Seulement 321 réservistes ont été mobilisés pour l’opération Sentinelle

Que ce soit sur le territoire nationale ou sur les théâtres extérieurs où elles sont engagées, les forces françaises sont au four et au moulin, alors que leurs effectifs n’ont cessé de diminuer au cours de ces dernières années. Et l’opération Sentinelle, lancée après les attentats des 7 et 9 janvier avec 10.500 hommes déployés en à peine 3 jours, a fait comprendre qu’il n »était plus possible de continuer dans cette logique de suppressions de poste au sein des armées.

« Quand nous avons mis cette force de protection sur le terrain, j’ai constaté que dans deux ans, nous serions incapables de la mettre en place pour des raisons de rythme et de volume de déflation des effectifs sans toucher aux OPEX [ndlr, opérations extérieures] », a confié le général Pierre de Villiers, le chef d’état-major des armées (CEMA), lors d’une audition à l’Assemblée nationale.

« C’est ce qui m’a conduit à demander au Président de la République, en accord avec le ministre de la Défense, de réduire et lisser la déflation sur la période 2015-2019 », a ajouté le CEMA. Et ce qu’a fini par décider le chef de l’État. « Pour cette période, le surcoût devra être intégré dans le cadre de l’actualisation de la LPM que nous sommes en train de lancer », a-t-il précisé.

« S’agissant des effectifs, la mise en œuvre du contrat protection a montré l’importance de pouvoir disposer d’effectifs militaires en nombre suffisant. En cela, nous soldons deux illusions : celle d’une armée ‘toute technologique’ et celle d’une armée limitée à un corps expéditionnaire. (…). C’est aussi l’occasion (…) de s’interroger sur les limites de l’externalisation et de la civilianisation en cas de crise », a encore affirmé le général de Villiers.

Cela étant, l’actuelle opération Sentinelle est difficilement tenable dans la durée. Du moins avec son format de plus de 10.000 hommes. D’autant plus que, comme l’a encore répété le CEMA, il « n’y a plus de gras dans les armées ». En outre, elle a aussi été possible grâce aux « forces morales » des militaires. Ce qu’il n’a pas manqué de souligner car « ce sont bien elles qui nous permettent de faire face aux exigences des opérations et aux difficultés quotidiennes liées souvent au manque de moyens ».

Ainsi, a expliqué le général de Villiers, « certains de nos soldats font actuellement, tous les jours, près de 30 km à pied, en gilet pare-balles et par tous les temps, lors de leurs patrouilles. La mission est exigeante : c’est du 24 heures sur 24, au mieux du 6 heures – 22 heures 30 ; les conditions de vie sont rudimentaires. Certains revenaient de quatre mois d’opérations dans le Sahel lorsqu’ils se sont déployés à Paris et ne seront pas relevés avant quatre semaines sur place. D’autres étaient en permissions et ont été rappelés sans préavis. Ils ne s’en plaignent pas, c’est leur honneur, mais vous devez le savoir! ».

Mais l’essentiel est de pouvoir durer… « L’opération Sentinelle ne saurait rester à ce niveau de déploiement dans la durée sans avoir de sérieuses conséquences en termes de capacités d’intervention, de relèves en opérations extérieures, de préparation opérationnelle et de coûts », a fait valoir le CEMA.

Or, selon lui, il existe déjà des risques sur le niveau d’entraînement des personnels « en deçà duquel il est impossible d’aller » et sur la capacité à mener des OPEX. « Nous n’en sommes pas là mais il faut garder à l’esprit que nos troupes sont en permanence dans le tempo opérationnel : lorsqu’elles ne sont pas engagées en opérations extérieures, soit elles se régénèrent, soit elles se préparent à l’engagement suivant », a souligné le général de Villiers.

Cependant, le dispositif de l’opération Sentinelle devra obligatoirement évoluer. Pour la simple et bonne raison que, avec les engagements actuels des forces françaises, le général de Villiers n’est « pas en mesure de relever 10000 hommes – à moins de faire appel à des soldats préparant des OPEX ou qui s’y trouvent » et qu’il n’est pas question de « tirer sur la corde ». « La disponibilité et la professionnalisation de nos soldats sont extraordinaires. Il faut donc faire attention à la dimension personnelle et familiale des individus », a prévenu le CEMA.

Aussi, a-t-il ajouté, « nous allons nous adapter à la situation, de façon à diminuer progressivement nos effectifs et à avoir une position plus mobile, car en demeurant statiques, nous sommes plus vulnérables ».

Et le rôle de la réserve opérationnelle dans tout ça? Disposer d’un important effectif de réservistes permettrait de soulager les militaires « d’active », à condition d’avoir les moyens de les mobiliser.

Or, selon les chiffres donnés par le général de Villiers, seulement 321 réservistes ont été engagés dans l’opération Sentinelle, soit à peine plus de 3% des personnels engagés, « ce qui est peu » pour le CEMA. « Notre dispositif n’est pas suffisamment réactif : l’arsenal juridique devra donc être amélioré pour que nos réservistes puissent arriver plus rapidement », a-t-il ainsi jugé. Et d’ajouter : « L’un des enseignements majeurs est d’articuler notre dispositif de réserve pour être plus performant dans ce type de situation, sachant qu’il peut servir aussi à renforcer nos capacités en OPEX. »

Pourtant, l’importance du rôle des réserves avait été souligné par le dernier Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (tout comme dans le précédent d’ailleurs…). Elles sont « partie intégrante du nouvel modèle d’armée issu du Livre blanc. Sans elles, les forces de défense et de sécurité ne sont pas en mesure de remplir l’ensemble de leurs missions, en particuliuer en cas de crise sur le territoire national », relevait le minstère de la Défense dans son dossier thématique dédié au LBDSN. On en a donc eu une preuve par l’exemple…

Et le CEMA n’a pas dit autre chose. « La rénovation de notre système des réserves est aussi un chantier que nous soutenons, car elles sont indispensables : elles font partie intégrante de notre modèle d’armée. Les missions qui peuvent leur être confiées sur le territoire national doivent continuer à être développées et des réflexions sont en cours pour faire des réserves une véritable force de complément pour nos armées », a-t-il affirmé, « même si elles ne sont pas la solution magique à notre équation budgétaire ».

« Pour ce qui est des réserves, il est temps d’avoir un grand projet pour les dynamiser, définissant les missions individuelles et collectives, les entraînements, les équipements, les lieux d’intervention, avec une réserve professionnelle qui soit le pendant d’une armée professionnelle. Nous allons mener une réflexion à cet égard dans le cadre de l’actualisation de la LPM », a toutefois promis le général de Villiers.

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