Budget/Défense : Pour M. Sapin, les sociétés de projet « présentent un certain nombre d’inconvénients »

En 2015, le budget de la Défense doit bénéficier de plus de 2 milliards d’euros de recettes exceptionnelles (REX) afin que son montant puisse être maintenu à 31,4 milliards d’euros.

Pour obtenir ces REX, il a été prévu de mettre aux enchères les fréquences de la bande 700 MHZ à l’intention des opérateurs de téléphonie mobile. Or, cette opération ne pourra très vraisemblablement pas se faire dans les délais prévus. D’où l’idée des sociétés de projets, qui, dotées de capitaux publics obtenus via des cessions de l’État, rachèteraient des avions A400M et des frégates multimissions aux forces françaises pour les leur louer dans la foulée.

L’on croyait le débat clos. Le président Hollande, lors de ses voeux aux armées, s’est clairement prononcé en faveur de ces sociétés de projet. Un amendement les autorisant, déposé à l’initiative du gouvernement, a même été adopté lors des débats portant sur le projet de loi sur l’activité et la croissance économique défendue par le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron.

Pourtant, le ministère du Budget et des Comptes publics s’y oppose fermement. Lors d’une audition devant la commission des Finances, à l’Assemblée nationale, le secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert, a taillé en pièces ce dispositif, considéré comme étant une « dépense maastrichtienne », avant d’évoquer l’existence d’un « plan B » qu’il n’a pas voulu préciser.

Le 4 mars, lors de la séance des questions au gouvernement, le député UMP François Cornut-Gentille a remis cette question sur le tapis. « Le temps presse. Laisser dériver les choses jusqu’à l’été aboutirait à amputer le budget de la défense, le ministère n’étant plus en mesure d’équiper les forces avec des crédits trop tardivement alloués. Il est urgent de trancher et de dire enfin clairement les choses. C’est de bonne méthode budgétaire, mais c’est surtout un impératif moral, compte tenu de l’engagement actuel de nos militaires, sur tous les front », a-t-il fait valoir.

Puis, s’adressant au Premier ministre, Manuel Valls, le député de la Haute-Marne a demandé si « les crédits attendus par la défense, notamment pour ses équipements, seront disponibles d’ici à la fin du mois de juin, sans attendre la révision de la loi de programmation militaire ».

La réponse faite par Michel Sapin, le ministre des Finances et des Comptes publics, n’aura pas calmé les inquiétudes. « Cette loi de programmation militaire comprend, comme les précédentes, une part, principale, de crédits budgétaires et une part de ressources exceptionnelles. Aujourd’hui, un risque pèse, même s’il n’est pas certain, sur le calendrier de perception des ressources exceptionnelles, notamment sur celles prévues en 2015 », a-t-il commencé par admettre.

Toutefois, a-t-il ajouté, « les sociétés de projets présentent aussi un certain nombre d’inconvénients » et il « n’est donc pas interdit de s’interroger sur d’autres solutions ». Oui mais lesquelles? Pour M. Sapin, visiblement, il y a encore une chance pour que les REX promises soient au rendez-vous étant qu’il parle d’un « risque non encore avéré » pour qu’elles ne le soient pas… « Les sociétés de projets constituent une solution intéressante ; il est de ma responsabilité d’examiner les solutions alternatives qui permettraient de donner à nos armées tous les moyens nécessaires sans présenter d’inconvénients », a-t-il conclu.

Donc, si l’on comprend bien, pour MM. Sapin et Eckert, la vente aux enchères des fréquences de la bande 700 MHZ pourrait donc se faire dans les délais prévus… Sauf que, en juillet, les sénateurs de la commission des Affaires étrangères et des Forces armées ont expliqué dans le détails pourquoi elle ne pourra pas se faire à temps.

La première est qu’il faut attendre la tenue d’une conférence mondiale sur les télécommunications, prévue en novembre prochain. Cette dernière précisera les modalités techniques et réglementaires pour utiliser les fréquences en question dans le domaine des télécommunications. Or, quand on dirige une entreprise, on ne prend pas des engagements financiers importants sans savoir si un investissement sera rentable ou non.

Mieux encore, le sénateur Jacques Gautier a même affirmé, toujours en juillet 2014 : « Compte tenu notamment de la nécessité technique de réaménager les fréquences (…), l’Agence nationale des fréquences, au début de l’année 2013, a estimé que la mise aux enchères de la bande des 700 MHz, pour la réattribution de celle-ci à la téléphonie mobile, ne pourrait pas intervenir avant 2017. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, de même, considère que 3 ans sont nécessaires pour libérer les fréquences. Une note émanant du ministère de la culture et de la communication, en juin 2013, a même retenu l’hypothèse de cette libération, par la télévision, en 2019 seulement. Les documents que nous avons recueillis font apparaître que la direction du budget était informée et consciente de ces estimations de calendrier dès le premier trimestre 2013″.

Dans ces conditions, le risque que ces REX ne soient pas au rendez-vous est-il  » non encore avéré », comme l’a avancé M. Sapin?

Quoi qu’il en soit, le problème du chef d’état-major des armées (CEMA), le général Pierre de Villiers, est d’avoir ces 31,4 milliards de budget pour mener à bien ses missions. « Et ce, avant le 1er juillet pour pouvoir les dépenser », a-t-il plaidé devant les députés de la commission des Affaires étrangères, en février.

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