Le surcoût prévisionnel des opérations extérieures estimée à 1,128 milliard d’euros pour 2014

Chaque année, c’est la même chose : en fin d’exercice budgétaire, la question du financement des opérations extérieures, dont le montant a été, comme d’habitude, sous évalué en loi de finances initiale, se pose. Qui va payer?

Pour l’année 2014, et selon le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, « le surcoût prévisionnel total pour l’ensemble des théâtres est estimé à 1,128 milliard d’euros », alors que le budget des armées tablait sur 450 millions.

Le surcoût des opérations extérieures couvre toutes les dépenses qui n’auraient pas été faites en temps normal, c’est à dire tout ce qui concerne la consommation des munitions, les primes des militaires engagés, le carburant supplémentaire et le transport. Curieusement, l’attrition des matériels n’est pas prise en compte, comme l’a indiqué le ministre.

Sur le 1,128 milliard avancé par le ministre, les opérations dans la bande sahélo-saharienne (Serval puis Barkhane) représentent 487 millions d’euros. L’intervention en Centrafrique (Sangaris) devrait coûter 249 millions. Et c’est sans compter sur la participation française à la coalition anti-Daesh emmenée par les États-Unis (Chammal) ou encore à la contribution de Paris à la Force interimaire des Nations unies au Liban (Finul).

Et encore, la facture aurait pu être plus lourde si certaines interventions n’avaient pas été terminées ou réduites. « Nous avons mis fin à l’opération Kosovo. Nous nous sommes quasiment désengagés de l’Afghanistan : à la fin de l’année, il nous restera une cinquantaine de militaires uniquement affectés à l’application du traité franco-afghan et nous ne participons pas à la nouvelle mission de l’ONU Resolute Support. Nous avons réduit notre part dans l’opération Atalante puisqu’elle a donné des résultats. Nous avons prépositionné des forces qui étaient, auparavant, des forces OPEX – c’est le cas pour la Côte d’Ivoire : l’opération Licorne étant terminée, une base opérationnelle avancée a été installée à Abidjan », a ainsi rappelé M. Le Drian.

« Au regard de la dotation de 450 millions d’euros prévus par la loi de finances initiale, le différentiel s’élève à 624 millions d’euros », a encore ajouté le ministre (l’écart de 54 millions d’euros doit s’expliquer par un financement européen ou de l’ONU). Aussi, il faudra bien trouver cette somme pour boucler la fin de l’année.

Pour cela, et comme les années précédentes, il sera fait appel à la réserve de précaution interministérielle, à laquelle les armées contribuent à hauteur de 20%. Aussi, elles devraient se voir annuler 124,8 millions d’euros de crédits. Et c’est un minimum car il n’est pas exclu que, comme l’an passen 2013, le collectif budgétaire de fin d’année, soit sollicité pour financer d’autres dépenses qui avaient été mal évaluées.

Lors de ses échanges avec les parlementaires, M. Le Drian est souvent interpellé sur la raison pour laquelle les crédits pour financer les surcoûts des opérations extérieures sont passés de 630 à 450 millions d’euros à la faveur de la dernière Loi de programmation militaire (LPM). « Ce montant est plus sécurisant pour le budget de la défense que s’il était plus élevé », répond-il, invariablement.

Et il a raison. Prenons par exemple des surcoûts opex d’un montant de 1 milliard d’euros. Le ministère de la Défense prend à sa charge 450 millions et 20% de la différence, soit 110 millions. Au total; il devra débourser 560 millions. Si la provision « opex » était restée au même niveau, la différence à combler aurait été de 370 millions. Et la facture qu’il aurait dû payer s’éleverait à 704 millions. Aussi, il faudrait aller encore plus loin.

Quand les armées interviennent sur un théâtre extérieur, elles le font au nom de la France. Par conséquent, pourquoi le ministère de la Défense devrait en supporter le coût le plus important? Quand, par exemple, un salarié lambda est envoyé en mission par son entreprise, il n’y va pas avec ses deniers personnels (son salaire). Ses frais sont intégralement pris en charge et s’il utilise son véhicule personnel, il aura même droit à une indemnité kilométrique…

Aux États-Unis, le Pentagone ne règle pas la facture des interventions militaires que le pouvoir politique lui demande de faire. Pour cela, un budget spécial est prévu (OCO, Overseas Contingency Operations), dont le montant est discuté chaque année en fonction des besoins de l’armée américaine (qui, au passage, n’hésite pas à avoir la main lourde).

On gagnerait sans doute à en faire autant en France, tout en évaluant au mieux – comme le demande, d’ailleurs, la Cour des comptes – le surcoût des opérations extérieures, et en y faisant contribuer tous les ministères en fonction de leur poids respectif (celui de la Défense compris). Cela éviterait de piocher dans les crédits d’équipement des armées en fin d’exercice tout en leur donnant plus de latitude et les opérations militaires françaises seraient ainsi mieux supportées par la Nation. En outre, cette démarche serait plus sincère. Quelle crédibilité peut-on accorder à un budget qui ne repose pas sur des hypothèses réalistes? Il paraît que la Commission européenne se le demande en ce moment…

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