Opérations extérieures : Un bilan globalement positif sur le plan militaire mais mitigé au niveau politique

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Comme les années précédentes, on n’échappera pas au sempiternel débat sur le sous-financement des surcoûts liés aux opérations extérieures menées par la France quand on arrivera à la fin de l’exercice budgétaire. En 2015, il faudra puiser dans la réserve de précaution interministérielle pour combler la différence, laquelle devrait être de l’ordre de plus de 600 millions d’euros en 2015, comme en 2014.

Depuis 1963, la France a pris part à plus de 228 opérations extérieures, que ce soit seule ou dans le cadre d’une coalition ou d’une opération de maitien de la paix des Nations unies. Quel bilan en tirer? Deux députés de la commission des Affaires étrangères, Guy-Michel Chauveau (PS) et Hervé Gaymard (Les Républicains), ont rendu un rapport [.pdf] relatif à ce sujet pour y répondre.

Ainsi, sur le plan militaire, le bilan de ces opérations extérieures (opex), est « globalement positif ». En commission, M. Chauveau a expliqué que « l’armée française s’est forgé une expérience de combat sur des théâtres très divers », devenant ainsi « professionnelle, polyvalente, agile, capable d’intervenir sur des théâtres très divers ». En outre, a-t-il ajouté, elle s’est « remarquablement adaptée aux évolutions du contexte international et aux mutations technologiques ».

En revanche, les deux rapporteurs sont plus critiques à l’égard du volet politique de ces opérations, au point que le bilan dans ce domaine « fait naître un doute sur l’efficacité de la réponse militaire en situation de crise ».

« Si l’on évalue le succès de la politique d’engagement armé de la France à l’aune de la stabilisation des Etats où ces engagements ont été conduits, le constat est très mitigé », a ainsi souligné M. Chauveau, qui a cité, notamment les cas de l’Afghanistan, de la Centrafrique (où l’armée française intervient régulièrement depuis les années 1960 [.pdf]) et de la Libye.

Mais, a-t-il continué, « il est toujours plus facile de souligner les lacunes des interventions que d’évaluer les conséquences des ‘non-interventions' ». Et demander : « Que se serait-il passé si l’OTAN n’était pas intervenue en Libye en 2011? Aurions-nous été prêts à assumer les conséquences de cette abstention? »

« Si l’intervention en Libye a permis, dans un premier temps, de protéger les populations civiles, elle a involontairement fait naître de nouvelles menaces. Cela pourrait entamer notre crédit politique, car nous avons été leader dans cette opération », a admis Guy-Michel Chauveau.

La situation en Libye, où deux factions rivales se combattent, ce qui profite aux jihadistes de l’État islamique, a été évoquée par pratiquement tous les députés ayant pris la parole lors de la présentation de ce rapport. Et cela pour critiquer le manque de suivi politique après l’intervention de l’Otan.

Quant aux bénéfices que la France a tirés de ses opérations militaires en termes d’image et d’influence diplomatique, le bilan, ont estimé les rapporteurs, est « en demi-teinte ». Même chose pour la participation de ses forces armées à des coalitions internationales, au point qu’ils se sont interrogés si elle en a retiré « un crédit politique à la hauteur de leur coût humain et financier », comme en Afghanistan, où, a noté M. Chauveau, « le volume de la contribution française ne nous a jamais permis de peser stratégiquement ».

Aussi, le rapport fixe 5 principes à appliquer aux opérations extérieures, lesquelles devraient, pour être lancées, « avoir un intérêt stratégique, un soutien large de la communauté internationale, des objectifs clairs et réalistes, une stratégie de sortie pérenne élaborée en amont, des effets positifs sur les populations civiles des pays concernés. »

S’agissant du premier critère, les intérêts vitaux et stratégiques sont nombreux. Pour Hervé Gaymard, il convient donc « de déterminer au cas par cas dans quelle mesure leur mise en cause justifie un engagement armé ». Et, dans le cas d’une intervention au sein d’une coalition, la France, a-t-il continué, « doit proportionner son engagement à l’influence qu’elle est susceptible d’exercer, afin de pouvoir concentrer ses moyens sur les théâtres où ils auront l’effet stratégique le plus fort ».

Les deux députés insistent particulièrement sur la nécessité de fixé des objectifs clairs et réalistes à ces opérations extérieures. Pour cela, il faut avoir une idée précise d’une situation qui, sur le terrain, est toujours complexe. Et « si cette complexité paraît telle qu’il n’est pas possible d’énoncer clairement les objectifs stratégiques et politiques de l’intervention militaire » alors « la France ne doit pas s’engager », estiment-ils. Bien évidemment, les moyens pouvant être impliqués doivent être pris en compte dans cette réflexion.

Par ailleurs, il n’est donc pas question non plus de donner dans le « nation building », dont, est-il souligné dans le rapport, « les déconvenues des interventions en Irak et en Afghanistan au cours des années 2000 ont bien illustré que c’était une chimère que de vouloir installer par la force des régimes démocratiques à partir de rien, fût-ce à renfort de milliards de dollars et de centaines de milliers d’hommes ».

Enfin, le rapport avance que chaque intervention militaire doit être « assortie d’une stratégie de sortie pérenne ». Or, la planification de l’après-crise est le point faible des opérations françaises menées à l’extérieur. « C’est pourtant un enjeu essentiel aujourd’hui, où la difficulté n’est pas tant de gagner la guerre que de gagner la paix », ont écrit MM. Gaymard et Chauveau.

NB : Pour l’anecdote, l’on notera une petite erreur géographique dans la liste des opérations menées depuis 1963 : même si Cuba s’y est engagé militairement, l’Angola ne se situe pas en Amérique, comme il y est précisé, mais en Afrique…

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