Le « dépyramidage » des forces armées va-t-il trop loin?

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Entre 2008 et 2011, et avec la suppression de 23.000 postes au cours de cette période, le ministère de la Défense comptait réaliser 1,1 milliard d’euros au total. Pas de chance, sa masse salariale a au contraire augmenté de 1 milliard. En cause, selon la Cour des comptes : un taux d’encadrement trop élevé par rapport au format forcément rétréci des armées. Mais ce n’était pas la seule raison.

En 2012, les dysfonctionnements du système Louvois (Logiciel unique à vocation interarmées de la solde) ont également fait grimper la note, au point qu’il avait fallu, en fin d’exercice, voter une rallonge budgétaire de 476 millions d’euros, dont 204 millions afin de payer les soldes des militaires pour le mois de décembre de cette année-là.

En outre, un autre fait, pas assez évoqué, peut expliquer cette hausse de la masse salariale. Il avait pourtant été rappelé, en novembre 2013, au Sénat, par le général Ract-Madoux, l’ancien chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT) que le ministère de la Défense doit désormais payer « le chômage des militaires » renvoyés à la vie civile. Ce qui limite tout de même les économies attendus avec la déflation des effectifs…

Cela étant, des mesures de « dépyramidage » furent prises, avec notamment le gel des tableaux d’avancement et des incitations au départ pour les officiers et les sous-officiers supérieurs. Lors des discussions portant sur la dernière Loi de programmation militaire (LPM), la nécessité de réduire l’encadrement au sein des forces armées fut mise en avant.

Seulement, ce « dépyramidage » n’est pas sans poser de problèmes, au point que l’on peut se demander s’il concerne bel et bien les personnels concernés…  En effet, toujours selon l’ancien CEMAT, qui s’en était expliqué devant la commission « Défense » de l’Assemblée nationale en octobre 2013, le taux d’encadrement de l’armée de Terre était alors de 12% (contre 14% pour l’US Army et la British Army) et sa masse salariale avait diminué de 10% entre 2010 et 2012 pendant que celle du ministère de la Défense augmentait.

« Au sein du ministère, entre 2008 et 2013, le nombre d’officiers a diminué de l’ordre de 5% tandis que celui du personnel civil de catégorie A a augmenté d’environ 25% « , avait-il affirmé, en estimant « déraisonnables au regard des effets déstructurants dont ils sont porteurs » les nouveaux efforts qui étaient demandés en la matière à l’armée de Terre.

À l’occasion de la présentation du rapport d’information sur le contrôle et l’exécution des crédits de la Défense pour l’exercice 2013 devant la commission de la Défense, le député Philippe Vitel, co-auteur de ce document, a admis que, au niveau des effectifs des officiers, que la « réduction drastrique » qui  » a été engagée (…) pose un certain nombre de problèmes aux états-majors des armées, en particulier de l’armée de l’Air et de l’armée de Terre ».

« Aujourd’hui, l’objectif fixé est de 16 % d’officiers; l’armée de terre est à 12 % et on lui demande de faire encore des efforts », a souligné le parlementaire. Et, a-t-il poursuivi, « le chef d’état-major de l’armée de l’air nous a expliqué avoir dû renoncer à certains entraînements pour des raisons financières mais aussi par manque d’officiers disponibles pour y participer ».

Le député Philippe Vitel n’a pas parlé de la Marine nationale mais le sujet est tout aussi délicat, son chef d’état-major, l’amiral Bernard Rogel, ayant évoqué, l’an passé, une « manoeuvre » sur la gestion des effectifs qui « n’a rien d’évident ». Et pour cause, la Royale compte des spécialités de pointe qui emploient des personnels hautement qualifiés. « Il me faudra donc être très prudent sur cette gestion des flux de recrutement et de départ. La sensibilité aux à-coups pourrait s’accroître. », avait-il insisté.

Un constat qui n’a pas pris une ride et auquel souscrit Philippe Vitel. « Il faut donc être très prudent dans la conduite de ce dépyramidage pour ne pas déstabiliser totalement l’armée professionnelle qui a été mise en place », a-t-il estimé.

Photo : (c) Armée de Terre

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