Relever le moral des troupes est un enjeu capital pour le chef d’état-major de l’armée de Terre

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Le général Jean-Pierre Bosser, le chef d’état-major de l’armée de Terre, s’est dit « frappé par l’écart énorme qui existe entre le moral qu’ont nos hommes lorsqu’ils sont en opérations extérieures et celui qu’ils affichent en métropole ». Aussi, comme il l’a affirmé lors de son audition devant les députés de la Commission de la Défense, l’une de ses « ambitions majeures » consistera à « réduire cet écart par tous les moyens en (sa) possession ».

Cette dégradation du moral n’est pas nouvelle, comme l’a admis le CEMAT en parlant de « lente érosion, qui se confirme d’année en année » et « tient d’abord au manque de visibilité sur l’avenir, imputable à l’empilement des réformes comme à la dégradation des conditions de vie et d’exercice du métier ». Seulement, le CEMAT n’a pas tous les leviers en main pour agir…

Ainsi en est-il de Louvois (Logiciel unique à vocation interarmées de la solde). Géré comme un programme d’armement, son successeur de ne sera pas disponible avant fin 2015. En attendant, ce système informatique de paiement des soldes, devenu fou, continue à faire des siennes, avec des effets « destructeurs ».

« Les dysfonctionnements du logiciel LOUVOIS ont touché 59 000 militaires de l’armée de terre, autrement dit un ‘terrien’ sur deux, et parfois plusieurs fois durant la même année. On imagine les dégâts causés sur le plan du moral et de la confiance dans l’administration. Les difficultés familiales engendrent des situations de stress prononcé, surtout quand le militaire, engagé dans une OPEX, est éloigné de sa base arrière », a expliqué le général Bosser, qui n’a pas la main sur ce dossier, même si le centre expert des ressources humaines et de la solde (CERHS) de la direction des ressources humaines de l’armée de Terre est mobilisée.

Pour le moment, la seule chose à faire est de régler les probèmes quand ils arrivent. « À chaque dysfonctionnement, on essaie de corriger les erreurs par des ‘patchs’, mais nous n’obtenons pas pour autant une amélioration sensible de la situation », a affirmé le CEMAT.

« Je précise que si les moins-perçus ne sont jamais agréables, les trop-perçus créent des situations très difficiles à régler notamment avec toutes les complications fiscales que cela implique. Bref, si les moins-perçus sont inacceptables, les trop-perçus nous mettent vis-à-vis de nos hommes dans une situation intenable. Moi qui fais partie d’une génération où les chefs aidaient autrefois certains de leurs subordonnés à tenir leurs comptes bancaires, je constate que nous en sommes presque revenus, bien malgré nous, à cette pratique – ce qui me conforte dans l’idée que la solde est, au même titre que les ressources humaines, une affaire de commandement », a encore fait valoir le général Bosser.

Une autre cause de la dégradation du moral des militaires de l’armée de Terre est liée à leurs conditions de travail.  « L’état de l’infrastructure illustre parfaitement les difficultés que rencontrent nos hommes. Le soldat de l’armée de terre vit au quotidien, jour et nuit, en caserne. Le quartier constitue son environnement, sa maison, sa chambre. Or les crédits d’entretien et de maintenance ont baissé ces quatre dernières années, pour atteindre aujourd’hui le seuil d’un euro par mètre carré… », a déploré le CEMAT.

Avec les difficultés au niveau du soutien, des insfractructures et du paiement des soldes, le moral ne peut être que « fragilisé » et cela « cristallise » un « ressentiment contre la réforme », a estimé le général Bosser. Cela dit, les restructurations successives n’aident pas non plus, avec 22.000 postes supprimés dans l’armée de Terre entre 2009 et 2013, avec la dissolution de  21 régiments et de 7 états-majors opérationnels. Et ce n’est pas fini!

Ainsi, en 2015, l’armée de Terre devra encore rendre 4.000 postes sur les 7.500 que le ministère de la Défense aura à supprimer. Même chose pour les années suivantes, jusqu’en 2018. « L’objectif de dépyramidage, qui touche prioritairement les officiers, se heurte à des questions d’acceptabilité et de faisabilité. Beaucoup de départs anticipés ayant été sollicités ces dernières années, il ne reste plus guère de réserve pour réaliser nos objectifs, d’autant que les officiers jouent un rôle moteur dans l’acceptation de la réforme par leurs hommes », a affirmé le général Bosser.

« Ne vivant pas bien le présent et ne pouvant se projeter dans l’avenir, nos soldats doutent de la pertinence des réformes, qui leur semblent imposées par un mode technocratique et dictées par des enjeux économiques de court terme. Ils s’interrogent sur leur devenir professionnel, personnel et familial, faute de posséder une vision pluriannuelle du volume de déflation », a détaillé le CEMAT.

Alors, comment va-t-il s’y prendre pour améliorer ce moral, face à ces tendances lourdes? « Nous devons redonner un peu d’horizon à nos gens, peut-être les rassurer sur leur avenir professionnel, leur maison, le travail de leur conjoint. Si nous parvenons à faire baisser la pression qui pèse sur eux, peut-être attacheront-ils moins d’importance aux difficultés du quotidien », a indiqué le Général Bosser.

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