Que peut bien contenir le disque dur d’un ordinateur ayant appartenu à un jihadiste de l’EI?

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Beaucoup de jihadistes de l’État islamique communiquent via les réseaux sociaux comme Twitter, Facebook ou encore Diaspora ainsi que les sites de partage de vidéos. D’ailleurs, un service du département d’État, le Center for Strategic Counterterrorism Communications (CSCC), a été spécialement créé en 2011 pour contrer la propagande numérique des groupes terroristes. « C’est une guerre de milliers d’escarmouches, pas une grande bataille », confiait récemment, à ce sujet, un haut responsable de la diplomatie américaine.

Les jihadistes disposent donc de moyens informatiques et téléphoniques pour s’afficher comme ils le font sur les réseaux sociaux. Or, le magazine américain Foreign Policy a pu avoir accès à un ordinateur portable ayant appartenu à l’un d’entre eux. Ce dernier a été récupéré au début de cette année par un rebelle syrien modéré, à l’issue de combats dans la province d’Idlib, soit bien avant l’offensive victorieuse de l’EI dans le nord de l’Irak.

À première vue, raconte Foreign Policy, le disque dur de cet ordinateur (un Dell Vostro, qui correspond à la gamme pour les entreprises du constructeur informatique), dont l’accès n’était pas protégé par un mot de passe, était vide. Mais en y regardant de plus près, il contenait finalement 35.347 fichiers répartis dans 2.367 dossiers masqués. Soit l’équivalent de 146 giga octets de données.

Première information : l’ordinateur en question appartenait à un certain Mohammed S., un ressortissant tunisien ayant étudié la physique et la chimie dans deux universités situées dans le nord-est de la Tunisie avant de rejoindre l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL). Un examen sommaire des fichiers a permis de trouver des documents concernant Oussama Ben Laden, des manuels sur la fabrication de bombes, des méthodes pour voler des voitures ou de passer inaperçu pour voyager ansi que des fatwas. Du classique en somme.

Mais une étude plus approfondie des fichiers a mis en évidence des éléments pour le moins inquiétants. Ainsi, il apparaît que Mohammed S, dont on ignore ce qu’il est devenu, s’intéressait de près à la conception d’armes bactériologiques. Un document de 19 pages relatif à ce sujet a été retrouvé. De même que des fatwas d’un imam saoudien (actuellement sous les verrous) justifiant l’emploi d’armes de destructions massives contre les « infidèles ».

Pour Foreign Policy, « les documents trouvés sur cet ordinateur rappellent (…) que les djihadistes travaillent dur à se procurer ces armes qui leur permettraient de tuer des milliers de personnes d’un seul coup ». En outre, le magazine écrit que la « crainte est désormais que les hommes comme Mohammed puissent travailler dans l’ombre, loin des lignes de front, à développer des armes chimiques ou biologiques –  l’université de Mossoul, contrôlée par l’EI, par exemple, ou dans un laboratoire de la ville de Racca en Syrie, devenue de facto la capitale du groupe ».

Aussi, insiste encore Foreign Policy, « plus longtemps le califat existera, plus il y aura de chances que ses membres ayant une éducation scientifique mettent au point quelque chose d’horrible ».

Les révélations sur le contenu du disque dur d’un ordinateur ayant appartenu à ce jihadiste sont à mettre en parallèle avec l’exigence exprimée il y a quelques jours par l’EI pour la libération d’une jeune femme américaine (dont le nom n’a pas été révélé, conformément au souhait de sa famille), enlevé il y a un an alors qu’elle travaillait pour une association humanitaire. Outre une rançon de plus de 6 millions de dollars, l’organisation terroriste réclame également la remise en liberté de Aafia Siddiqui, surnommé « Lady al-Qaïda ».

Cette exigence peut sembler bizarre. Elle l’est moins quand on sait que Aafia Siddiqui issue d’une famille pakistanaise aisée, est une spécialiste des neurosciences, diplômé du fameux Massachusetts Institute of Technology (MIT). Sa trace a été perdue en 2003, après un retour au Pakistan. Mais son nom a souvent été cité par Khaled Cheikh Mohammed (KCM), le planificateur des attentats du 11 septembre 2001, capturé la même année.

C’est à Ghazni (Afghanistan) que cette femme a été retrouvée, en 2008. Lors de son arrestation, des documents relatifs aux armes chimiques et bactériologiques ont été retrouvés sur elle. Et, lors de son interrogatoire, elle a profité d’un moment d’inattention pour d’emparer d’une arme et tirer sur les agents qui la gardaient. Depuis, elle a été condamnée à 86 ans de prison, peine qu’elle effectue dans une prison au Texas.

Aussi, le fait que l’EI puisse s’intéresser à elle peut avoir deux explications. Étant donné qu’Aafia Siddiqui est très populaire chez les militants d’al-Qaïda, obtenir sa libération serait de nature à rallier ces derniers sous la bannière du califat islamique. À moins que ses compétences intéressent plus particulièrement les jihadistes établis en Irak et en Syrie… Ce que tendrait à démontrer le contenu de l’ordinateur portable évoqué par Foreign Policy.

Photo : Capture d’écran de Foreign Policy

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