Pour la Russie, l’Otan reste la première des menaces

En 2010, les relations entre la Russie et l’Otan, après quelques turbulences liées à l’intervention militaire russe en Géorgie, semblaient s’améliorer progressivement. À l’époque, plusieurs sujets étaient de nature à rapprocher les points de vue, comme par exemple la situation en Afghanistan.

En outre, le président américain, Barack Obama, venait de lancer une politique de « reset » à l’égard de Moscou, c’est à dire visant à améliorer les relations entre les États-Unis et la Russie. Le projet de bouclier antimissile américain fut même remanié, avec des missiles intercepteurs en Roumanie et des destroyers Aegis basés en Espagne. Seulement, la doctrine militaire russe, publiée en février de cette année-là, mettait l’Otan au premier rang des menaces, le terrorisme caucasien arrivant à la 10e position.

À l’époque, Moscou pointa l’élargissement de l’Otan aux pays qui faisaient autrefois partie de la sphère d’influence russe ainsi que la mise en place d’un bouclier antimissile, susceptible de porter atteinte à la crédibilité de ses forces nucléaires et le développement d' »armes stratégiques conventionnelles de haute précision », notamment par les États-Unis (programme Conventional Prompt Global Strike/frappe conventionnelle globale rapide).

Pour autant, cela n’empêcha pas la Russie de commander du matériel militaire auprès de pays membres de l’Otan, comme les deux Bâtiments de projection et de commandement (BPC) de type Mistral, ni même d’envisager une collaboration en matière de défense antimissile, comme cela fut le cas lors du sommet de l’Alliance, organisé à Lisbonne en novembre 2010.

Depuis, la coopération sur la défense antimissile n’a pas avancée d’un iota, les exigences russes en la matière ayant été estimées trop importantes par les dirigeants de l’Alliance. Et l’annexion de la Crimée et le soutien apporté par les séparatistes pro-russes dans l’est de l’Ukraine (Donbass) n’ont évidemment pas contribué à une amélioration des relations entre l’Otan et Moscou.

Aussi, et sans surprise, la nouvelle doctrine militaire russe publiée par le Kremlin le 26 décembre est quasiment un copié-collé de celle de 2010 pour ce qui concerne les rapports avec l’Otan, qui reste donc la menace « fondamentale » pour Moscou.

Ainsi, le document s’inquiète du renforcement des capacités « offensives » de l’Otan aux frontières de la Russie, en faisant une allusion au déploiement de troupes en Pologne et dans les pays baltes. Pour rappel, il s’agit de renforcements temporaires, décidés dans le cadre de mesures de » réassurance » prises au bénéfice de ces États qui redoutent une déstabilisation provoquée par leur voisin russe.

L’Otan a renforcé les moyens aériens de la mission Baltic Air Policing en portant le nombre d’avions de combat engagés à environ une douzaine. Il s’agit de surveiller l’espace aérien des pays baltes, lesquels sont dépourvus de défense aérienne propre alors que les vols d’appareils militaires russes sont en constante augmentation dans cette région. Les manoeuvres organisées dans ces pays (plus la Pologne), leurs effectifs n’excèdent pas (ou rarement) ceux d’une grosse brigade. En tout cas, ils sont très inférieurs à ceux déployés lors des exercices russes de grande ampleur.

Enfin, l’Otan va mettre en place une force très réactive (un « fer de lance »), avec 4.000 hommes, afin de répondre avec 48 heures de préavis à la moindre menace contre l’un de ses membres. En aucun cas il n’est question de moyens offensifs.

Comme en 2010, le projet de bouclier antimissile est une nouvelle fois dénoncé. Et pour les mêmes raisons. De même que l’élargissement de l’Otan. À Moscou, l’on craint que l’Ukraine finisse par y adhérer. Déjà, Kiev a abandonné, le 24 décembre, son statut de pays non-aligné, ce qui ouvrirait la voie à une éventuelle entrée au sein de l’Alliance atlantique. Une perspective inacceptable pour Moscou.

Seulement, le chemin vers l’Otan sera très long pour l’Ukraine. D’abord, il faudra qu’elle soit acceptée par les autres États membres, ce qui est loin d’être acquis (des pays comme la France et l’Allemagne y sont très réticents). Et puis il faudra à Kiev réaliser des efforts considérables pour mettre ses forces armées aux normes « Otan ».

Pour le reste, cette nouvelle doctrine militaire se veut « défensive », c’est à dire que tout engagement armé de la Russie ne se fera qu’à condition que toues les solutions non violentes soient épuisées. Au chapitre des menaces, elle met aussi en avant les revendications territoriales, « l’ingérence dans les affaires internes » des États, le terrorisme, l’influence par l’information sur la population russe « puisqu’elle sape les traditions historiques et patriotiques de la société » et l’envoi d’armes stratégiques dans l’espace. Elle définit également le concept de « dissuasion non nucléaire », ce qui suppose de disposer de forces conventionnelles de haut niveau.

S’agissant de ses forces stratégique, le document précise que « Russie se réserve le droit de se servir de son arme nucléaire en riposte à une attaque à l’arme nucléaire ou à une autre arme de destruction massive, réalisée contre elle et/ou ses alliés, ainsi qu’en cas d’une agression massive à l’arme conventionnelle mettant en danger l’existence même de l’Etat ».

Enfin, pour la première fois (mais sans grande surprise étant donné les annonces régulièrement faites à ce sujet), l’Arctique fait partie des priorités des forces armées, lesquelles seront chargées d’y défendre les intérêts nationaux de la Russie. Cette région est considérée comme stratégique pour le développement économique et l’approvisionnement énergétique futur du pays.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]