Parlement : Le débat sur l’intervention en Irak soulève la question du niveau du budget des armées

En juin dernier, le ministère de la Défense a dû consentir à une annulation de 350 millions d’euros de crédits dans le cadre de la dernière loi de finances rectificative. Ce montant est venu s’ajouter au 650 autres millions annulés en novembre dernier en fin d’exercice 2013. En théorie, des recettes exceptionnelles (REX), prélevées sur le Programme des investissements d’avenir (PIA) doivent compenser ces coupes. Seulement, des problèmes juridiques compliquent cette opération. Il était question d’un changement de statut de la Direction générale de l’armement (DGA) pour lui permettre d’être éligible à ces crédits. Mais depuis juillet, ce projet ne donne plus signe de vie.

La fin de cette année s’annonce compliquée pour le budget des armées. Il est acquis que les surcoûts liés aux opérations extérieures (opex) dépasseront les 450 millions d’euros initialement prévus, ce qui obligera à recourir à la réserve de précaution ministérielle, à laquelle la Défense contribue à hauteur de 20%. Et puis, la situation des finances publiques n’est pas mirobolante (les recettes fiscales sont moindres que prévues… sans doute faudra-t-il se pencher sérieusement, en France, sur les travaux d’Arthur Laffer…). Qui plus est, le report de charges atteint un niveau préoccupant au point d’en devenir une « bombe à retardement » pour l’Hôtel de Brienne.

Pour 2015, ce sera encore plus compliqué : les REX attendues de la vente de fréquences hertziennes (1,5 milliard) ne seront pas au rendez-vous : ce n’est plus une hypothèse, c’est une certitude. Et le plus grave est que cela était prévisible! En clair, la trajectoire financière définie par la dernière Loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019 sera fortement compromise.

En attendant, à l’occasion du débat sur l’intevention française en Irak, plusieurs parlementaires ont exprimé leur inquiétude sur l’évolution du budget de la Défense, alors que le contexte international est explosif, que ce soit en Ukraine, en Centrafrique, en Irak ou encore en Libye. Et dire que, à la chute du mur de Berlin, il était question de « dividendes de la paix ». Si le monde était celui des Télétubbies, tout serait plus facile.

Ainsi, Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la Défense nationale, a rappelé qu' »en 10 ans, le budget de la défense a diminué de 20% », avant d’estimer que « nous sommes arrivés au bout de l’exercice » de la maîtrise des dépenses publiques au sein du ministère de la Défense. Et d’ajouter : « Nous sommes, hélas, rattrapés par de sombres réalités ».

« La loi de programmation militaire et l’investissement personnel du ministre de la défense nous permettent de passer un cap difficile, mais ayons conscience que l’augmentation de nos capacités militaires est désormais indispensable en attendant, comme cela a été dit par le ministre lui-même, de pouvoir retrouver meilleure fortune ainsi que les 2 % du PIB », a encore affirmé Mme Adam.

« À l’occasion de la loi de programmation militaire, j’avais tiré le signal d’alarme : malgré le dévouement et le professionnalisme de nos soldats – à qui nous rendons hommage – nos armées peinent à remplir des missions déjà très lourdes. Le budget de nos armées baisse, mais le nombre et le rythme de leurs interventions augmentent », a souligné François Fillon, l’ancien Premier ministre, dont le gouvernement avait décidé la suppression de 54.000 postes au ministère de la Défense.

Au nom du groupe UDI, le député Philippe Vigier s’est demandé si « la France sera en en mesure de continuer à défendre ses valeurs fondamentales que sont la démocratie, la liberté et la lutte contre le terrorisme », avant d’estimer que le « dernier Livre blanc de la défense ainsi que les budgets de 2013 et de 2014 ont mis en lumière l’incohérence entre nos ambitions stratégiques et nos contraintes budgétaires ». Et d’ajouter : « La France ne pourrait supporter une nouvelle diminution de son budget militaire. Il en va non seulement de la sécurité de notre pays et de tous les Français, mais aussi de la grandeur et de l’honneur de la France ».

Visiblement, le Premier ministre, Manuel Valls, semble conscient des enjeux. « Tous ces engagements militaires confirment la nécessité de disposer des ressources adéquates pour notre défense et notre sécurité nationale », a-t-il dit lors de la déclaration préliminaire au débat. En réponse aux orateurs, le chef du gouvernement a estimé que « dans un monde qui change, face à ces pays émergents et ces évolutions démographiques et économiques, l’Europe doit peser partout dans le monde, y compris sur les questions diplomatiques et de défense » et que « c’est l’honneur de la France que de peser et de s’engager, mais il faut que l’Europe agisse dans ce domaine, y compris sur le plan budgétaire, en tenant compte de l’engagement financier des uns et des autres ».

Plus loin, M. Valls a affirmé qu’il ne devait pas « avoir à ce propos le moindre doute » concernant la capacité de la France à » intervenir au Mali, d’être présente en Centrafrique, de remplir ses obligations au Liban et d’intervenir dans le contexte (…) en Irak ». Et d’ajouter : « La question de savoir comment faire encore davantage d’économies budgétaires tout en augmentant le budget de la défense peut donner lieu à un débat noble et démocratique, mais il ne peut y avoir de doute quant à notre capacité à intervenir à l’extérieur et à être au rendez-vous ». Est-ce à dire que le budget des armées sera préservé à la fin de l’exercice 2014, c’est à dire quand les ministères devront mettre la main au pot pour financer les dépenses imprévues?

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