La Russie annonce la livraison du BPC « Vladivostok » pour le 14 novembre, à Saint-Nazaire

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Marcher sur des oeufs en tirant la charge d’un  boeuf… Voilà comme on pourrait résumer l’affaire de la livraison du premier des deux Bâtiments de projection et de commandement (BPC) commandés en 2011 par Moscou pour 1,2 milliard d’euros… Et c’est pourquoi les autorités françaises tergiversent sur ce dossier, en espérant une « désescalade » de la situation dans l’est de l’Ukraine, où la Russie est accusée de soutenir les séparatistes qui défient l’autorité de Kiev.

Suite à l’annexion de la Crimée, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, avait un peu trop vite évoque une annulation du contrat portant sur les deux 2 BPC, avant de se raviser par la suite. Puis, son homologue à la Défense, Jean-Yves Le Drian, temporisa en indiquant que la décision de livrer ou non le premier navire, le Vladivostok, assemblé à Saint-Nazaire par le chantier naval STX France, allait être prise en octobre, en fonction de l’attitude russe dans l’est de l’Ukraine.

De son côté, l’Union européenne prit des sanctions contre Moscou, justement pour son rôle dans les affaires ukrainiennes. Mais la décision de l’UE ne concernait pas la livraison du premier BPC, contre laquelle plusieurs pays membres de l’Otan sont vent debout, comme les États-Unis (qui, dès 2010, avaient affirmé leur opposition à ce contrat), l’Allemagne, la Pologne ou encore les pays baltes.

Juste avant le dernier sommet de l’Otan, en septembre, le président Hollande annonça la suspension du contrat Mistral étant donné que les conditions pour la livraison du premier navire n’étaient pas « réunies ». Puis, quelques heures plus tard, il apporta quelques précisions. « J’ai posé deux conditions pour cette livraison : un cessez-le-feu effectif et un accord de règlement politique suffisamment avancé. Je prendrais donc ma décision à la fin du mois d’octobre en fonction de cette situation », avait-il affirmé. Dans le même temps, les 400 marins russes arrivés au cours de l’été à Saint-Nazaire continuaient de se former à la manoeuvre du Vladivostok.

Dans cette affaire, Paris semble attendre le moment opportun pour livrer le premier BPC. D’où la date butoir de la décision sans cesse retardée… Car, désormais, il est question de la mi-novembre. En football, cela s’appelle « jouer la montre ».

« Le président de la République rendra sa décision courant du mois de novembre, qui est la date prévue », a ainsi affirmé l’entourage du ministre de la Défense, le 28 octobre, en marge d’une visite au salon Euronaval. Sauf que, les chances pour que les conditions soient réunies pour décider de la livraison du Vladivostok sont minces.

Certes, depuis le 5 septembre, un cessez-le-feu a été conclu entre Kiev et les séparatistes. Mais il n’existe que sur le papier étant donné qu’il est violé régulièrement.

Certes, un accord a été trouvé avec Moscou pour la surveillance de la frontière ukrainienne. Mais l’Otan lui a de nouveau adressé un appel à retirer ses forces qui y sont stationnées. « La Russie viole toujours la loi internationale ainsi que la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine en maintenant des forces russes dans l’est du pays », a ainsi affirmé Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Alliance atlantique, le 24 octobre, lors d’une visite au quartier général des forces alliées en Europe (Shape) à Mons (Belgique).

Et le commandant suprême allié en Europe (SACEUR), le général américain Philip Breedlove a même assuré qu’une « force de bonne taille de l’armée russe se trouve toujours » à la frontière russo-ukrainienne. « Nous voyons certains éléments se préparer à partir, a-t-il dit, mais la force qui reste et qui ne montre aucune indication de départ dispose de capacités » d’intervention. Et d’ajouter : « À l’intérieur du pays, le nombre de soldats russes a baissé, a répété le général Breedlove. Mais ne nous y trompons pas, il reste des forces russes dans l’est de l’Ukraine et il s’agit d’éléments qui sont là en particulier pour rester en contact avec les séparatistes et les soutenir ».

Certes, la Russie ou a dit accepter le résultat des élections législatives ukrainiennes, qui ont donné un avantage conséquent aux parti pro-occidentaux. Mais c’était pour mieux indiquer après qu’elle reconnaîtra les scrutins législatifs et présidentiels organisés le 2 novembre par les séparatistes dans l’est de l’Ukraine… Ce qui a jeté un certain froid et conduit l’UE à maintenir ses sanctions à l’égard de Moscou.

Alors, dans ces conditions, quelle sera la décision que prendra le président Hollande? Si elle est négative, elle ne devrait pas remettre en cause d’autres contrats d’armement négociés avec des industriels français étant donné que de telles ventes se font dans le cadre d’un dialogue politique, militaire et stratégique, avec le tout dans une relation de confiance réciproque. En revanche, elle aurait immanquablement des conséquences financières puisqu’il faudra alors rembourser la Russie et lui payer probablement des dommages et intérêts (il est question d’un milliard…), à moins qu’un tribunal arbitral international en décide autrement. Et au vu du contexte économique, la France pourrait très bien s’en passer. Toutefois, elle pourrait ouvrir d’autres marchés, notamment en Pologne.

Toutefois, tout se passe comme si la livraison allait bien avoir lieu le 14 novembre prochain. La preuve avec la lettre à l’en-tête de DCNS que vient de publier Dmitri Rogozine, vice-Premier ministre chargé du complexe militaro-industriel russe, sur son compte Twitter. « Rosoboronexport [ndlr, l’agence chargé de la commercialisation des armes russes] a reçu une invitation pour le 14 novembre à Saint-Nazaire où se trouvent 360 marins russes (…) pour la remise à la Russie du premier navire ‘Vladivostok’ et la mise à l’eau du second », a-t-il écrit.

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