Le mariage entre Nexter et Krauss-Maffei Wegmann suspendu à la politique allemande en matière de vente d’armes

En juillet, Nexter et Krauss-Maffei Wegmann (KMW), deux spécialistes de l’armement terrestre, ont annoncé leur intention de fusionner d’ici avril 2015. La nouvelle structure ainsi créée sera un leader européen du secteur, avec un chiffre d’affaires estimé à 1,7 milliards d’euros.

Pour le moment, Nexter Systems SA appartient totalement à Giat Industries, qui est une société publique tandis que Krauss-Maffei Wegmann Gmbh&Co. KG est la propriété, à 100%, de la famille Bode-Wegmann, via le groupe Wegmann Gmbh&Co. Aussi, l’opération prévoit que les actionnaires des deux groupes mettent leurs actions dans une holding, installée aux Pays-Bas, et dont le capital sera détenu à 50-50 par chacune des parties.

Mais pour que ce mariage devienne effectif, il reste beaucoup d’obstables à surmonter. « Les discussions entre Nexter et KMW ont actuellement lieu. Elles sont un peu compliquées, du fait d’une compétition sur certains carnets de commandes. La doctrine est claire : on doit être à 50-50 à l’arrivée. Il faudra faire en sorte que ce soit le cas. On y parviendra; pour ce faire, on réalisera les ajustements de trésorerie nécessaires dans les deux camps », expliquait Laurent Collet-Billon, le délégué général à l’armement (DGA), lors d’un audition au Sénat, en octobre.

Mais là n’est pas le plus difficile… Car ce projet ne suscite pas un grand enthousiasme à Berlin, où l’on aurait préféré un rapprochement entre Krauss-Maffei Wegmann et Rheinmetall. En outre, la politique très restrictive en matière d’exportation d’armements que veut mener Sigmar Gabriel, le ministre allemand de l’Économie, pose un gros problème.

Déjà, cette dernière, qui ne respecte pas l’esprit des accords Debré-Schmidt de 1971 et 1972, contrarie certains industriels français qui, utilisant des composants fabriqués en Allemagne, attendent les autorisations nécessaires pour honorer les commandes reçues de pays du Moyen Orient. Or, pour Sigmar Gabriel, les ventes d’armes doivent se limiter aux pays alliés (Union européenne et Otan). Et uniquement à eux.

Aussi, pour le ministre français de l’Économie, Emmanuel Macron, qui a évoqué son projet de loi « pour la croissance et l’activité », dont un article permet justement de lancer le mariage entre Nexter et Krauss-Maffei Wegmann, l’intransigeance affichée de son homologe allemand pourrait faire capoter le projet.

« Je suis parfaitement conscient des reticences de Sigmar Gabriel sur le sujet des exports d’armement », a-t-il dit aux députés. « Nous sommes en discussion au niveau politique et technique pour trouver des réponses à ce sujet », a-t-il poursuivi. Mais, a-t-il ajouté, « si aujourd’hui les Allemands ne changent pas leur repli même en deçà des textes des accords Debré-Schmidt, nous aurions un problème non seulement pour ce rapprochement (entre Nexter et KMW) mais aussi pour certaines activités d’EADS ».

Et M. Macron d’insister : « On n’ira pas plus loin dans cette aventure si on n’a pas purgé ce sujet » avec le gouvernement allemand.

En septembre, le Pdg de Krauss-Maffei Wegmann, Frank Haun, avait tiré à boulets rouges sur les autorités allemandes. « Parfois, je pense que la plus grande faveur que nous pourrions faire pour les Français et les Allemands serait de fermer KMW en Allemagne et de déplacer ses activités vers la France » car « à Berlin, nous sommes traités comme la maîtresse des politiques : tout le monde a besoin de ce que nous offrons mais personne ne veut être vu avec nous en public (…) Paris a une attitude détendue à l’égard des ‘maîtresses’ comme nous. Nous y serions accueillis à bras ouvert », avait-il affirmé.

Toutefois, M. Gabriel sait se montrer conciliant. Début octobre, le quotidien Süddeutsche Zeitung révélait que Berlin avait autorisé l’exportation de véhicules blindés Dingo et Fennek vers… le Qatar. Cette information fut ensuite confirmée par Reuters.

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