Pour la France, il y a aussi urgence à intervenir en Libye

Ce n’est pas la première fois, cette année, que les autorités françaises expriment leurs préoccupations au sujet de la Libye. Depuis la chute du régime incarné par le colonel Kadhafi, le pays peine – et c’est un euphémisme – à retrouver un semblant de normalité.

Les milices révolutionnaires n’ont pas désarmé, malgré les injonctions des nouvelles autorités libyennes, les groupes et jihadistes prolifèrent, il y a un risque de partition (notamment avec la Cyrénaïque), les recettes pétrolières ne rentrent pas dans les caisses de l’État, libéraux et islamistes s’affrontent, que ce soit sur le terrain ou niveau institutionnel. Et les mouvements terroristes – souvent les mêmes qui ont été chassés du Nord-Mali – s’installent dans le sud-libyen.

Au début de l’année, l’amiral Édouard Guillaud, l’ancien chef d’état-major des armées (CEMA), avait parlé d’un « trou noir » au sud de la Libye, susceptible de devenir un « nouveau centre de gravité du terrorisme ». Plus tard, en avril, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, employa l’expression de « nid de vipères » pour qualifier cette région où « les jihadistes reviennent s’approvisionner en armes, recruter, se ressourcer ».

Lors de la XXIIe Conférence des ambassadeurs, en août, le président Hollande a fait affirmé que la Libye était sa « plus grande préoccupation » actuellement… alors que, pourtant, la progression des jihadistes de l’État islamique en Irak et en Syrie constitue une menace majeure.

Car depuis les déclarations de l’amiral Guillaud et de M. Le Drian, les problèmes libyens se sont accentués, avec désormais deux gouvernements et deux Parlements, de violents affrontements armés à Tripoli entre milices islamistes et brigades proches des milieux libéraux, ces dernières ayant été appuyées par des raids aériens menée par une puissance étrangère (les Émirats arabes unis, aidés par l’Égypte, ont été cités ) et une offensive de l’ex-général Haftar contre les groupes jihadistes en Cyrénaïque. Et, pendant ce temps, les organisations terroristes ont toute latitude pour s’installer dans le sud…

Dans un entretien accordé au Figaro, ce 9 septembre, et après avoir rappelé les acquis de l’intervention militaire française au Mali, M. Le Drian a estimé que « la dégradation de la situation sécuritaire en Libye » est de nature à remettre en cause les efforts consentis jusqu’ici contre la mouvance jihadiste.

« Le Sud libyen est une sorte de ‘hub’ où les groupes terroristes viennent s’approvisionner, y compris en armes, et se réorganiser. Leurs principaux chefs, l’émir Droukdel ou Mokhtar Belmokhtar, y transitent régulièrement. Au nord, les centres politiques et économiques du pays sont désormais menacés d’être contrôlés par ces jihadistes. Or la Libye est à la fois la porte de l’Europe et du Sahara », a expliqué M. Le Drian.

En outre, la France a lancé, le 1er août, l’opération Barkhane, dont l’objectif est de traquer les groupes jihadistes dans la bande sahélo-saharienne (BSS). Or, d’après M. Le Drian, ce dispositif militaire français, qui est le « rempart de l’Europe face au jihadisme au Sahel » pourrait être amené à « monter vers la frontière libyenne », le tout « en bonne intelligence avec les Algériens, qui sont des acteurs majeurs de cette région et dont c’est aussi l’intérêt ». Par ailleurs, la situation dans le sud de la Libye rend pertinent la volonté des États-Unis d’établir une base à Agadez (Niger) d’où il sera possible de mettre en oeuvre des drones.

Pour le ministre de la Défense, si rien est fait, il est à redouter une « jonction entre les différents califats » que les groupes jihadistes cherchent à instaurer, comme en Irak et en Syrie. En Afrique, du moins, Boko Haram semble s’y employer dans le nord du Nigéria.

D’où, d’ailleurs, l’une des raisons de l’opération française Sangaris en Centrafrique. « Nous agissons [en République centrafricaine] pour évider qu’un vide sécuritaire se forme », ce qui « ne manquerait pas d’avoir des effets dans la région, au nord du Cameroun ou du Nigéria », a expliqué M. Le Drian.

Cependant, la France ne peut pas agir seule « dans cette opération » en Libye, a précisé M. Le Drian lors d’un entretien accordé à Europe1, ce 9 septembre. Aussi, pour le moment, l’heure est à la prise de conscience de la situation, avec l’idée de former une coalition. Le sujet sera en tout cas évoqué par le ministre lors d’une réunion informelle avec ses homologues de l’Union européenne à Milan. « L’Assemblée générale des Nations unies est une autre occasion à saisir », a-t-il également indiqué.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]