Des vols de reconnaissance américains pour aider les forces irakiennes à Tikrit?

Le 2 mars, et sans coordination avec la coalition internationale emmenée par les États-Unis, les forces irakiennes, épaulées par des milices chiites soutenues par l’Iran, ont lancé une offensive pour tenter de reprendre la ville de Tikrit aux jihadistes de l’État islamique.

Pour cette opération, Bagdad a donc misé sur l’aide de Téhéran. Des éléments de la force al-Qods, l’unité des pasdarans iraniens (Gardiens de la révolution) commandée par le général Qasem Soleimani, y jouent ainsi un rôle clé.

Seulement, devant les difficultés rencontrées à Tikrit, l’offensive marque le pas, notamment en raison des dispositifs défensifs installés par les jihadistes. La semaine passée, le ministre irakien de l’Intérieur avait même annoncé qu’elle avait été « temporairement suspendue » afin de limiter les pertes et de protéger les infrastructures de la ville.

Peu avant, le général Abdelwahab al-Saadi, l’un des principaux commandants pour cette opération, avait suggéré au ministre irakien de la Défense de demander un appui aérien à la coalition internationale. Sauf que le Pentagone a indiqué n’avoir reçu aucun requête officielle allant dans ce sens.

En fait, les États-Unis sont réticents à apporter un appui aux forces irakiennes en raison de l’implication de l’Iran et des milices chiites dans cette opération visant à reconquérir Tikrit. Officiellement, d’ailleurs, il n’y a aucune coordination directe entre les forces arméricaines et les iraniennes. Du moins pour le moment.

En effet, selon un haut responsable de la coalition internationale, l’aviation américaine mènerait des vols de reconnaissance dans le secteur de Tikrit afin d’aider les forces irakiennes.

« La coalition a commencé à fournir un soutien ISR (Intelligence, Surveillance et Reconnaissance), le 21 mars à la demande du gouvernement irakien, et ce sont actuellement les Etats-Unis qui fournissent ce soutien », a confié, à l’AFP, ce responsable, sous couvert de l’anonymat.

Ce dernier a ainsi confirmé une information publiée par le Wall Street Journal, selon qui « l’armée américaine fournit aux Irakiens des flux vidéo provenant de drones de surveillance survolant Tikrit ». Il s’agit de donner des informations en temps réel sur l’état des forces de l’État islamique et de préparer la suite des opérations.

Toujours d’après le quotidien, des responsables américains ont expliqué que cette coopération en matière de renseignement vise à « envoyer un message subtil » aux autorités irakiennes pour leur dire que « collaborer étroitement avec l’Iran était une erreur ».

« Le partenariat irakien avec l’Iran a été infructueux et maintenant il est temps pour les Irakiens d’en venir à un partenariat avec nous », a même déclaré l’un d’eux.

Interrogé sur ces vols de reconnaissances, le porte-parole du Pentagone, le colonel Steven Warren, ne les a pas démentis. L’aviation américaine « mène des opérations de surveillance en Irak et en Syrie » a-t-il dit. Mais « je ne vais pas entrer dans le détail de nos missions ISR », a-t-il ajouté.

Quant à savoir s’il est question d’aller en encore plus loin et de réaliser des frappes aériennes en appui des forces irakiennes, le colonel Warren a répondu que rien n’est exclu. « Si les Irakiens en font formellement la demande, nous la regarderons », a-t-il dit.

Cela étant, une telle option suscite des réserves outre-Atlantique. Ancien commandant des forces américaines en Irak et artisan d’une stratégie contre-insurrectionnelle qui permit de réduire les groupes insurgés sunnites et chiites, le général David Petraeus n’y est pas favorable.

Dans un entretien accordé au Figaro (édition du 13 mars), il a expliqué que « cette éventualité soulève de considérables réserves, dans la mesure où elle nous ferait passer, aux yeux des sunnites de la région, pour le sotutien aérien rapproché de la Force al-Qods et des milices chiites » irakiennes.

Au sujet de ces dernières, le général Petraeus a rappelé que les forces américaines les avaient « défaites militairement en mars-avril 2008 ». La menace de l’EI « a entraîné leur réapparition, recevant en outre le soutien considérable des Iraniens », a-t-il ajouté. « La crainte est que ces milices ne se contentent pas de nettoyer les zones conquises, mais qu’elles déportent aussi les sunnites et cherchent à altérer l’équilibre démographique dans certains endroits, comme la province de Diyala, le nord de Badgad et certains quartiers mixte de la capitale », a-t-il affirmé.

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