L’Union africaine veut une force multinationale de 7.500 hommes pour combattre Boko Haram

Capitale de l’État de Borno, situé dans le nord-est du Nigéria, Maiduguri, qui compte habituellement un million d’habitants, a vu sa population croître de façon exponentielle avec l’arrivée de réfugiés venant des zones conquises dans les environs par le groupe jihadiste Boko Haram, coupable d’exactions et de massacres de masse.

L’objectif de ce dernier est d’établir un califat, à l’image de ce qu’a fait l’État islamique (EI ou Daesh) en Irak et en Syrie. Et la prise de Maiduguri est l’un de ses objectifs prioritaires. D’ailleurs, il resserre progressivement son étau autour de la ville, profitant des faiblesses de l’armée nigériane, souvent accusée de passivité. Ainsi, Boko Haram s’attache à contrôler tous les axes menant à la capitale provinciale. Et un seul – celui qui va vers Damaturu et Kano, à l’ouest – lui échappe encore… pour le moment.

Le 25 janvier, le groupe jihadiste a lancé une offensive importante sur Maiduguri. Une offensive qui a pu être repousée. Mais, sollicité par l’AFP, un expert en sécurité, Abdullahi Bawa Wase, a estimé que la prise de la ville par Boko Haram « n’est qu’une question de temps », étant donné son importance « stratégique ».

Quoi qu’il en soit, à 130 km de là, près des rives du Lac Tchad, Boko Haram a réussi à s’emparer de la localité de Monguno ainsi que d’une nouvelle base de l’armée nigériane. La même chose s’était produite avec la ville de Baga, au début de l’année. Les jihadistes y ont d’ailleurs commis un massacre, avec sans doute au moins 2.000 tués.

En outre, Boko Haram déstabilise les pays frontaliers, comme le Niger et le Tchad, qui doivent faire face à une afflux de réfugiés, ou encore le Cameroun, où il multiplie les incursions meurtrières.

Pour les autorités tchadiennes, les actions de Boko Haram présentent une menace. D’une part parce que N’Djamena est située à une cinquantaine de kilomètres des zones d’opérations menées par le groupe jihadiste. D’autre part parce que, le Tchad étant enclavé, la voie vers Douala, importante pour ses approvisionnements et l’exportation de son pétrole, risquerait d’être coupée. D’où la décision du président Idriss Déby-Itno d’envoyer des forces tchadiennes au Cameroun pour combattre les jihadistes nigérians.

Ainsi, depuis quelques heures, les militaires tchadiens ont pris position à Fotokol, une ville située dans l’extrême-nord du Cameroun, qui fait face à celle de Gamboru, au Nigéria. Cette dernière est contrôlée par Boko Haram. Par ailleurs, le Tchad serait à l’origine de frappes aériennes qui ont visé, ce 30 janvier, la localité de Malam Fatori qui, proche du Niger, est également aux mains des jihadistes. De son côté, l’état-major nigérian s’est contenté de rappeler que les bombardements ont eu lieu dans une zone relevant de la Force conjointe, dont N’Djamena a « toujours fait partie ».

Justement, cette force conjointe, annoncée en 2014 dans le cadre d’une coopération militaire entre les pays membres de la commission du bassin du lac Tchad, peine à devenir réalité, notamment en raison de dissensions entre le Nigéria et ses voisins. Pour Abuja, il y a une certaine réticence à voir un conflit d’abord local s’internationaliser…

Toutefois, l’extension de Boko Haram est aussi vue comme une menace par l’Union africaine (UA), qui tient son sommet actuellement.

« Le terrorisme, en particulier la brutalité de Boko Haram contre nos populations, est une menace à notre sécurité collective et notre développement. Elle s’est désormais propagée à la région au-delà du Nigeria et nécessite une réponse collective, efficace et décisive, a déclaré Mme Dlamini-Zuma, la présidente de la Commission de l’Union africaine.

D’où l’appel lancé par le Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA pour la création d’une force régionale de 7.500 hommes pour combattre Boko Haram. Ce souhait avait d’ailleurs été exprimé la semaine dernière par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao).

« Les abus épouvantables de Boko Haram, sa cruauté indicible, son mépris total des vies humaines, ses destructions de biens totalement gratuites sont sans égales », a justifié Mme Dlamini-Zuma, avant l’ouverture du sommet de l’UA d’Addis-Abeba. « Par conséquent, il est recommandé que les pays de la région soient autorisés à porter la Force multinationale à 7.500 hommes, a-t-elle ajouté dans un communiqué.

« Boko Haram est un défi sécuritaire et humanitaire colossal. Nous n’allons pas attendre que telle résolution soit prise ou que telle autorisation soit menée pour faire face aux problèmes. Il appartient à tous ceux qui sont de bonne volonté de nous suivre et de nous appuyer dans notre action », a estimé par ailleurs le président tchadien.

Seulement, réunir et déployer une force multinationale de 7.500 hommes prendra un peu de temps… Il faudra d’abord obtenir une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, ce qui ne devrait pas poser de problème. Il restera définir les détails opérationnels et les règles d’engagement. « Il y a des tas de questions assez détaillées auxquelles s’intéressent les personnels des Nations unies et auxquelles il faut faire face à travers un texte qui doit être minutieusement étudié », a résumé Mohamed Bazoum, le ministre nigérien des Affaires étrangères. Enfin, il se posera aussi la question la plus importante mais aussi la plus épineuse, à savoir celle du financement.

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