L’État islamique aurait recruté plus de 6.000 nouveaux jihadistes en juillet

Il est difficile d’avoir une idée précise des effectifs de l’État islamique, l’organisation jihadiste qui sème la terreur en Irak et en Syrie, tant les estimations varient selon les sources.

Chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), Karim Pakzad a avancé le chiffre « d’au moins 10.000 combattants ». Ce qui signifie qu’il s’agit-là d’un minimum qui peut sembler sous-évalué. « Depuis que cette organisation est entrée en Irak par Mossoul, plusieurs milliers de ‘bénévoles’ de pays européens, arabes ou d’Asie centrale, ont afflué pour renforcer les rangs de l’Etat islamique », a-t-il toutefois ajouté. Cela étant, il n’est clair s’il parlait uniquement des effectifs jihadistes dans le nord irakien…

Pour Yves Boyer, professeur de relations internationales à l’Ecole polytechnique et directeur adjoint Fondation pour la recherche stratégique (FRS), les effectifs de l’EI seraient de l’ordre de 20.000 à 30.000 hommes, dont 8.000 à 10.000 seraient actifs en Irak, selon Ahmed al-Sharifi, enseignant spécialiste des sciences politiques à l’université de Bagdad.

Ces estimations sont en-deçà de celle donnée par l’Observateur syrien des droits de l’homme (OSDH), une organisation qui suit l’évolution du conflit en Syrie de très près. Ainsi, selon cette dernière, l’EI compterait 50.000 combattants, dont 20.000 non syriens.

Au sujet de ces derniers, la diplomatie américaine est plus réservée étant donné qu’elle donné l’effectif de 12.000 jihadistes étrangers venus de 50 pays différents en trois. « Ils ne sont peut-être pas tous encore là-bas », a ajouté Marie Harf, la porte-parole du département d’État. Et l’idée que certains d’entre eux soient revenus dans leur pays d’origine suscite l’inquiétude des services de renseignement et de sécurité occidentaux.

Quoi qu’il en soit, depuis qu’il instauré, il y a quelques semaines, un califat à cheval sur la Syrie et l’Irak, c’est à dire englobant les territoires qu’il a conquis, l’État islamique recrute massivement. D’après les chiffres donnés par l’OSDH, l’organisation aurait reçu l’apport de 6.300 nouveaux jihadistes, dont un millier d’étrangers.

« Les effectifs de l’EI n’ont jamais progressé aussi vite », souligne Rami Abdelrahman, le fondateur de l’OSDH, qui a précisé avoir obtenu ces chiffres « auprès de toutes les parties impliquées dans le conflit syrien ».

Plusieurs raisons peuvent expliquer ce phénomène : la prise de territoires, tant en Syrie qu’en Irak, facilite le recrutement de jeunes, attirés par les primes (il est question d’une centaine de dollars par mois), l’ascendant pris par l’EI sur al-Qaïda, le ralliement de factions rebelles et la communication via Internet, qui attire les candidats au jihad étrangers.

Ainsi, les filières de recrutement irako-syrienne (donc celle de l’EI) ont concerné  » 870 individus venant de France », selon Alain Zabulon, le coordonnateur national du  renseignement. D’où l’adoption de mesures pour limiter les départs vers les zones de « jihad », dont le blocage des sites Internet prosélytes. Seulement, c’est oublier que les jihadistes recrutent surtout via les réseaux sociaux.

Par exemple, sur Twitter, l’on peut trouver des profils de jihadistes européens qui relaient la propagande de l’État islamique. Ainsi, l’un d’eux (dont on ne donnera pas l’adresse de la page), qui se trouve actuellement en Syrie, a posté 607 tweets en français, 149 photos et vidéos et compte 1.287 abonnés.

Cela étant, depuis la diffusion de la vidéo montrant l’assassinat du journaliste américain James Foley par un jihadiste de l’EI, Twitter a commencé à faire le ménage en suspendant les comptes l’ayant relayée (pourquoi ne l’a-t-il pas fait plus tôt, alors que des images d’exactions y circulent depuis plusieurs semaines?). Mais pour combien de temps? La même chose avait été faite avec les shebabs somaliens, qui ouvrirent une autre page avec un nom différent. Le problème n’est pas nouveau : en novembre 2011, des sénateurs américains avaient demandé l’exclusion du mouvement taleb de ce réseau social.

Et quand bien même les comptes liés à l’EI seraient supprimés sur Twitter ou Facebook, les jihadistes ont trouvé la parade en se reportant sur le réseau social « Diaspora ». La particularité de ce dernier est qu’il n’est pas hébergé sur un serveur central, ce qui rend compliqué la modération des contenus.

« Nous ne pouvons empêcher personne d’utiliser Diaspora ni influencer les décisions des administrateurs individuels. C’est peut être une des raisons qui a attiré l’État islamique sur notre réseau », a expliqué, à l’AFP, un porte-parole de ce projet lancé en 2010.

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