Al-Qaïda dans la péninsule arabique revendique officiellement l’attentat contre Charlie Hebdo

À plusieurs reprises, Chérif et Saïd Kouachi, les auteurs de l’attentat contre Charlie Hebdo, ont affirmé avoir agi au nom « d’al-Qaïda au Yémen », qui est en fait « al-Qaïda dans la péninsule arabique » (AQPA).

Le 9 janvier, Harith al-Nadhari, un responsable de cette organisation, a menacé la France de nouvelles attaques sans pour autant revendiquer celle menée par les frères Kouachi. Cependant, un autre dirigeant d’AQPA l’avait fait anonymement auprès de l’agence Associated Press.

Il aura donc fallu attendre une semaine pour que l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo soit officiellement revendiquée par AQPA, via une vidéo mise en ligne sur un site Internet de la mouvance jihadiste.

« Des héros ont été recrutés et ils ont agi, ils ont promis et sont passés à l’acte à la grande satisfaction des musulmans », a ainsi déclaré Nasser Ben Ali al-Anassi, un responsable d’AQPA. « Nous tenons à préciser à l’intention de la nation musulmane que ce sont nous qui avons choisi la cible, financé l’opération et recruté son chef. L’opération a été menée sur ordre de notre émir général Ayman al-Zawahiri et conformément à la volonté posthume d’Oussama ben Laden », a-t-il ajouté.

L’on sait que les frères Kouachi ont été en contact avec l’imam Anouar al-Aulaqui, qui était alors une des têtes pensantes d’AQPA, et qu’ils ont fait un voyage au Yémen en 2011 avant de revenir en France. Comment Chérif Kouachi a-t-il pu passer les frontières alors que son appartenance à la mouvance jihadiste était notoire, après avoir été impliqué dans deux affaires?

La branche yéménite d’al-Qaïda est probablement la plus dangereuse du réseau fondé par Ben Laden. En 2009, elle a été la responsable de la tuerie de Fort Hood, aux États-Unis, un officier américain de confession musulmane ayant été radicalisé par et al-Aulaqui. La même année, le jour de Noël, elle a tenté de faire exploser le vol Amsterdam-Detroit via une de ses recrues, Farouk Abdulmutallab, un jeune étudiant nigérian.

En 2010, cette organisation terroriste envoya des colis piégés à la communauté juive de Chicago en utilisant des explosifs – du PETN – dissimulés dans des cartouches d’imprimante. Par la suite, AQPA a « innové » en diffusant, via Internet et en format pdf, le magazine de propagande « Inspire ». C’est dans l’un de ces numéros qu’une liste de personnalités à tuer fut publiée. Le nom de Stéphane Charbonnier – dit  Charb, le directeur de Charlie Hebdo, y figurait (ceux de Salman Rushdie, de l’homme politique néerlandais Gert Wilders et du pasteur américain Terry Jones également).

Pour Washington, AQPA constituait, il y a encore peu, la principale menace. D’où l’aide financière et militaire américaine au Yémen, pays où l’État a du mal à assumer ses responsabilités, face à des mouvements de révoltes, l’activisme des jihadistes et la rébellion houthiste (courant du chiisme). Les États-Unis y ont en outre mené une série de frappes aériennes via des drones. L’une d’entre-elles a même été fatale à l’imam Aulaqui.

Commandée par Nasser al-Wahichi, un ancien secrétaire de Ben Laden, AQPA bénéficie de plusieurs atouts, à commencer par le pays où elle a pris racine, avec donc des autorités yéménites dépassées et un terrain favorable pour l’installation de caches et de camps d’entraînement, comme dans les montagnes d’Al-Kour, un massif difficile d’accès situé entre les provinces de Chabwa, Abyan et Baïda.

En avril 2014, cette branche d’al-Qaïda y a même organisé un rassemblement d’une ampleur jusque-là inégalé. À cette occasion, al-Wahichi a prononcé un discours pour promettre que « la guerre contre les Croisés allait se poursuivre partout dans le monde ».

Par ailleurs, le fait qu’AQPA ait mis en avant Ayman al-Zawahiri, le successeur de Ben Laden à la tête d’al-Qaïda « central » n’est pas anodin dans la mesure où ce dernier est en perte de vitesse au sein de la mouvance jihadiste, notamment face à al-Baghdadi, le chef de l’État islamique (EI ou Daesh).

Aussi, un aspect surprenant dans cette affaire concerne les déclarations d’Amedi Coulibaly, l’auteur de la fusillade de Montrouge et de la prise d’otages dans le XIe arrondissement de Paris, lequel a revendiqué son appartenance à l’EI tout en affirmant qu’il « synchronisait » ses actions sur celles des frères Kouachi qu’il connaissait.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]