Un ingénieur soupçonné d’avoir des liens avec le milieu salafiste interdit d’accès à un site nucléaire

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Début août, manquant de lubrifiant, la turbine d’un réacteur de la centrale nucléaire de Doel, en Belgique, s’est automatiquement arrêtée. En cause : les 65.000 litres d’huile nécessaire à son bon fonctionnement avaient été vidangés dans un réservoir souterrain prévu à cet effet en cas d’incendie. Selon Electrabel, propriétaire du site, les dégâts sont « importants » et aucune date de redémarrage n’a été donnée.

 

Cet incident tombe mal pour la Belgique étant donné que, avec l’arrêt programmé pour entretien d’un autre réacteur, le pays sera bientôt privé de 2/3 de son énergie nucléaire, soit 1/3 de sa production d’électricité, ce qui laisse planer la menace d’un « blackout » à la fin octobre, quand les conditions météorologiques seront moins clémentes.

 

Seulement, cette situation aurait pu être évitée. En effet, l’Agence Fédérale de Contrôle Nucléaire (AFCN) a rapidement conclu que la vidange des 65.000 litres d’huile de la turbine du réacteur de Doel était une « manoeuvre délibérée ». En clair, il est question d’un sabotage, qui souligne le quotidien Le Soir, ne peut « avoir été commis que par quelqu’un d’interne à la centrale, et surtout ayant le ‘know-how’ nécessaire pour commettre un tel acte ». Une enquête a été ouverte par le parquet de Termonde.

 

Cette affaire démontre, s’il en était encore besoin, que la sélection des personnels amenés à travailler sur une site aussi sensible que peut l’être une centrale nucléaire doit être aussi rigoureuse qu’implacable. Et le moindre doute doit être écarté, comme l’a estimé la direction de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine, qui a pris la décision d’interdire l’accès de ses installations à un ingénieur après un avis défavorable de la préfecture de l’Aube et surtout une enquête couverte par le secret défense

 

L’ingénieur, âgé de 29 ans et employé depuis 2 ans par un sous-traitant d’EDF, a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, considérant que cette dernière avait été prise en raison de sa confession musulmane.

 

Dans un premier temps, les juges ont annulé la décision prise par la direction de la centrale, estimant qu’il y avait « un doute sérieux sur (sa) légalité » puisque « ni EDF, ni le préfet de l’Aube n’ont précisé quelles caractéristiques justifiaient l’interdiction d’accès ».

 

Victoire pour l’ingénieur? Non, car la direction de la central a maintenu sa décision, quitte à revenir une nouvelle fois devant le tribunal administratif de Châlons. Et pour cause : selon la préfecture de l’Aube, il n’y a pas à motiver un tel avis étant donné qu’il est couvert par le « secret défense ». Mais « il va de soi que le préfet n’a pas émis un avis défavorable en fonction de critères de religion ou de race ». Et d’insister : « On juge sur des éléments liés à la sécurité ».

 

« Nous vivons dans un Etat de droit et mon client, un homme diplômé sans aucun casier judiciaire qui pratique un islam classique comme beaucoup de français musulmans, demande à connaître légitimement les motifs de cette interdiction », avait expliqué, le 18 août, à l’AFP, Me Sefen Guez, l’avocat du Collectif contre l’islamophobie (CCIF).

 

Finalement, le tribunal administratif les a donnés le 1er septembre, en confirmant cette fois la décision de la direction de la centrale de Nogent-sur-Seine. Ainsi, cet ingénieur est soupçonné d’avoir des liens avec un groupe terroriste jihadiste en raison de ses relations avec imam salafiste impliqué dans le recrutement de combattants contre les troupes américaines en Irak.

 

Considérant le « risque de manipulation et donc de vulnérabilité », le tribunal a estimé que l’administration « pouvait légitimement écarter les personnes qui, en l’état d’informations précises, apparaissent engagées dans un processus de radicalisation politico-religieuse ».

 

Visiblement, ces motifs n’ont pas l’air de convaincre l’avocat de cet ingénieur. « Il n’y a aucune preuve de ces supposés liens. Cette décision qui s’appuie sur des affirmations non circonstanciées n’est pas digne d’un État de droit », a plaidé Me Sefen Guez Guez. Ce dernier a indiqué étudier avec son client « les possibilités de faire appel de cette décision ».

 

Photo : La centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine (c) EDF

 

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