Pour M. Raffarin, il manque 3 milliards d’euros pour boucler le budget 2015 de la Défense

Le 12 mars, la commission sénatoriales des Affaires étrangères et de la Défense, présidée par Jean-Pierre Raffarin, a procédé à un contrôle « sur pièce et sur place » dans les locaux du ministère des Finances et de l’Économie sur « l’organisation tendant à mettre en place les sociétés de projet prévues dans la loi « Macron » pour le ministère de la défense ».

Pour 2015, le budget du ministère de la Défense devait être abondé par des ressources exceptionnelles (REX) obtenues via la vente aux enchères de fréquences de la bande 700 MHZ afin d’atteindre le montant de 31,4 milliards d’euros.

Or, la cession de ces fréquences ne pourra pas se faire dans les délais prévus… D’où l’idée de mettre en place des sociétés de projet dont l’objet sera de racheter des équipements (avions A400M et frégates multimissions) aux armées pour ensuite les leur louer. Et cela, grâce à des capitaux obtenus par la vente de participations détenues par l’État dans certaines entreprises.

Ce dispositif, qui a fait l’objet d’un amendement gouvernemental au projet de loi sur l’activité et la croissance et dont on pensait qu’il resterait en vigueur le temps de remédier au retard des REX, sera finalement appelé à durer étant donné que, lors de sa conférence de presse du 11 mars dernier, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a indiqué qu’il « sera nettement plus élaboré » pour les années suivantes car il « intègrera du service et des capitaux privés ».

Seulement, pour Bercy, ce système n’est pas satisfaisant étant donné qu’il est considéré comme une « dépense maastrichtienne ». Le ministre du Budget, Michel Sapin, a publiquement exprimé ses réserves à son sujet, de même que son secrétaire d’État, Christian Eckert.

Pour eux, il serait possible de franchir l’obstacle en misant sur la baisse des prix du pétrole, en jouant sur l’inflation (moindre que prévu) et en comptant sur les exportations (un Rafale exporté n’étant pas facturé à la Défense). Seulement, même si la conjoncture est favorable pour certaines dépenses (ce qui ouvre des marges de manoeuvres), le budget de la Défense doit être de 31,4 milliards d’euros, conformément à l’engagement pris par le président Hollande.

Les réticences de Bercy au sujet de sociétés de projet ont donc motivé le contrôle des sénateurs. « Ce dispositif, afin de répondre aux besoins du budget de la défense, notamment le financement des programmes d’équipement militaire, doit être opérationnel à l’été », ont-ils expliqué.

« La mise sur pied en temps utile, par Bercy, des sociétés de projet est un motif d’inquiétude pour nos armées, et un sujet de préoccupation pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat », a affirmé M. Raffarin.

Dans le communiqué publié par la commission sénatoriale à l’issue du contrôle, il est précisé que « le ministre des finances et des comptes publics (…) a assuré que les travaux préparatoires étaient conduits pour le respect des engagements pris ». Et d’ajouter : « Après analyse des documents qui nous ont été remis, nous alerterons, s’il le faut, le Président de la République, afin de faire appliquer son arbitrage d’une sanctuarisation des crédits de la défense à 31,4 milliards d’euros. »

Justement, les documents en question n’ont visiblement pas convaincu les sénateurs. Sur les ondes de RTL, ce 17 mars, M. Raffarin a affirmé que « la situation est assez grave » car « nous avons un manque de 3 milliards pour boucler le budget 2015 ».

L’ancien Premier ministre du président Chirac a un peu forcé sur les chiffres. S’il est vrai que 2,2 milliards font actuellement défaut, les 800 millions liés aux surcoûts des opérations (tant intérieures qu’extérieures) ne sont pas entièrement à la charge du ministère de la Défense puisqu’ils sont compensés par la réserve de précaution ministérielle.

Aussi, face au désaccord entre la Défense et le Budget sur cette affaire des sociétés de projet, le sénateur de la Vienne a demandé « solennellement au président de la République d’arbitrer entre ces deux ministères pour nous indiquer quels sont les outils financiers de nature à boucler le budget 2015 de la Défense. Selon lui, « nous sommes à la veille d’une crise » si cet arbitrage n’est pas rendu. « Il s’agit d’un sujet majeur, les Français ont montré leur confiance dans l’outil militaire. Sur le régalien nous devons rester rassemblés », a-t-il aussi estimé.

Lors de ses voeux aux armées et à l’issue du Conseil de défense du 21 janvier dernier, le président Hollande a déjà confirmé la solution passant par la mise en place des sociétés de projet. Et M. Le Drian a bien l’intention d’aller de l’avant dans ce dossier quand la loi sur l’activité et la croissance sera promulguée, ce qui devrait être le cas d’ici l’été prochain. Visiblement, Bercy freine des quatre fers. En 2004, le président Chirac avait affirmé, à l’endroit de son ministre des Finances, également au sujet du budget de la Défense : « J’ordonne et il exécute ». Faudra-t-il que l’actuel locataire de l’Élysée en fasse de même?

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