L’Allemagne aurait décidé de restreindre davantage ses livraisons d’armes

Quand il fut question, en 2011, d’une grosse commande de l’Arabie Saoudite portant sur des chars Leopard 2A7+, cela ne manqua pas de susciter une grosse polémique en Allemagne, d’autant plus que l’on était encore à parler du « Printemps arabe ».

La raison de cette polémique était que cette commande passée par Riyad allait à l’encontre de la ligne jusqu’alors suivie par Berlin au sujet des ventes d’armes. En effet, l’Allemagne avait toujours refusé d’exporter de tels équipement vers l’Arabie Saoudite au motif que ce pays ne respectait pas les droits de l’homme et que cela était de nature à compromettre la sécurité d’Israël. Mais À l’époque, la chancelière allemande, Angela Merkel, semblait vouloir se démarquer de cette ligne alors que son gouvernement comptait des ministres libéraux du FDP.

Depuis, la donne politique a changé. Lors des dernières élections législatives, le FDP a perdu de sa superbe et Mme Merkel a été contrainte de composer avec les sociaux-démocrates du SPD qui étaient très hostiles à l’idée de vendre des armes à des pays ne respectant pas les droits de l’homme ou situés dans des zones instables. Cette ligne est notamment incarnée par Sigmar Gabriel, le ministre de l’Économie. Ce dernier va même plus loin étant donné qu’il avait jugé « honteux » de voir son pays compter parmi les principaux vendeurs d’armes au niveau mondial.

La commande saoudienne concernant les chars Leopard 2A7+ est donc passée aux oubliettes. Mais, selon les informations du journal Bild Am Sonntag, Berlin compte aller plus loin puisque le Conseil fédéral de sécurité (qui réunit la chancelière et les 7 ministres concernés, dont Sigmar Gabriel) a décidé d’arrêter toute livraison d’armes à destination de l’Arabie Saoudite, en raison « de l’instabilité de la région ».

Le journal écrit même que toutes les commandes saoudiennes ont été soit « purement et simplement rejetées », soit reportées pour un examen ultérieur. En 2013, rappelle Bild, ce même Conseil fédéral de sécurité avait approuvé des livraisons de matériels militaires à l’Arabie Saoudite pour un montant de 360 millions d’euros.

Cette intransigeance de Berlin pourrait avoir des répercussions sur certaines commandes passés par Ryad auprès des industriels français de l’armement, dans la mesure où ces derniers ont parfois recours à des composants allemands. Fin 2012, Nexter, qui devait livrer à l’Arabie Saoudite des véhicules blindés Aravis, dotés de châssis Unimog et de moteurs Mercedes 4 cylindres diesel OM 924, avait connu ce type de problème.

Et les restrictions allemandes ne se limitent pas au royaume saoudien puisque, depuis quelques mois déjà, Berlin a mis son veto à la livraison de missiles Milan ER (MBDA) au Qatar et de VAB Mk3 (RTD) au Liban au motif que ces matériels comptent des composants d’origine allemande. Et cela en totale contradiction avec les accords Debré/Schmidt de 1971 et 1972.

En décembre, le ministre français de l’Économie, Emmanuel Macron, avait vertement critiqué l’attitude allemande (en fait, celle de Sigmar Gabriel). « Si aujourd’hui les Allemands ne changent pas leur repli même en deçà des textes des accords Debré-Schmidt, nous aurions un problème non seulement pour ce rapprochement [ndlr, entre Nexter et Krauss-Maffei Wegmann] mais aussi pour certaines activités d’EADS [ndlr, Airbus] », avait-il affirmé, avant de faire étant de négociations à ce sujet avec Berlin.

Ce sujet a été abordé par MM. Philippe Burtin et Frank Haun, respectivement Pdg de Nexter et de Krauss-Maffei Wegmann (KMW), lors de leur audition devant les députés de la commission de la Défense, le 14 janvier dernier.

« En ce qui concerne la réglementation applicable aux exportations d’armements, je suis confiant dans nos chances d’aboutir à un accord, même si le compromis qui sera trouvé ne sera pas nécessairement à la hauteur de nos espérances de départ », a dit M. Haun. « Mais si, dans le futur, l’on arrive à une solution aux termes de laquelle le contrôle de l’exportation d’un matériel conçu en commun relèvera du Gouvernement français dès lors que la part allemande dans leur développement n’excédera pas 20 %, cela signifie que la probabilité est forte que nous développions nos produits à 80 % en France, alors que je souhaite rester à parité », a-t-il poursuivi.

Et d’ajouter, avec une pointe de malice : « Si je suis confiant, c’est parce qu’en Allemagne, le débat sur les exportations d’armement fait beaucoup de bruit, mais qu’in fine et concrètement, il n’en demeure pas moins que par exemple le Qatar et Singapour sont aujourd’hui mes principaux clients export ».

En attendant, d’après TTU, il y a eu quelques avancées. Ainsi, Berlin aurait levé ses restrictions à la livraison des Mistral ER au Qatar et des VAB Mark3. Mais les autorités françaises espèrent maintenant qu’un consensus soit trouvé pour mettre à jour les accords Debré/Schmidt. Et cela ne sera pas simple.

« Si les rencontres entre commissions parlementaires se poursuivent au sujet de la coopération bilatérale, note TTU, à qui doit s’adresser le gouvernement français, à la recherche d’un interlocuteur allemand? La Chancelière a botté en touche et renvoyé Paris vers le ministre de l’Economie et les élus du SPD. Mais Sigmar Gabriel reste, pour l’instant, fermé à toute négociation. »

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