Un rapport parlementaire préconise la création d’un « secrétariat d’État en charge des exportations d’armement »

En 2013, les exportations françaises d’armement ont bondi de plus de 40% pour s’établir à 6,87 milliards d’euros. Et le cru 2014 s’annonce aussi très bon si l’on en croit Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense.

À l’heure où l’industrie française connaît des moments difficiles, sur fond de manque de compétitivité par rapport à ses concurrents, ces chiffres sont évidemment une très bonne nouvelle non seulement pour la balance commerciale (son déficit serait plus élevé de 5 à 8% sans ces ventes d’armes à l’étranger) mais pour l’emploi hautement qualifié (28.000, directs et indirects), l’innovation et le développement de technologies dites duales. En outre, certaines de ces exportations sont indispensables à l’équilibre budgétaire défini par la Loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019.

Ces bons résultats sont dus à l’implication des autorités de l’État, à commencer par celle, au niveau des relations politiques et stratégiques avec les clients potentiels, du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian.

Les industriels français de l’armement sont en outre soutenus par plusieurs dispositifs, comme la Commission interministérielle d’appui aux contrats internationaux (CIACI) ou encore le Comité des exportations de défense (COMED). L’action des attachés de défense est également prépondérante, de même que l’accompagnement de la Direction générale de l’armement (DGA) et, plus généralement, du ministère de la Défense, avec par exemple le Pacte Défense PME. Et puis il y a aussi le soutien financier, via la Coface, ou encore via les incitations fiscales (crédits d’impôts pour ka recherche et la prospection commerciale ainsi que les régimes préférentiels en matière de TVA).

Enfin, il ne faut pas oublier le rôle des armées, avec les missions dites SOUTEX, qui consistent à mettre du personel et des matériels à la disposition des inductriels qui en font la demande pour des démonstration à caractère commercial. Ces prestations, qui coûtent 6,3 millions d’euros par an à l’armée de l’Air), sont en principe facturées aux bénéficaires. Seulement, une partie des recettes vont abonder le budget général de l’État et non celui des armées. Comprenne qui pourra.

Cela étant, la France peut-elle faire encore mieux en matière de ventes d’armes à l’étranger? Si l’on analyse les raisons expliquant des échecs passés, la réponse est évidente. Comme par exemple la frilosité de Bercy (ainsi que des impairs diplomatiques) pour accorder des financements à certains clients potentiels : cela a coûté la vente de Rafale au Maroc (au grand bénéficie de Lockheed-Martin) alors que le contrat était quasiment dans la poche. Le même scénario serait sur le point de se répéter avec l’Égypte, qui veut acquérir deux Frégates multimissions (FREMM) et une vingtaine d’exemplaires du fleuron de Dassault Aviation.

Dans un rapport d’information sur le dispositif de soutien aux exportations d’armement, les députés Nathalie Chabanne et Yves Foulon ont fait quelques propositions en la matière. Lors de la présentation de ce document en commission, les deux parlementaires ont relevés quelques points négatifs susceptibles d’expliquer l’échec de certains contrats.

Et M Foulon d’énumérer : « une possible ultrasophistication des matériels, qui a conduit à ‘oublier la rusticité’ et qui entraîne des matériels coûteux à l’achat, même pour nos armées, et hors de portée budgétaire pour certains États à l’exportation, une prise en considération parfois imparfaite des besoins du client, couplée à une certaine arrogance dès lors que l’on cherche à ‘forcer la main’ du client ou à définir ses besoins à sa place, un défaut de solidarité entre industriels et une capacité limitée à coordonner leurs actions et leurs stratégies, pouvant conduire à une compétition fratricide, au risque de perdre des marchés au profit de la concurrence,  une priorité politique souvent donnée aux ‘gros’ contrats symboliques, parfois au détriment de prospects peut-être plus modestes mais plus facile à concrétiser, une taille critique des entreprises qui n’était pas toujours atteinte, une propension aux ‘effets d’annonce’ parfois prématurés, tant au niveau du politique que de l’industriel.

Au total, ces deux parlementaires ont émis 23 recommandations, dont certaines sont d’ordre technique, notamment au niveau des aides fiscales et financières en particulier pour les PME. D’autres concernent les opérations de communication, comme celles visant à « recourir plus largement à la production et à la mise à disposition de vidéos de démonstration » des matériels proposés à l’exportation » ou encore en transformant le label « DGA testé » en label « Testé en conditions opérationnelles ».

Il est aussi question de renforcer « le réseau des attachés de défense » et de « développer un travail prospectif d’analyse des marchés par pays ou par zone », de « sytématiser et assurer de façon plus régulière les rencontres entre industriels (grands groupes comme PME) et attachés de défense avant leur départ en affectation et en cours d’affectation » et mettre davantage en relation « les industriels et les militaires dans le cadre de la formation de ceux-ci ».

Les deux députés ont aussi mis l’accent sur le marché de l’occasion, qui présente de bonnes opportunités, en mettant en place des « procédures de cession plus souples avec partage de la marge réalisée lors de la revente ».

Le rapport recommande également d’accorder plus de place aux députés et aux sénateurs dans le dispositif de soutien aux exportations avec un recours accru « à la diplomatie parlementaire » (il n’est pas rare de voir 10 élus du Congrès américain faire le déplacement dans des salons d’armement important alors que leurs homologues français s’y font plus discrets) et la nomination d’un parlementaire au sein de la CIEEMG (commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre) en qualité d’observateur.

Enfin, l’une des mesures préconisées parmi les plus innovantes est celle consistant à créer un secrétariat d’État en charge des exportations d’armement, lequel serait rattaché au ministère de la Défense.

« En matière d’exportations d’armement, la réactivité politique, la profondeur et le suivi au long cours de relations à haut niveau sont indispensables », expliquent les rapporteurs au sujet de l’idée de créer un tel secrétariat d’État. L’action de ce dernier, poursuivent-ils, « serait exclusivement consacrée à cette mission » et il « deviendrait ainsi l’interlocuteur unique, à temps plein vis-à-vis de nos clients étrangers, serait susceptible de suivre l’ensemble des prospects y compris les plus modestes et permettrait le développement de relations privilégiées dans la durée ».

Et d’ajouter : « Compte tenu des autres priorités du ministre de la Défense, il est en effet parfois malaisé d’assurer une présence politique suivie sur l’ensemble des prospects et des zones, notamment ceux qui ne sont pas jugés immédiatement prioritaires avec, par exemple, l’organisation de rencontres politiques de haut niveau de gouvernement à gouvernement. En outre, la création d’un tel poste revêtirait une importance symbolique forte à l’égard de nos partenaires et potentiels clients, en démontrant toute l’importance que notre pays attache à cette question et à la satisfaction de leurs demandes. »

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