes.

En Libye, des combats ont récemment eu lieu entre l’EI et des groupes affiliés à al-Qaïda à Derna, ville connue pour être un foyer jihadiste. Il y a quelques jours, il a été rapporté que Abou Walid al-Sahraoui, l’ex-responsable du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), maintenant « émir » d’al-Mourabitoune, qui avait annoncé son allégeance à al-Baghdadi, aurait été gravement blessé dans la région de Gao (Nord-Mali) lors d’un accrochage avec une katiba d’al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).

Dans ces conditions, l’élimination de responsables jihadistes par des frappes occidentales (plus souvent américaines) pourraient favoriser l’un ou l’autre camp. En fait, entre la peste et le choléra, on ne choisit pas… La décision d’éliminer quelqu’un comme par exemple Belmokhtar, le chef d’al-Mourabitoune qui a réaffirmé son allégeance à al-Qaïda, se fait en fonction de sa dangerosité et non selon son appatenance à telle ou telle faction.

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