Centrafrique : Le ministère de la Défense appelle à la circonspection face aux accusations portées contre des soldats français

En 2011, le quotidien britannique The Guardian affirma que le porte-avions Charles de Gaulle, alors engagé dans les opérations en Libye, n’avait pas porté secours à des migrants en détresse en Méditerranée. Seulement, le navire français ne naviguait pas dans la zone où le drame s’était produit. D’ailleurs, les allégations du journal ne furent pas confirmées l’enquête menée sur ces faits par le Conseil de l’Europe.

Cela étant, le 29 avril, The Guardian s’en est pris une nouvelle fois à l’armée française en mettant gravement en cause des militaires engagés en Centrafrique dans le cadre de l’opération Sangaris, affirmant qu’ils ont commis des abus sexuels sur des mineurs à Bangui. Pour étayer son accusations, il s’est appuyé sur les conclusions d’une enquête menée par le BINUCA (Bureau des Nations unis en Centrafrique) au cours du premier semestre 2014.

Le document, que le quotidien n’a pas publié sur son site [ndlr, du moins pas à ce jour], a été transmis par Paula Donovan, la cofondatrice d’AIDS-Free World. Il l’avait également été, cette fois aux autorités françaises, en juillet 2014 par Anders Kompass, un employé suédois du Haut commissariat aux droits de l’homme de l’ONU. Ce qui a donné lieu, à la demande du ministère de la Défense, à l’ouverture d’une enquête par le parquet de Paris. Dans le même temps, une enquête de commandement a été lancée.

Des questions se posent au sujet du contenu de ce rapport. Dans quelles conditions les témoignages ont-il été recueillis? A-t-il été possible de corroborer les affirmations des victimes déclarées par des examens médicaux? Quand les faits ont-ils eu lieu exactement, sachant que, entre décembre 2013 et juin 2014 [ndlr, la période où les accusations de viol ont été rapportées], il y a eu plusieurs relèves des troupes? Combien il y a t-il de victimes déclarées? [ndlr, selon les sources, le nombre varie de 4 à une « dizaine »] Combien de soldats français seraient impliqués?

Ainsi, Le Monde parle de « quatre victimes directes, et deux enfants qui disent avoir pris connaissance, ou avoir été témoins, des agressions subies par les quatre victimes directes » et affirme que 14 militaires français seraient mis en cause.

Quoi qu’il en soit, le porte-parole du ministère de la Défense, Pierre Bayle, a affirmé, ce 30 avril, que « l’armée ne veut pas cacher quoi que ce soit face aux accusations de viols d’enfants par des soldats français déployés en Centrafrique ».

« Il n’y a aucune volonté de cacher quoi que ce soit. Nous ne sommes pas en train de cacher des faits, nous sommes en train de vérifier la réalité des faits. Donc, on ne peut pas dire autre chose pour l’instant », a assuré M. Bayle. « La justice est saisie, et l’enquête de commandement aussi, tant que les faits ne sont pas avérés, on ne peut pas en dire davantage », a-t-il insisté.

Et comme les faits restent encore à être vérifiés, M. Bayle a appelé à « une grande circonspection sur des accusations qui sont véhiculées et parfois amalgamées avec des procès d’intention ».

Plus tôt, sur les ondes d’Europe1, le ministre des Finances, Michel Sapin, n’a pas dit autre chose. « Je serais choqué si les faits étaient avérés et, si les faits sont avérés, les sanctions seront d’une grande sévérité parce que ce n’est évidemment pas acceptable, surtout s’agissant de l’image de la France et de l’image de son armée », a-t-il déclaré. Mais, a-t-il continué, « attention à ne pas jeter l’opprobre à partir de soupçons dont il faut vérifier absolument tous les éléments et qui ne doivent pas être gobés comme ça. »

Toujours lors du point presse du ministère de la Défense, le colonel Gilles Jaron, le porte-parole de l’État-major des armées, a affirmé que la « question n’est pas de savoir s’il s’agit de telle ou telle unité, mais de savoir si les faits sont avérés ». Car s’ils le sont, a-t-il poursuivi, « on pourra remonter jusqu’à une unité ». Et d’ajouter : « Mais pour l’instant, il est prématuré de désigner tel ou tel sachant que nous ne savons pas si ces faits sont avérés » et « depuis 9 mois, la justice est saisie et fait son travail d’enquête ».

Quant à l’enquête de commandement, toujours lancée sur décision du chef d’état-major des armées (CEMA) afin de déterminer rapidement s’il y a eu des manquements au niveau de l’encadrement, ses conclusions, actuellement classifiées, peuvent « être transmises à la justrice sur demande », a indiqué le colonel Jaron. « Mais si nous avions eu connaissance de manquements graves nous aurions immédiatement saisi la justice », a-t-il souligné.

De son côté, lors d’un déplacement à Brest, le président Hollande a promis d’être « implacable » dans le cas où les accusations seraient effectivement fondées. « Si les faits sont avérés par la justice et le commandement militaire (…) il y aura des sanctions qui seront à proportion des faits qui auront été constatés, et si c’est grave, les sanctions seront graves, elles devront même être exemplaires », a-t-il dit.

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