Les pays baltes demandent le déploiement d’une brigade de l’Otan

Au lendemain du rattachement de la Crimée à la Russie, Dalia Grybauskaité, la présidente de la Lituanie, avait estimé que l’attitude russe était une « menace directe pour la sécurité régionale ». Plusieurs expliquent les inquiétudes des pays baltes à l’égard de leur voisin russe.

Tout d’abord, ils comptent, parmi leurs populations, une importante minorité russophone, ce qui peut constituer une source de tension avec Moscou. « La dégradation de leur niveau de vie et leur sentiment d’abandon ont fait de ces populations la pierre d’achoppement des relations russo-baltes. Ces tensions se sont cristallisées autour des conditions d’obtention de la nationalité et du statut des personnes n’ayant pas obtenu la citoyenneté de ces pays », soulignait un rapport du Sénat diffusé en 2008.

Et le document d’ajouter : « La Russie n’a eu de cesse d’invoquer la question des minorités russophones dans ses discussions avec l’Union européenne, en arguant de la violation des droits de l’homme dont feraient l’objet ces personnes. Pour la Commission européenne, les pays baltes respectent tous les critères imposés par l’Union européenne concernant le respect des droits des minorités, ce qui a été confirmé par d’autres organisations en charge des droits de l’homme ».

Ensuite, le poids du passé constitue une autre explication pour comprendre le point de vue des pays baltes, lesquels n’ont pas oublié, par exemple, le coup de force d’une Union soviétique sur le point de s’effondrer en janvier 1991, alors que les regards étaient tournés vers l’opération Tempête du Désert, en Irak. L’attitude de Moscou à leur égard, qui, selon une note du Centre de recherches internationales de Science Po, « ne les considère pas comme des partenaires à part entière », les différends sur les tracés des frontières ou bien encore l’activité militaire russe sont autant d’éléments à prendre en compte.

Aussi, et même s’ils sont théoriquement protégés par l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord, ce qui réduit tout de même l’éventualité d’une attaque frontale – mais sans doute pas celle d’une déstabilisation -, la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie vont demander le deploiement permanent sur leurs territoires respectifs de l’équivalent d’une brigade de l’Otan à des fins dissuasives.

« Nous souhaitons une unité de la dimension d’une brigade, pour que chaque pays balte ait un bataillon », a ainsi confié, à l’AFP, le capitaine Mindaugas Neimontas, un porte-parole de l’armée lituanienne. « Les chefs des forces armées de la Lituanie, de la Lettonie et de l’Estonie adresseront une demande conjointe, approuvée par leurs supérieurs au niveau politique, au général américain Philip Breedlove, commandant des troupes de l’Otan en Europe », a-t-il ajouté.

Cette demande a été confirmée par le ministère letton de la Défense. Ce dernier a précisé que son principe avait été arrêté lors d’une récente réunion des chefs d’état-major des pays baltes. « La lettre au général Breedlove sera transmise la semaine prochaine », a-t-il indiqué.

Les États baltes bénéficient déjà de la mission Air Baltic Policing, qui consiste à assurer la surveillance de leur espace aérien. En outre, depuis l’annexion de la Crimée, les États-Unis y déploient 600 soldats par rotation, dans le cadre de l’opération Atlantic Resolve, au titre des mesures dites de « réassurance » prises par l’Otan.

A priori, la demande de pays baltes risque de ne pas avoir de suite favorable, l’Otan misant davantage sur sa future force de réaction très rapide (le fer de lance) plutôt que sur le déploiement permanent de troupes à la frontière avec la Russie.

Qui plus est, certains estiment qu’une telle décision ne respecterait pas l’Acte fondateur signé à Paris en 1997 par l’Otan et la Russie. Pour rappel, ce texte affirme que les deux parties ne se considèrent pas comme des adversaires (côté russe, c’est raté…) tout en établissant des mécanismes de coopération et de consultation.

« L’Otan s’est engagée à ne pas déployer d’armes nucléaires sur le territoire des nouveaux pays membres. Elle a par ailleurs précisé qu’elle privilégierait l’intégration et l’interopérabilité des capacités militaires de préférence au stationnement permanent de forces de combat supplémentaires en Europe », soulignait un rapport du Sénat en 2007.

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