Bagdad fait appel aux milices chiites pour reprendre Ramadi

« La stratégie de la coalition et des forces de sécurité irakiennes pour vaincre et démanteler l’État islamique est sur la bonne voie », a affirmé le général américain Thomas D. Weidley, lors d’une téléconférence, le 15 mai dernier. Sans doute aurait-il dû faire preuve d’un peu plus de prudence, au vu des derniers développements en Irak…

Ainsi, le 17 mai, le groupe État islamique (EI ou Daesh) a revendiqué la prise de la ville de Ramadi, la capitale de la province d’al-Anbar, qu’il contrôle désormais presque entièrement. Pour les forces irakiennes, il s’agit d’un revers majeur.

Et cela d’autant plus que, après avoir repris le contrôle de Tikrit, en mars, le Premier ministre irakien, Haider Al-Abadi, avait fait de la reconquête d’al-Anbar un objectif prioritaire. Désormais, l’EI tient un territoire frontalier avec la Syrie, la Jordanie et l’Arabie saoudite, dont la famille royale a été explicitement menacée par Abu Bakr al-Baghdadi, le chef de l’organisation jihadiste, dans un enregistrement diffusé la semaine passée.

Toutefois, les responsables américains ont estimé que la situation à Ramadi demeurait « mouvante et disputée ». « Nous continuons à surveiller les rapports selon lesquels des combats nourris ont lieu. Il est trop tôt pour faire des déclarations définitives à propos de la situation sur le terrain en ce moment », a en effet commenté Maureen Schumann, une porte-parole du Pentagone.

Lancée le 14 mai avec des attaques suicides, l’offensive de Daesh sur Ramadi a fait environ 500 tués parmi les membres des forces de sécurité irakiennes et les civils. Les jihadistes convoitaient de longue date la capitale de la province d’al-Anbar. Dès la fin 2013, des combats y avaient été en effet signalés dans les faubourgs.

La reconquête de Ramadi s’annonce très compliquée pour les autorités irakiennes, dans la mesure où, la population, largement, pour ne pas dire exclusivement, sunnite, leur est hostile. En outre, il sera délicat d’y effectuer des frappes aériennes sans prendre le risque de dommages collatéraux qui seront immédiatement exploités par les jihadistes.

Jusqu’à présent, et pour éviter les risques d’affrontements confessionnels dans le secteur de Ramadi, le chef du gouvernement irakien était réticent à l’idée de solliciter les milices chiites, pour la plupart soutenues par l’Iran. Mais, avec le revers que les forces de sécurité viennent de subir, il leur a demandé leur soutien.

« Les milices Hashid al-Chaabi [ndlr, ou Unités de mobilisation populaire, qui regroupent les forces paramilitaires chiites], ont reçu l’ordre de se mobiliser », a ainsi affirmé, ce 18 mai, un de leurs porte-parole, rapporte l’agence Reuters. Et cela après la visite à Bagdad d’Hossein Dehghan, le ministre iranien de la Défense.

« Les forces Hashid al-Chaabi ont atteint la base Habbaniya et sont maintenant en attente », a confirmé Sabah Karhout, le chef du conseil provincial d’al-Anbar. Selon des témoins, des camions et des véhicules blindés dotés de mitrailleuses et de lance-roquettes ont en effet pris la direction de cette base, située à environ 30 km de Ramadi.

Pour rappel, ces milices chiites furent mises en avant lors de la prise de Tikrit, ville qui, visiblement, avait été abandonnée par l’EI, qui y avait toutefois laissé des kamikazes et des tireurs d’élite pour freiner l’avancée des forces irakiennes. À l’époque, leurs actions avaient été supervisées par le général iranien Qassem Soleimani, le commandant de la force al-Qods, l’unité des pasdarans chargée des opérations à l’étranger.

Cette implication des milices chiites pourraient compliquer tout soutien aérien apporté par la coalition, comme cela fut le cas à Tikrit. À l’époque, le général américain David Petraeus, artisan d’une stratégie contre-insurrectionnelle qui permit, en 2007, de réduire les jihadistes en Irak, en avait donné les raisons dans un entretien donné au Figaro. « Cette éventualité [ndlr, de donner un appui aérien] soulève de considérables réserves, dans la mesure où elle nous ferait passer, aux yeux des sunnites de la région, pour le sotutien aérien rapproché de la Force al-Qods et des milices chiites » irakiennes, avait-il expliqué.

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