Le Japon proteste contre des exercices militaires russes dans l’archipel des Kouriles

En 1855, en vertu du traité de Shimoda, les îles Habomai, Shikotan, Etorofu et Kunashiri (ou Kouriles du sud pour les Russes) étaient cédées au Japon, Moscou ayant alors renoncé à toute prétention sur ces territoires, dont les eaux sont riches en ressources ressources halieutiques, en soufre et en minéraux polymétalliques.

Seulement, 90 ans plus tard, l’URSS de Staline annexait cet archipel à la faveur de la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Outre les richesses de leurs eaux, ces îles étaient considérées – et elles le sont toujours – comme étant stratégiques dans la mesure où elles verrouillent l’accès à la mer d’Okhotsk pour la flotte soviétique – aujourd’hui russe – du Pacifique.

Cette affaire empoisonne les relations entre le Japon et la Russie au point qu’aucun traité de paix n’a été signé entre les deux pays depuis 1945. Pour Moscou, il n’est évidemment pas question de céder ne serait-ce qu’un pouce de terrain face à Tokyo. Mieux même : en 2011, il avait été annoncé un renforcement des moyens militaires sur cet archipel, ce qui provoqua des protestations de la part des autorités nippones.

Selon les plans russes, il était question d’y déployer des systèmes de défense aérienne (batteries S-400, Pantsir S1), des batteries de défense côtière, des radars, missiles anti-navires Iakhont ainsi que des moyens de lutte anti-sous-marine. « es armements qui sont là-bas doivent être suffisants et modernes pour garantir la sécurité des îles, en tant que partie inaliénable de la Fédération de Russie », expliquait alors Dmitri Medvedev, le président russe de l’époque, aujourd’hui redevenu Premier ministre.

La question des Kouriles aurait dû être abordée entre les deux pays lors d’une réunion de leurs vice-ministres des Affaires étrangères respectifs au début du mois, à Moscou. Seulement, cette dernière a été reporitée à une date ultérieure en raison de la décision de Tokyo de sanctionner à nouveau la Russie pour ses agissements en Ukraine, comme l’on fait les capitales occidentales. Des mesures similaires avaient été prises en mars par les autorités nippones.

Le ministère russe des Affaires étrangères fit valoir que ces nouvelles sanctions étaient « inamicales » et qu’elles menaçaient  » inévitablement tout un ensemble de relations bilatérales » alors que Moscou et Tokyo ont des liens économiques importants, en particulier dans le domaine de l’énergie.

C’est donc dans ce contexte que la Russie a lancé des manoeuvres militaires sur les îles Kouriles. L’agence Ria Novosti précise qu’il s’agit d’exercices du « groupe interarmes des troupes du District militaire » dont l’objet est de « perfectionner la technique de défense côtière et de débarquement », en mobilisant « plus de 1.000 soldats ainsi que 5 hélicoptères Mi-8 et une centaine d’unités de matériel technique ». Et des forces aéroportés, l’aviation et la Flotte russe du Pacifique sont également mobilisées.

Sauf que la tenue de ces exercices militaires a suscité la colère des autorités japonaises. « Étant donnée la position légale de notre nation sur les Territoires du Nord (les Kouriles, ndlr), le fait que l’armée russe procède à des manoeuvres (dans cette zone) est totalement inacceptable », a affirmé un responsable du ministère japonais des Affaires étrangères, qui a par ailleur fait savoir, le 13 août, qu’une  » ferme protestation à l’ambassade de Russie à Tokyo » a été transmise.

« Notre pays ne peut absolument pas accepter ça », a enchéri Shinzo Abe, le Premier ministre nippon, dont les propos ont été rapportés par l’agence Jiji. Pourtant, ce dernier, au moment de son arrivée au pouvoir, en décembre 2012, avait fait du rapprochement avec la Russie une priorité. À ce titre, il a déjà rencontre le président Poutine à cinq reprises…

Contrairement à ce que l’on pourrait supposer, ce ne sont pas des actions chinoises au sujet de l’archipel Senkaku, un autre territoire disputé, qui motive les décollages en alerte des avions de chasse des forces aériennes d’autodéfense japonaises… Mais ce sont bel et bien les bombardiers et les appareils de renseignement russes, pour 70% des cas, selon les statistiques récemment données pour le premier semestre de cette année.

Aussi, alors que Paris est sous la pression de ses alliés pour en pas livrer les deux BPC Mistral commandés par Moscou, le Japon a également fait part de ses préoccupations au sujet de cette vente. « Il y a sur cette question beaucoup de débats en Europe et je voudrais m’abstenir de commenter. Cependant, sur les deux navires, il semble que l’un soit destiné à être dépêché en Extrême-Orient, ce qui pour notre pays, du point de vue de la sécurité, doit être observé avec attention », avait déclaré, le 24 juillet, Yoshihide Suga, le porte-parole du gouvernement nippon.

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