Budget de la Défense : Un recours à l’emprunt pour financer les sociétés de projet?

Le 8 avril dernier, Patricia Adam, qui préside la commission de la Défense à l’Assemblée nationale, a effectué, avec plusieurs deputés de toutes tendances, un contrôle sur pièce et sur place à l’Agence des participations de l’État (APE) et à la Direction générale de l’armement (DGA) pour faire le point sur les sociétés de projet.

Ces dernières, dotés normalement de capitaux publics obtenus via des cessions d’actifs financiers de l’État, auront pour finalité de racheter du matériel aux armées pour les leur louer dans la foulée. Et cela afin de remédier au retard des 2,2 milliards de recettes exceptionnelles (REX), issues de la vente aux enchères de fréquences de la bande 700 MHZ aux opérateurs de télécommunications. Ainsi, il est question de créer deux sociétés de projet, l’une pour 3 Frégates multimissions (FREMM), l’autre pour 4 A400M.

Bref, une semaine plus tard, Mme Adam a communiqué les résutats – partiels – de ce contrôle. Dans les grandes lignes, tout est actullement mis en oeuvre pour permettre la création de ces sociétés dès que le projet de loi sur la croissance et l’activité, en cours d’examen au Parlement, sera adopté. Leur « architecture a été figée », les contrats types ont ainsi été finalisés et les statuts sont en cours de rédaction. En outre, il est possible que ce montage soit appelé à durer (la Loi de programmation militaire prévoit d’autres REX pour les années suivantes), notamment pour les avions ravitailleurs Phénix [ndlr, A330 MRTT].

Seulement, il y a un point qui aurait mérité davantage d’attention des députés, qui, après l’intervention de Mme Adam, ont été plus prompts à la polémique (ceux de l’UMP ayant quitté la salle, sans que l’on sache vraiment pourquoi….).

Ce point, quel est-il? Selon la présidente de la commission, l’APE « accueille froidement » – et le « mot n’est pas trop fort », a-t-elle insisté – « la perspective de devoir céder des actifs qui rapportent à l’État un niveau substantiel de dividendes à l’État au profit de sociétés de projet dont le taux de rémunération du capital n’est pas fixé à ce stade et qui ne correspondent pas (…) à des investissements stratégiques ».

Aussi, a continué Mme Adam, l’APE « laisse clairement entendre, qu’au vu des conditions actuelles du marché, il serait utile de procéder à un arbitrage politique permettant de recourir pour partie aux cessions d’actifs, pour partie au recours au marché de crédit ». En clair, à l’emprunt.

Cette option a été confirmée par la DGA. Et cela d’autant plus qu’elle procède même « à des démarches avancées de consultation d’établissements de crédits pour déterminer quelles sont les perspectives et les avantages d’un tel schéma », a précisé Patricia Adam. « Un arbitrage aura donc lieu en fonction de ces différents paramètres », a-t-elle ajouté.

Donc, si l’on comprend bien, l’idée est d’emprunter l’argent qui fait défaut pour créer des sociétés qui rachèteront du matériel pour le louer aux armées. Qui plus est, de l’aveu même du délégué général à l’armement, Laurent Collet-Billon, un tel montage sera coûteux. « Au fond, on transforme ce qui était à l’origine des crédits budgétaires en un prêt, ce qui a un coût », avait-il dit, le 1er avril dernier. Et plus ce dispositif  « s’inscrira dans la durée, plus il coûtera cher et plus le coût de récupération des matériels sera élevé », avait-il continuer. Et d’ajouter, non sans une pointe d’ironie : « À la limite, il faudra rechercher, si cet engrenage se poursuit, d’autres REX pour payer les REX.

En gros, prenez un chef d’entreprise qui vient de commander des machines-outils en misant sur une grosse rentrée d’argent… qui finalement viendra plus tard. Que va-t-il faire? Va-t-il solliciter un emprunt et hypothéquer ses biens pour créer une autre société qui lui rachètera ce matériel pour le lui louer ensuite ou bien ira-t-il directement voir son banquier pour obtenir un prêt de courte durée? En toute logique, ou à moins d’aimer la difficulté, il choisira la solution la plus simple : celle de demander un rendez-vous à son conseiller financier.

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