Les députés ont adopté l’amendement sur les sociétés de projet, mais avec des réserves

Le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, a défendu non sans mal devant les députés, le 12 février, l’amendement, qui déposé par le gouvenernement dans le cadre du projet de loi sur la croissance et l’activité, vise à permettre la mise en place de « sociétés de projet » afin de remédier aux recettes exceptionnelles qui manqueront au budget de la Défense en 2015. Ces dernières devaient provenir de la vente aux enchères de fréquences 700 MHZ pour un montant d’au moins 2,2 milliards d’euros.

L’idée est donc de créer des structures qui, dotées de capitaux obtenus par des cessions de l’État, rachèteront aux armées des matériels avant de les leur louer dans la foulée. D’où plusieurs interrogations sur la pertinence d’une telle opération, étant attendu que la location des équipements concernés aura un coût (notamment avec les taux d’intérêt).

Cela étant, le débat qui a eu lieu entre quelques députés aura été très technique, notamment pour savoir si ce montage relève des dépenses « maastrichtiennes », comme l’a soutenu le secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert, ou pas… Les explications données par M. Macron, malgré sa bonne volonté apparente, ont été plutôt absconses…

Quoi qu’il en soit, pour la plupart des députés présents, cette solution n’est pas satisfaisante. Ancien ministre de la Défense, Hervé Morin l’a qualifiée de « cocasse » et d' »invraisemblable ». Selon lui, elle « consiste à ne pas assumer ce que nous devons faire », c’est à dire à « revoir la LPM et repenser notre format d’armée qui vit sur un mythe ou une idée qui, malheureusement, n’est plus d’actualité, selon lesquels nous serions encore une puissance militaire globale ».

Et M. Morin d’ajouter : « Je ne ferai pas partie de ceux qui demanderont une augmentation du budget de la défense compte tenu de la situation de nos finances publiques. En revanche, nos armées doivent pouvoir construire un modèle tenable à partir du budget qui leur est alloué chaque année par la République française », tout en revenant encore sur l’une de ses idées fixes, à savoir la suppression de la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire. Sur ce point, manifestement, le député UDI de l’Eure n’a pas pris la peine de lire les rapports de ses collègues Philippe Vitel et Geneviève Gosselin-Fleury, selon qui le coût annuel des Forces aériennes stratégiques n’est que de 122,5 millions d’euros!

Pour Patricia Adam, qui préside la commission de la Défense nationale, la solution des sociétés de projet n’est pas « orthodoxe du point de vue budgétaire ». Mais « nous devons la tenter », a-t-elle estimé. « La société de projet est un plan de sécurisation de la loi de programmation militaire (…) qui permettra au ministre de la Défense d’appliquer pleinement les décisions du Président de la République, du Livre blanc et de la loi de programmation militaire. Des conditions ont été posées, qui sont en partie énumérées dans le texte que nous examinons. Il faudra veiller à les respecter », a-t-elle ajouté.

En outre, Mme Adam a estimé que la durée de ces sociétés de projet devra être limitée dans le temps, « au maximum pour le temps de la loi de programmation militaire ». Ensuite, selon elle, le Parlement devrait en faire un « bilan » et « voir s’il faut les reconduire ». En tout état de cause, cette solution est un « palliatif (…) qui permettra à la loi de programmation militaire d’être totalement tenue, et à l’euro près ».

Très en pointe sur ce sujet, le député UMP Jean-François Lamour a fait savoir, parce qu’il « faut explorer  toutes les possibilités », qu’il voterait en faveur de cet amendement, non sans avoir toutefois croisé le fer (mais à fleuret moucheté) avec le ministre de l’Économie et fait part de ses « interrogations » .

Ainsi, M. Lamour a déposé un sous-amendement (qui a été adopté) afin que le gouvernement remette au Parlement un rapport avant la mise en oeuvre de ces sociétés.de projet. Mais plus largement, il a surtout déploré le recours excessif aux recettes exceptionnelles pour financer le budget de la Défense et plaidé pour rebudgétiser les crédits correspondant à ces dernières.

« Le vrai problème, monsieur le ministre, c’est de construire le budget de la défense à partir de ressources exceptionnelles. C’est un peu comme si on demandait à l’éducation nationale ou au ministère de la justice de vendre une partie de leurs biens immobiliers pour constituer leur budget. Demande-t-on à l’éducation nationale de contracter avec des partenaires privés pour consolider un exercice budgétaire, par exemple pour payer les enseignants ? Non ! », a-t-il fait valoir.

Député PS du Finistère, Gilbert Le Bris a estimé que ces sociétés de projet sont un « pis-aller » et dit « espérer qu’il ne s’agit là que d’une solution transitoire » qui permettra de « respecter totalement la loi de programmation militaire, de la sanctuariser, de la valider, de faire en sorte qu’elle ne fasse plus l’objet d’aucune discussion ».

Pour autant, il a exprimé un point de vue relativement proche de celui de M. Lamour. « Cela ne doit pas nous dispenser d’une réflexion sur la Loi de programmation militaire », a-t-il dit. Ainsi que « sur les moyens financiers nécessaires pour arriver à faire une Loi de programmation militaire qui respecte la signature qu’a apposée le chef de l’État lors du sommet de l’OTAN au Pays de Galles au mois de septembre 2014 », a-t-il ajouté, en rappelant que ce dernier avait « validé le fait que les vingt-huit pays de l’OTAN devaient très rapidement consacrer 2 % de leur PIB au budget de la défense et 20 % de celui-ci à la recherche et développement et aux investissements ».

« Or, si l’on consacre bien 20 % de nos dépenses militaires à la recherche et développement et aux investissements, en revanche, on ne respecte pas, à l’heure actuelle, la règle relative aux 2 % du PIB. Il faut donc, lors du vote de la prochaine Loi de programmation militaire, que nous nous donnions pour objectif de respecter l’engagement pris par le chef de l’État lors du sommet du Pays de Galles. Nous devons faire les efforts financiers nécessaires, parce qu’il ne suffit pas de dire que l’on est en guerre contre le jihadisme, il faut aussi s’en donner les moyens… et donner les moyens à nos militaires d’intervenir comme ils le font avec brio, non seulement sur notre flanc sud, mais aussi sur le flanc est, où de nouvelles menaces pèsent désormais », a encore plaidé M. Le Bris.

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