Qui est le groupe terroriste qui a enlevé un guide de montagne français en Kabylie?

Quelques heures, à peine, après la diffusion d’un message du porte-parole de l’État islamique (EI, ou Daesh) appelant au meurtre de ressortissants français et américains, un groupe algérien, appelé Jund al-Khilafah en Algérie (les « soldats du califat »), a revendiqué l’enlèvement d’Hervé Gourdel, un guide de montage originaire de Nice, parti en Kabylie pour un trek d’une dizaine de jours.

Ce guide âgé de 55 ans avait loué un chalet Tikjda, entre Tizi Ouzou et Bouira (120 km à l’est d’Alger), en Kabylie, une région montagneuse et boisée, connue pour être infestée de brigands et de groupes islamistes extrémistes. Il a été kidnappé le 21 septembre au soir, soit avant la diffusion du communiqué de l’EI.

La revendication de cet enlèvement n’a pas tardé. Le 22 septembre, une vidéo montrant l’otage français, encadré par deux hommes masqués et armés, a été diffusée. « Je laisse à Hollande, le président de l’Etat français criminel, le soin d’arrêter les attaques contre l’Etat islamique dans les 24 heures qui suivent la publication de ce communiqué ou son ressortissant Hervé Gourdel sera égorgé », a affirmé l’un d’eux, en référence à l’opération Chammal, lancée par la France le 19 septembre.

« Nous essayons de faire le maximum pour libérer les otages », a répondu Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères. « Mais, a-t-il ajouté, un groupe terroriste ne peut pas infléchir la position de la France (…) Pas question de céder aussi peu que ce soit aux menaces d’un groupe terroriste ».

Le Jund al-Khilafah en Algérie est une entité créée il y a une dizaine de jours. Ce nom peut faire penser à celui de l’organisation qui, installée à la frontière entre le Pakistan et l’Afghanistan, avait revendiqué, en mars 2012, les meurtres commis par Mohamed Merah. Son chef, Moez Garsallaoui, a depuis été tué lors d’un raid aérien. Mais, a priori, il n’y a aucun lien entre les deux : l’on retrouve souvent les mêmes appellations au sein de la mouvance jihadiste (on ne compte plus les Ansar al-Sharia par exemple).

En fait, le Jund al-Khilafah en Algérie est un groupe dissident d’al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), qui a annoncé, le 13 septembre dernier, son allégeance à l’EI, auquel on prête l’intention de s’implanter en Algérie et en Libye.

L’instauration d’un califat à cheval entre la Syrie et l’Irak a fait bouger les lignes chez les jihadistes. Et, visiblement, al-Qaïda est en perte de vitesse. Quant à sa branche maghrébine, elle est traversée par les dissensions. En 2012, l’un de ses cadres, Mokhtar Belmokhtar, l’a quitté pour fonder les « Signataires par le sang » avant de se rapprocher du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest (Mujao) afin de former l’organisation al-Mourabitoune. Est apparu également, dans le même temps, le « Mouvement des fils du Sahara pour la justice », issu lui aussi d’une dissidence d’AQMI. Mais dans un cas comme dans l’autre, il n’était pas question d’une allégeance à l’EI.

Le Jund al-Khilafah en Algérie a donc franchi ce pas, tout comme l’avait fait avant lui Abou Abdallah Othmane El-Acimi, un ex-cadre d’AQMI. L’on ignore exactement quels sont ses moyens et ses effectifs, si ce n’est qu’il se compose, selon ses affirmations, de « cellules dormantes dans le centre de l’Algérie ». Ce groupe est commandé par un certain Abdelmalek el-Gouri, alias Khaled Abou Souleiman.

Cette tendance risque de s’accentuer dans les semaines qui viennent. « Nous savons que des figures influentes de l’organisation qui souhaitent suivre Abou Bakr Al-Baghdadi (ndlr, le chef de l’EI) préfèrent attendre avant de se prononcer, car ils savent que cela fragiliserait la structure », a confié un officier algérien sous couvert de l’anonymat, à Maghrebia.

Cela étant, il y a de quoi être particulièrement inquiet pour le sort d’Hervé Gourdel dans la mesure où le Jund al-Khilafah en Algérie voudra montrer sa détermination et ainsi, asseoir sa crédibilité aux yeux de ses nouveaux chefs.

Plus sur ce sujet : « Je critique pas le côté farce. Mais pour le fair-play, y aurait quand même à dire« , une analyse d’Abou Djaffar

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