Ceux de 14 (5) : Les « Petites Curie » montent au front pour sauver la vie des soldats blessés

curie-20141111

Née Maria Salomea Skłodowska, le 7 novembre 1867 à Varsovie, Marie Curie est arrivée à Paris à l’âge de 24 ans pour étudier la physique. Elle deviendra la première femme à obtenir deux Prix Nobel. Le premier, qu’elle partage avec son mari, Pierre Curie, et Henri Becquerel, lui sera décerné en 1903 pour ses travaux sur la radioactivité. Le second lui sera attribué en 1911, pour la découverte du radium et du polonium.

Quand éclate la Première Guerre Mondiale, Marie Curie, naturalisée française, a une réputation scientifique solidement établie, bien qu’écornée par une partie de la presse parisienne. Elle aurait pu se tenir à l’écart du conflit… Qui aurait pu lui en tenir rigueur? Au contraire, elle y prendra une part active…

Au début de la guerre, il n’était pas question pour l’état-major de s’encombrer de structures médicales lourdes au plus près des zones de combat. Et pour cause! Le mot d’ordre était alors « l’offensive à outrance » et, donc, au mouvement. Pour les blessés, il était prévu un traitement sommaire avant de les évacuer vers l’arrière pour les faire soigner dans les hôpitaux après les avoir triés en fonction de la gravité de leur cas. Seulement, l’on n’avait pas suffisamment pris en compte les blessures causées par certaines armes, comme les mitrailleuses, les éclats d’obus et les schrapnels. La stabilisation du front, à partir de l’automne 1914, permit de revoir cette organisation. Et ce fut donc là que Marie Curie joua un rôle.

De par ses travaux, la physicienne connaissait parfaitement l’utilisation que l’on pouvait faire des rayons X en médecine. Mais, en 1914, la radiologie est une discipline qui émerge à peine en France, où l’on ne compte seulement qu’environ 170 spécalistes, dont 1 seul médecin militaire.

Pourtant, les systèmes radiologiques pouvaient être fort utiles aux chirurgiens devant opérer des soldats blessés, dans la mesure où ils permettaient d’affiner leurs diagnostics en localisant précisément les éclats d’obus dans les corps de leurs patients. L’enjeu était alors d’apporter ces matériels au plus près de la ligne de front, afin de prendre en charge le plus rapidement possible les soldats blessés. Bien évidemment, il n’était pas question de systèmes fixes… D’où l’idée de disposer de moyens mobiles.

Pour être précis, le médecin-major Lamoureux, de la 7e sous-direction du ministère de la Guerre, avait chargé Antoine Béclère, Paul Aubourg et Georges Haret d’imaginer des automobiles dotées de matériels radiologiques dès le 6 août 1914. Mais Marie Curie prit elle-même les devants, quitte à rencontrer l’opposition de l’armée, qui ne voyait pas forcément d’un bon oeil la présence de civils aussi près de la ligne de front.

Mais il en fallait plus pour décourager la scientifique. Après avoir remué ciel et terre, suivi des cours accélérés d’anatomie et soins infirmiers, elle fut autorisée à se déplacer dans les zones de combat. Et, en appelant au patriotisme des uns et des autres, elle réussit à réunir des automobiles, qu’elle fit équiper d’unités mobiles de rayons X acquises en Espagne. Fin octobre 1914, les « Petites Curie » étaient bonnes pour le service. Et, le 1er novembre, Marie Curie et sa fille, Irène, alors âgée de 17 ans, commencèrent leur travail.

Si, au départ, l’initiative fut accueillie non sans réticences par les médecins militaires, l’apport des « Petites Curie » au profit des blessés changea les mentalités… Tant est si bien qu’à la fin de la guerre, 1,1 million de radiographies furent réalisées, ce qui donne une idée du nombre de vies qui purent être sauvées…

Outre les Petites Curies, à partir de 1916, Marie Curie s’était également impliqué dans la formation du personnel nécessaire pour manipuler ces matériels… Près de 150 femmes, pour certaines infirmières, mais en grande majorité sans qualification, suivirent les cours qu’elle donna à l’Institut du Radium.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, le gouvernement français ne jugea pas opportun de manifester officiellement sa reconnaissance à l’égard de Marie Curie, qui, dans un courrier adressé à Paul Langevin, en janvier 1915, écrivait : « Je suis déterminée à mettre toutes mes forces au service de mon pays d’adoption, maintenant que je ne peux plus rien faire pour mon malhueureux pays natal ».

Photo : Marie Curie, au volant d’une « Petite Curie »

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]