En 2019, l’armée française comptera moins de militaires professionnels qu’avant la fin de la conscription

Le chef d’état-major de la Marine nationale, l’amiral Bernard Rogel, n’est « ni particulièrement enthousiaste, ni particulièrement déçu » par le projet d’actualisation de la Loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019 qui est actuellement discuté au Parlement.

Si ce texte comporte quelques avancées – qui devront, du moins sur le plan budgétaire, se concrétiser, toutes les difficultés que rencontrent les forces armées sont loin d’être réglées. Notamment sur le plan des effectifs.

Pour rappel, la LPM initiale prévoyait de supprimer 33.675 postes au sein du ministère de la Défense. Les attentats commis à Paris, en janvier, ont contraint le gouvernement à revoir sa copie et à renforcer le « contrat protection » des armées en décidant non pas d’augmenter leurs effectifs mais en allégeant le rythme des déflations de postes. Ce qui n’est pas la même chose, même si l’annonce d’un recrutement massif pour les besoins de l’armée de Terre en 2015 et en 2016 peut donner le sentiment le contraire.

Même si le format de la Force opérationnelle terrestre (sera porté de 66.000 à 77.000 soldats, il n’en reste pas moins que le ministère de la Défense aura supprimé, sur la période 2014-2019, 14.925 postes. En réalité, les effectifs des armées seront stables en 2015 (7.500 postes crées et supprimés) et augmenteront en 2016 (avec 6.800 créations de postes mais 4.500 suppressions, soit un solde de +2.300) pour décroître à nouveau les années suivantes (-2.600 en 2017, -2.800 en 2018 et -3.818 en 2019). Et comme l’a souligné le général Pierre de Villiers, le chef d’état-major des armées (CEMA), « nous aurons en 2019 moins de militaires professionnels qu’en 1996 avant la professionnalisation ».

Ainsi, pendant que des recrutements seront effectués pour le contrat « protection », ce que l’on appelle la « manoeuvre RH » continuera, ce qui risque de donner lieu à des tensions au sein de la Marine nationale, de l’armée de l’Air et des autres services. Et cela avec la poursuite du « dépyramidage », qui consiste à réduire le nombre d’officiers afin de réduire la masse salariale.

« Ce que l’armée de Terre récupère en plus pose un problème d’équilibre par rapport aux autres composantes des forces armées. Les créations de postes dans l’armée de Terre sont forcément contrebalancées par des suppressions dans la Marine, l’armée de l’Air ou l’ensemble des services de soutien; la manœuvre fait donc l’objet d’âpres discussions internes », a ainsi expliqué Jean-Paul Bodin, le secrétaire général pour l’administration, lors de son passage devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale.

Sur les 18.750 postes correspondant à cette déflation moindre des effectifs, 11.000 seront affectés à la FOT et 7.750 restants seront répartis dans les autres armées et services, en particulier pour renforcer la cyberdéfense, le renseignement et le soutien à l’exportation (SOUTEX), lequel va mobiliser 200 aviateurs – qui ne pourront pas être engagés en opération – pour les contrats Rafale en Égypte et au Qatar. Elle permettra également de renforcer les personnels affectés à la protection des bases aériennes et navales.

Sur ce dernier point, le chef d’état-major de l’armée de l’Air (CMAA), le général Denis Mercier, a admis que la « réduction du nombre de commandos » est allée « trop loin pour pouvoir prêter main-forte à Sentinelle mais surtout pour assurer de manière optimale la protection de nos propres installations. » Et d’ajouter : « À la différence d’un régiment, une base aérienne comporte des installations prioritaires de défense extrêmement sensibles, que nous devons protéger efficacement ».

Quoi qu’il en soit, les principales difficultés de cette manoeuvre RH restent d’actualité, notamment pour l’armée de l’Air et la Marine nationale. Pour cette dernière, le glissement dans les livraisons des frégates multimissions (FREMM), mises en oeuvre par des équipages réduits d’une centaine de marins, n’est évidemment pas une bonne nouvelle dans la mesure où elle devra maintenir en service des bâtiments anciens qui demandent une main d’oeuvre environ 2,5 fois supérieure.

« Je dois veiller à ne pas aller au-delà de l’effort actuellement consenti, sous peine de mettre en péril les compétences rares et précieuses de la Marine » qui « s’appuie sur de nombreuses micro-filières de marins hautement qualifiés », a expliqué l’amiral Rogel aux députés de la commission « Défense ».

« Le cadencement de ces déflations doit impérativement rester en phase avec le calendrier physique des retraits du service actif et d’entrée en service des nouveaux équipements, sinon, on cassera durablement l’outil, pour ne pas avoir attendu un ou deux ans », a-t-il encore ajouté, avant de faire part de sa préoccupation au sujet du « dépyramidage », lequel « ne correspondrait pas au nouveau modèle de la Marine » étant donné que la flotte de 2015 aura des effectifs resserés, « un niveau de technologie accru », ce qui aura pour conséquence un « taux d’encadrement embarqué plus élevé ».

Il faut dire que la Marine et l’armée de l’Air sont des armées de techniciens. Ce qui suppose un taux d’encadrement élevé. La seconde compte ainsi 5.000 officiers, dont 1.500 le sont parce qu’ils font partie du personnel navigant.

« Nous sommes parvenus à une copie de 1.400 effectifs en non-déflation. Cela ne nous est pas assuré. Depuis six ans, c’est-à-dire depuis la précédente LPM et l’année dernière où nous avons réduit plus de 2.000 effectifs en un an, l’armée de l’air a perdu 18.000 effectifs. Nous avons fermé douze bases sous la précédente programmation, et nous allons encore en fermer quatre et en restructurer cinq sur cette LPM », a, de son côté, expliqué le général Mercier. Un effort qui porte donc essentiellement sur les sous-officiers et les militaires du rang.

« Le pourcentage d’officiers dans les effectifs ne peut être considéré de la même manière dans les trois armées. Le plan de l’armée de l’Air supprime 400 postes d’officiers, alors que l’on nous demandait 900. Nous discutons pour alléger la supprime en officiers, afin de préserver nos capacités opérationnelles », a poursuivi le CEMAA.

Evoquant la question des effectifs, Jean-Paul Bodin a indiqué qui lui paraissait difficile de réaliser les déflations prévues en 2017, 2018 et 2019 « sans passer par des restructurations », lesquelles, a-t-il admis, sont « au bout d’un certain temps, de plus en plus difficiles à admettre ».

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