Macédoine : Accrochage sérieux entre les forces de l’ordre et un mystérieux « groupe armé » près du Kosovo

grande-albanie-20150510Depuis janvier, les tensions sont vives en Macédoine, où le gouvernement conservateur et l’opposition de gauche s’accusent mutuellement d’espionnage ainsi que d’avoir commis (ou couvert) des violences.

Ainsi, le Premier ministre, Nikola Gruevski, doit repondre des accusations lancées par le chef de l’opposition, Zoran Zaev, selon lesquelles il aurait mis sur écoute illégalement 20.000 personnes et touché 20 millions d’euros pots-de-vins de la part d’une société chinoise lors de l’octroi de contrats pour la construction d’autoroutes.

De son côté, Zoran Zaev, ainsi que 4 autres membres de son parti, sont accusés d’avoir espionné et commis des violences sur des responsables du gouvernement. Le tout sur fond de grave crise économique, avec un taux de chômage de 28%.

Ce climat, qui inquiète l’Union européenne, que la Macédoine espère intégrer, a suscité des manifestations anti-gouvernementales ayant rassemblé des milliers de personnes à Skopje. Et l’opposition a promis une plus forte mobilisation encore d’ici la mi-mai.

C’est donc dans ce contexte que, le 9 mai, ont eu lieu des accrochages entre un mystérieux « groupe armé » et les forces de l’ordre dans le quartier musulman et albanais de la ville de Kumanovo (nord). De source officielle, cinq policiers y ont perdu la vie et une trentaine d’autres ont été blessés.

« Il y avait des plans pour une attaque contre les institutions de l’Etat par des gens qui sont entrés (en Macédoine) illégalement depuis un Etat voisin », a expliqué, Ivo Kotevski, le porte-parole de la police macédonienne. Toujours selon ce dernier, ce groupe a bénéficié « d’un soutien à Kumanovo (…) pour mener une attaque terroriste ». D’où la décision d’y intervenir.

« L’opération a commencé à 04H30 locales après que la police a été informée de mouvements d’un groupe armé dans la région », a précisé M. Kotevski. « Lorsque les forces de l’ordre ont pénétré dans le quartier, elles ont été accueillies par une violente résistance, avec des franc-tireurs, des jets de grenades et des tirs d’armes automatiques », a-t-il continué. Et d’ajouter : « Dans le souci de préserver la vie de civils, l’opération qui se poursuit est extrêmement difficile dans une zone où les rues sont étroites et les habitations denses ».

Si Skopje n’a pas précisé le pays d’où est venu ce groupe « terroriste », la presse locale a désigné le Kosovo. Déjà, le 21 avril dernier, des hommes armés avaient pris brièvement le contrôle d’un commissariat dans le nord de la Macédoine, à la frontière séparant les deux pays, pour réclamer la création d’un État albanais sur le territoire de cette ancienne république yougoslave, peuplée majoritairement de slaves orthodoxes.

Ces revendications ne sont pas nouvelles. Suite à l’intervention de l’Otan au Kosovo, des militants de l’UCK, qui s’étaient opposés aux Serbes, lancèrent une insurrection en Macédoine afin d’exiger plus d’autonomie pour la minorité albanaise (25% de la population) établie dans le pays.

Le 5 juillet 2001, sous l’égide des Nations unies et de l’Alliance atlantique, un accord de cessez-le-feu fut signé entre l’UCK-M et le gouvernement macédonien, suivi par les accords d’Ohrid, qui accordèrent davantage de droits et de reconnaissance à la minorité albanaise tout en exigeant le désarmement des rebelles (désarmement qui fera l’objet de l’opération Moisson indispensable, menée par l’Otan).

Depuis, quelques incidents furent signalés. Comme en novembre 2008, lors de l’opération « Tempête de Montagne », au cours de laquelle un groupe armé appelé « Conseil politico-militaire de l’Armée de Libération du Kosovo » fut démantelé par les forces macédoniennes.

Cependant, les propos tenus le 7 avril par le Premier ministre albanais, Edi Rama, ont sans doute échauffé quelques esprits qui n’attendaient que ça. En effet, au cours d’un entretien conjoint avec Hashim Thaçi, le vice-Premier ministre et ministre kosovar des Affaires étrangères, il a évoqué l’éventuelle « unification de l’Albanie avec le Kosovo ». En clair, il s’agit d’une référence au concept irrédentiste de « Grande Albanie » [voir la carte], lequel concerne la Macédoine, la Serbie et même la Grèce.

Qualifiés de « provocations » par l’Union européenne, ces propos ont été vivement condamnés par Belgrade. « Le problème n’est pas seulement ce qu’il a dit. Le problème est que les réactions sont peu nombreuses. Combien de temps faut-il attendre avant que quelqu’un réagisse et condamne de tels actes? », a même demandé Ivica  Dačić

, le ministre serbe des Affaires étrangères. Pour autant, ces réactions n’ont pas troublé Edi Rama, qui a maintenu ses déclarations. Et cela, quitte à souffler sur des braises encore mal éteintes.

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