À nouveau, Berlin bloque l’exportation de matériels militaires français

La possible annulation de la livraison des deux BPC (Bâtiments de projection et de commandement) de type Mistral à la Russie fait craindre à certains une perte de crédibilité de la France en matière d’exportations de matériels militaires. Certes, l’on pourrait se passer d’en venir là… Mais d’une manière générale, les contrats d’armements sont signés dans le cadre d’une relation de confiance établie au fil du temps avec le pays client.

« Le choix de privilégier le dialogue politique et stratégique afin d’inscrire les accords commerciaux dans une relation plus globale marquée par une confiance réciproque a ainsi permis à la France de renouer avec certains de ses clients historiques », a souligné, cette semaine, Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense.

Donc, que la livraison des 2 BPC se fasse ou pas, l’impact sur la crédibilité de la signature française sera limité. Et cela d’autant plus que d’autres paramètres entrent en ligne de compte, comme la qualité des équipements proposés et la capacité à livrer les clients dans les temps…

Or, d’après des informations de LaTribune.fr et du quotidien Les Échos, Berlin empêcherait depuis le début de cette année la livraison par MBDA de missiles antichars MILAN ER à un pays du Golfe (qui n’a pas été précisé) alors que les postes de tir sont fabriqués en Allemagne. Même chose pour Renault Trucks Defense, qui serait bloqué pour honorer une commande passée par un État du Moyen Orient portant sur le VAB Mark3 (Véhicule de l’avant blindé).

Pourquoi? Parce que le ministre allemand de l’Économie, Sigmar Gabriel, applique une politique restrictive en matière d’exportation de matériels militaires, sauf quand il s’agit de vendre à des pays de l’Union européenne et de l’Otan.

Et, par ricochet, les industriels français, qui ont des programmes en coopération avec leurs homologues d’outre-Rhin, sont concernés dans la mesure où Berlin rechigne à délivrer les licences d’exportations pour les composants allemands

Ce n’est pas la première fois que cela arrive. Fin 2012, le quotidien Les Échos avait révélé que Berlin avait mis les bâtons dans les roues de Nexter en tardant à autoriser la fourniture de châssis Unimog et de moteurs Mercedes 4 cylindres diesel OM 924 destinés à des véhicules blindés Aravis commandés par l’Arabie Saoudite. Le groupe français Lohr était également concerné, lui qui devait aussi livrer à Riyad 15 ambulances et 68 véhicules MPCV de défense aérienne. Cela étant, la situation avait fini par se débloquer.

Pourtant, ces blocages ne devraient pas avoir lieu. Pourquoi? Parce que la France et l’Allemagne sont liées par les accords Debré-Schmidt de 1971 et 1972, toujours en vigueur. Un rapport de l’Assemblée nationale, datant de 2000, leur consacre un chapitre.

Ainsi, l’article 2 précise qu' »aucun des deux gouvernements n’empêchera l’autre gouvernement d’exporter ou de laisser exporter dans des pays tiers des matériels d’armement issus de développement ou de production menés en coopération » et que « chacun des deux gouvernements s’engage à délivrer sans retard et selon les procédures prévues par les lois nationales les autorisations d’exportation nécessaires pour la fourniture de ces composants au pays exportateur ».

Cependant, ces accords autorise des refus mais ils précisent qu’il « ne pourra être fait usage qu’exceptionnellement de la possibilité de refuser l’autorisation d’exporter les composants d’un projet commun ».

« Autrement dit, est-il écrit dans le rapport, en cas de programmes en coopération, chacun des pays producteurs peut conduire de son propre chef l’ensemble des opérations d’exportation, en fonction de sa propre législation et des décisions de ses propres autorités politiques, sauf à ce que l’autre pays n’émette un veto et refuse d’exporter les composants nécessaires au contrat. En cas de veto, le pays refusant doit cependant accepter de permettre au partenaire acceptant de produire lui-même les composants qui font l’objet du refus, de sorte à ce qu’il puisse procéder aux exportations qu’il aura souverainement décidées. »

Un autre sujet de contentieux entre la France et l’Allemagne porte sur le rapprochement de Nexter et Krauss Maffei Wegmann (KMW), annoncé en juillet. Là encore, cette opération ne semble pas avoir les faveurs de Sigmar Gabriel, qui, selon Die Zeit, préférerait une fusion avec Rheinmetall plutôt qu’avec l’industriel français. Et, bien évidemment, il peut user de moyens de pression pour favoriser ce mouvement, via justement les licences d’exportation.

Cependant, Frank Haun, le Pdg de KMW, ne l’entend pas de cette oreille. Dans un récent entretien accordé à DefenseNews, il n’a pas ménagé ses critiques à l’égard des autorités allemandes. « Parfois, je pense que la plus grande faveur que nous pourrions faire pour les Français et les Allemands serait de fermer KMW en Allemagne et de déplacer ses activités vers la France », a-t-il dit. « À Berlin, nous sommes traités comme la maîtresse des politiques : tout le monde a besoin de ce que nous offrons mais personne ne veut être vu avec nous en public (…) Paris a une attitude détendue à l’égard des ‘maîtresses » comme nous. Nous y serions accueiullis à bras ouverts », a-t-il ajouté.

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