Quelle est la position de la France dans les négociations portant sur le nucléaire iranien?

« La dernière fois, les Américains étaient sur le point de signer n’importe quoi », a confié Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, lors d’une audition devant la commission sénatoriale des Affaires étrangères et des Forces armées, au sujet des négociations portant sur le nucléaire iranien.

Ces dernières se tiennent dans le droit fil d’un accord préliminaire obtenu en novembre 2013 à Genève. L’enjeu est d’empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire en échange des sanctions internationales qui lui sont appliquées.

Pour l’administration Obama, au grand dam de la majorité républicaine au Congrès, il s’agit d’un objectif prioritaire afin de mettre un terme à l’isolement de Téhéran et de trouver un nouvel équilibre géopolitique au Moyen Orient. Quitte à mécontenter à la fois Israël et les monarchies sunnites du golfe arabo-persique.

Certains observateurs pensent même qu’une telle ouverture serait bénéfique aux « réformateurs », des rangs desquels l’actuel président iranien, Hassan Rohani, est issu. Mais c’est oublier que, en Iran, celui qui tient le pouvoir est le guide suprême de la Révolution, l’ayatollah Ali Khamenei.

Et alors même que l’étau a été (un peu) desserré sur l’économie iranienne après l’accord préliminaire de novembre 2013, la rhétorique anti-américaine n’a pas changé (avec le simulacre de la destruction d’une maquette d’un porte-avions de l’US Navy récemment) et les conservateurs n’ont pas baissé la garde. La preuve avec l’élection, aux dépens d’un réformateur, de Mohammad Yazdi à la tête de l’Assemblée des experts, une haute instance chargée de nommer et de surveiller l’action du « guide suprême ». En outre, Téhéran a depuis poussé ses pions dans la région, comme récemment au Yémen et en Irak.

Cela étant, le groupe 5+1 (les 5 membres du Conseil de sécurité et l’Allemagne) et l’Iran tentent donc de trouver un accord-cadre d’ici le 31 mars prochain.

Plusieurs points restent à régler, notamment sur le réacteur à eau lourde d’Arak, susceptible de produire du plutonium, pouvant être utilisé à des fins militaires, les capacités d’enrichissement de l’uranium et ce que l’on appelle le « breakout time », c’est à dire le temps minimum qu’il faudrait à l’Iran pour produire une bombe nucléaire s’il en prenait la décision en violation de l’accord actuellement en discussion. Et cela dépend donc du nombre de centrifugeuses qui serait autorisé.

Comme l’a expliqué M. Fabius, lors de son passage au Sénat, la France ne fera « pas obstacle » à un accord… mais « à condition qu’il soit bon! », car il « constituera le standard de la prolifération nucléaire pour tous les pays de la région ».

En clair, a continué le ministre, « si accord n’est pas solide, l’Arabie saoudite, l’Égypte, la Turquie, et peut-être d’autres se doteront de l’arme nucléaire ». Or si cette dernière devient « ‘joujou’ dans cette partie du monde, c’est la fin de tout – sans parler des groupes terroristes! », a-t-il dit.

Aussi, si un accord doit être trouvé avec l’Iran, il doit « reposer sur des bases solides, non seulement pour nous, mais également pour toute la région », a plaidé M. Fabius. « Laissons Israël en dehors de cela : ce serait une grande faute de dire que ce sujet n’est lié qu’à Israël. C’est une question de standard nucléaire », a-t-il fait valoir.

Comme Téhéran n’a pas toujours fait preuve de transparence au sujet de son programme nucléaire, ce que déplore d’ailleurs l’Agence internationale à l’énergie atomique (AIEA), le breakout time est un point essentiel. A priori, selon M. Fabius, les Iraniens en ont accepté le principe. Mais, a-t-il dit, « il  faut que nous disposions au moins d’une année pour pouvoir réagir si nous découvrons que les Iraniens nous ont caché certaines choses » et « cela entraîne toute une série de conséquences ». Pour le moment, il n’y aurait pas d’avancée sur ce point.

Autre exigence : celle de la « transparence absolue ». Nous « souhaitons que l’AIEA puisse  savoir en permanence ce que font les Iraniens » et « voulons également le relier à des sanctions, alors qu’ils nous demandent de les abandonner en début de parcours », a expliqué le patron du Quai d’Orsay? « On ne peut les abandonner sans transparence! On est donc encore assez loin du compte », a-t-il poursuivi.

« Je n’ai pas de position personnelle dans ce domaine, ce qui serait absurde, mais la position de la France est d’accepter un accord, à condition qu’il soit solide et qu’on puisse le défendre. Le nucléaire civil, tant que l’on veut, la bombe atomique, non! Ce sont les conséquences qu’il faut tirer de tout cela », a enfin conclu M. Fabius sur ce sujet.

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