La situation au Yémen complique la lutte contre al-Qaïda dans la péninsule arabique

L’expression « Arabie heureuse » désigne généralement le Yémen. Et le moins que l’on puisse dire est qu’elle correspond très mal à la situation actuelle de ce pays, aux prises depuis des années avec plusieurs conflits. Et, pour compliquer le tout, les différents acteurs de ces luttes ont souvent des alliances à géométrie variable.

Ainsi, l’ancien président Ali Abdallah Saleh a, par la passé, fait preuve d’une relative indulgence à l’égard de jihadistes « repentis » venus d’al-Qaïda afin de les utiliser pour combattre à la fois les rebelles zaïdites [ndlr, le zaïdisme est une branche du chiisme], lesquels sont soutenus par l’Iran et les « ennemis de l’État », c’est à dire les militants marxistes (et athées) nostalgiques de la République démocratique populaire du Yémen Sud.

Les rebelles zaïdites (ou houthistes) ont pris les armes en 2004. Et bien évidemment, le président Saleh les a vivement combattus… Mais, 10 ans plus tard, les partisans de l’ancien « raïs », débarqué du pouvoir en 2012 à la suite d’une vaste contestation populaire, soutiennent désormais la rébellion chiite. Cette dernière a ainsi pris le contrôle, le 20 janvier, du palais présidentiel, forçant ainsi le chef d’État en exercice, Abd Rabbo Mansour Hadi, ainsi que son gouvernement à démissionner.

Pendant ce temps, al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), qui a revendiqué l’attentat contre Charlie Hebdo (et qui probablement à l’origine du meurtre du Français Jean-Yves Socard, un ancien du 3e RPIMa tué à Sanaa en mai 2014), compte les points. Cette branche du réseau fondé par Oussama Ben Laden, considérée comme étant la plus dangereuse, a trouvé au Yémen un terrain favorable pour y établir ses bases, en raison notamment de la géographie mais aussi de la faiblesse de l’État yéménite.

En 2009, après l’attaque de Fort Hood et la tentative d’attentat contre un vol commercial à destination des États-Unis, Washington a lancé un programme anti-terroriste plus vaste que par le passé en collaboration avec Sanaa. C’est ainsi que les drones américains ont frappé à 110 reprises les repaires d’AQPA, souvent grâce à des renseignements obtenus sur le terrain par les forces yéménites.

En outre, une centaine de membres des forces spéciales américaines ont été déployés au Yémen [sur la base aérienne d’al-annad], afin d’assister les militaires yéménites dans les combats contre les jihadistes d’AQPA. Or, maintenant qu’il n’y a plus de gouvernement au Yémen et que les rebelles houthistes – antiaméricains – sont en position de force, quel sera l’avenir de cette coopération anti-terroriste?

« Nous sommes dans une situation bizarre où les Houthis, les ennemis de notre ennemi AQPA, ne sont pas du tout nos amis, et vont probablement perturber nos efforts pour renforcer l’armée et les forces de sécurité yéménites », a estimé Daniel Benjamin, chercheur au Dartmouth College, cité par l’AFP. « Les terroristes prospèrent dans le chaos et la menace contre les pays occidentaux pourrait s’amplifier », a-t-il ajouté.

Un autre chercheur spécialiste du Yémen, Charles Schmitz, également cité par l’AFP, se veut un peu plus optimiste. « Les Houthis vont nier toute coopération avec les Etats-Unis, mais ils l’ont déjà fait sous le manteau, et ils continueront probablement de le faire », a-t-il dit.

Pour le moment, en tout cas, selon des responsables américains sollicités par Reuters, les opérations anti-terroristes, comme les frappes de drones, sont suspendues. Du moins temporairement, le temps d’y voir plus clair.

Toutefois, le porte-parole de la Maison Blanche, Josh Earnest, a fait savoir que Washington entendait continuer la coopération anti-terroriste avec les autorités yéménites. « Je n’ai aucun changement à annoncer dans la politique actuelle sur ce sujet », a-t-il dit. À condition que celles qui sortiront de la période actuelle de troubles le veuillent…

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]