Pour la Cour des comptes, la disponibilité des matériels militaires reste insuffisante

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Au début des années 2000, il avait été constaté une chute du taux de disponibilité des matériels majeurs mis en oeuvre par les forces armées françaises. Ainsi, et pour ne prendre qu’un exemple, la disponibilité technique opérationnelle (DTO) des hélicoptères d’attaque Gazelle, de l’Aviation légère de l’armée de Terre (ALAT) était passée de 70% en 2001 à seulement 40% en 2002.

Plusieurs explications furent alors avancées : l’âge des matériels en service, leur utilisation intensive lors d’opérations extérieures, les difficultés à s’approvisionner en pièces détachées, le manque de crédits, l’évolution des arsenaux en sociétés anonymes (l’AMX devenant Giat Industries puis Nexter, la Direction des constructions navales connue maintenant sous le nom de DCNS) ou encore une organisation du Maintien en condition opérationnelle (MCO) devenue inadaptée après la chute de l’URSS et, d’une certaine manière, la suspension de la conscription.

Depuis, le ministère de la Défense a revu en profondeur l’organisation du MCO, avec la création de la SIMMAD (Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense) et du Service industriel de l’aéronautique (SIAé) pour les aéronefs. Le même schéma a été appliqué pour les matériels terrestre, avec la SIMMT et le SMITer (Service de la maintenance industrielle terrestre) ainsi que pour les navires, avec Service de soutien de la flotte (SSF) et le Service logistique de la marine (SLM).

Quant aux crédits affectés au MCO, ils ont progressé de 22% entre 2000 et 2012 en euros constants, pour atteindre 6 milliards d’euros, soit 15% du budget de la Défense. Cette somme comprend les dépenses d’Entretien programmé des matériels (EPM), c’est à dire les prestations industrielles et les pièces de rechange (plus de 50%), la masse salariale (45.000 agents, 40%) et les investissements concernant les infrastructures et leur entretien (moins de 5%).

Seulement, cette hausse des crédits est à relativiser dans la mesure où les dépenses d’EPM augmentent plus vite que l’inflation (+7% en euros constants entre 2011 et 2013). Et le budget de la Défense est resté au même niveau qui était le sien depuis maintenant 3 ans, à 31,4 milliards d’euros (avant annulation de crédits en fin d’exercice).

En outre, la notion de DTO varie selon les armées. Pour l’armée de Terre, il s’agit d’une variable permettant de connaître, au jour le jour, le nombre de véhicules aptes à être engagés dans une opération. La Marine nationale distingue la disponibilité technique (capacité à naviguer) de la disponibilité technique opérationnelle, fonction des capacités d’un bâtiment en fonction de la mission qu’il a à effectuer.

Enfin, pour l’armée de l’Air, la disponibilité technique opérationnelle correspond au ratio des aéronefs disponibles par rapport à ceux nécessaires pour répondre à l’héypothèse la plus exigeante du contrat opérationnel.

En outre, pour remédier aux problèmes de maintenance, le concept visant à disposer du meilleur taux de disponibilité au bon endroit et au bon moment (c’est à dire en opérations) a été mis en avant. Pour l’armée de Terre, cela s’est traduit, à partir de 2008, part la mise en place d’une politique d’emploi de gestion de parcs (PEGP), avec une gestion en « pool » des matériels avec 4 niveaux : Parc d’alerte (PA) pour le dispositif GUEPARD, Parc de service permanent (PSP) au niveau du régiment, destiné à assurer la préparation opérationnelle, le Parc d’entraînement (PE) et le Parc de gestion (PG).

Après la mise en place de ces réformes et la hausse des crédits de MCO, la disponibilité des matériels a-t-elle progressé significativement? Pas assez, répond la Cour des comptes, dans un rapport qu’elle a publié le 29 septembre. Ainsi, relève-t-elle, le taux de disponibilité des avions de transport C-130 Hercules n’était que de 39% au premier semestre 2013, tandis que celui des Super Étendard de la Marine nationale atteignait que 31%. Plus faible encore, celui des hélicoptères d’attaque Tigre, avec 22%.

Seulement, ces faibles taux de disponibilité peuvent s’expliquer par un engagement intensif sur des théâtres d’opérations extérieurs. C’est le cas des hélicoptères Tigre, par exemple, dont certains ont subi de lourds dommages, ce qui implique de longues immobilisations chez les industriels pour les remettre en état. Une autre raison tient aux faibles stocks de pièces de rechange, suite à des restrictions budgétaires décidées en 2009.

S’agissant des aéronefs, la Cour des comptes souligne que les « taux de disponibilité observés (…) en 2013 rappellent ceux observés » dans un rapport publié en 2004. « La disponibilité des matériels majeurs de l’armée de l’Air était passée de 65% en 1997 à 56% en 2000. Après un net redressement et une disponibilité du par aérien de la Défense qui a atteint en 2005 63,5%, la dégradation a repris et touche les trois armées, tant pour les matériels récents que pour les matériels anciens », affirme-t-elle.

Pour les navires de la Marine nationale, la situation s’améliore depuis 2004. Mais les « objectifs visant à tenir 100 jours de mer pour l’ensemble des bâtiments de plus de 1.000 tonnes ne sont pas atteints » puisque les « données 202 font apparaître 89 jours de mer pour l’ensemble de la flotte et 98 jours pour les bâtiments de plus de 1.000 tonnes », constate la Cour des comptes.

Quant à l’armée de Terre, la situation est contrastée : la disponibilité des matériels récents (VBCI, Caesar) est satisfaisante, avec ces taux avoisinant les 80% tandis que celle des véhicules anciens (VAB, AMX-10 RC) sont nettement moindre (et elles varient d’une année sur l’autre de 6 à 7%). Et le problème est que, justement, les seconds sont encore plus nombreux que les premiers!

Pour améliorer la disponibilité des matériels utilisés par les armées, les magistrats de la rue Cambon proposent plusieurs mesures, certaines étant très techniques. L’un d’entre elles est cependant simple : il s’agirait de réduire le nombre de sites liés à la MCO tout en densifiant et en spécialisant ceux qui resteraient. Et sur ces derniers, il faudrait « assurer le renouvellement de compétence des personnels civils là où le besoin est avéré par le recours à des personnels contractuels qualifiés ».

Enfin, la Cour des comptes préconise de « fiabiliser les données relatives au coût complet, aux effectifs et la dépense budgétaire du MCO en déployant des comptabilités analytiques adaptées, (…) de prendre davantage en compte le MCO dès la phase de conception des matériels, d’améliorer l’enchaînement entre les contrats de maintenance initiale et en service, d’harmoniser les règles de maintenance entre les différentes armées, de mieux contractualiser avec les industriels, en les mettant davantage en concurrence, en regroupant les achats de prestations ou de pièces détachées et en appliquant une politique de pénalités plus exigeante et d’améliorer la capacité de négociation de l’État auprès des industriels, notamment en renforçant les prérogatives des enquêteurs de coûts sur les marchés monopolistiques ».

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